Comme d'habitude, je vais vous présenter dans un instant quelques données chiffrées sur les crédits de l'audiovisuel public avant d'insister sur un nombre limité de points que j'estime fondamentaux. Mais avant cela permettez-moi de revenir sur le contexte particulier que connaît le secteur des médias.
Le Gouvernement a annoncé le dépôt d'un projet de loi sur la communication audiovisuelle et sur la souveraineté culturelle à l'heure numérique. Initialement prévu en 2018, ce texte a été reporté au printemps 2019, puis à l'été, et enfin à l'automne. Finalement il devrait être examiné en conseil des ministres mercredi prochain... L'Assemblée nationale prévoit de commencer ses auditions au mois de décembre et d'examiner le texte en commission fin janvier 2020. Le débat en séance publique est programmé fin février. Notre assemblée devrait donc s'en saisir au printemps, après les élections municipales.
Ce projet de loi comprend trois volets : un premier volet relatif à la création audiovisuelle, un deuxième concerne l'évolution de la régulation tandis que le dernier volet est consacré à la réforme de l'audiovisuel public.
Ce dernier volet est reprend - souvent mot pour mot - les préconisations que nous avions faites avec André Gattolin en 2015. Nos concitoyens qui s'interrogent sur le rôle du travail parlementaire trouveront matière à réponse dans ce projet de loi puisque c'est notre rapport qui a proposé de créer une holding publique rassemblant France Télévisions, Radio France, France Médias Monde (FMM) et l'Institut national de l'audiovisuel (INA). Nous avions été jusqu'à proposer de le dénommer « France Médias », c'est le nom qui est aujourd'hui retenu. Nous avions également fait le choix de laisser en dehors de la holding Arte et TV5 Monde, et là encore nous avons été suivis. Nous avions enfin préconisé que le président cette nouvelle société publique soit désigné par son conseil d'administration et c'est bien ce mode de gouvernance, normalisé, qui est privilégié. Comme nous le souhaitions également, les missions de cette holding devront rester stratégiques : définir les orientations du contrat d'objectifs et de moyens (COM), désigner les directeurs généraux des quatre filiales, répartir le produit de la contribution à l'audiovisuel public (CAP), définir les mutualisations et la stratégie numérique commune... Toutes ces recommandations sont donc reprises par le projet de loi et nous devrions donc être pleinement satisfaits.
Pourtant nous ne le sommes pas pleinement. La transformation de l'audiovisuel public doit reposer sur trois dimensions indissociables : une évolution des structures reposant sur la création d'une gouvernance commune, c'est l'objet du projet de loi et là, nous sommes sur la bonne voie ; une définition pluriannuelle des moyens ; une réflexion sur les missions et la vocation de cet outil fondamental qu'est l'audiovisuel public.
Or, si le train de l'évolution des structures est en partance, et si celui qui prévoit les moyens est annoncé avec retard pour 2021 ou 2022, nous restons encore sur notre faim concernant la définition des missions.
Tout se passe en fait comme si on avait pris le problème à l'envers. Notre rapport de 2015 s'intitulait : « Pour un nouveau modèle de financement de l'audiovisuel public : trois étapes pour aboutir à la création de « France Médias » en 2020 ». Notre réflexion était partie des moyens. Quels moyens pour quelles missions ? Et nous avons abouti à la nécessité de modifier les structures en particulier pour accélérer l'élaboration d'offres numériques communes. Malheureusement, c'est le raisonnement inverse qui est appliqué aujourd'hui. On coupe les moyens, on repousse la réforme du financement à 2021 ou 2022 et on modifie les structures, avant tout pour rechercher des économies et non pour renforcer la spécificité du service public.
Au lieu de garantir des moyens dans la durée, le Gouvernement n'a fait que procéder à des coups de rabot successifs depuis 2017, sans tenir compte des enjeux propres à chaque média public. Une trajectoire - très contraignante - a ainsi été définie en 2018 qui prévoit 190 millions d'euros de baisse de la ressource publique d'ici 2022. Cette baisse de la ressource ne tient pas compte de la hausse naturelle de la masse salariale consécutive à l'ancienneté et de l'accroissement de certains coûts, comme l'indexation des contrats et des baux locatifs par exemple. Le Gouvernement a exigé par ailleurs, avec raison, que les entreprises de l'audiovisuel public accroissent leurs investissements dans le numérique de 150 millions d'euros, mais cela accroît d'autant l'effort demandé à chacune d'entre elles. France Télévisions a ainsi chiffré l'écart à financer à près de 370 millions d'euros.
La réforme des structures de 2020 s'ajoutera donc à la raréfaction des moyens engagée en 2018 sans qu'une réflexion globale n'ait abouti sur les missions.
C'est donc un véritable « management par le stress budgétaire » qui a été mis en place depuis 2017. La montagne est d'autant plus difficile à gravir pour les entreprises que cette thérapie de choc succède à une période de relative abondance des crédits, de 2012 à 2017, durant laquelle la tutelle n'a exigé aucune véritable réforme.
Je rappelle que l'indexation et le mécanisme d'arrondi de la CAP ont généré pendant plusieurs années une surindexation. Les ressources de l'audiovisuel public ont ainsi augmenté de 18 % entre 2009 et 2016, alors que l'inflation n'a progressé que de 8 % sur cette période. Le montant de la CAP aurait dû être de 124 € en 2016 en se fondant sur l'inflation réelle et non pas de 137 € compte tenu des règles d'indexation et des « coups de pouce ».
Concernant les réformes, je rappellerai également que la fusion des rédactions de France Médias Monde a été abandonnée en 2012 alors qu'elle était au coeur du projet initial de pôle de l'audiovisuel extérieur. La fusion des rédactions de France Télévisions a pris, à cette même époque, beaucoup de retard, le projet Info 2015 vient d'ailleurs de s'achever seulement cette année, avec quatre ans de retard. Cet immobilisme a été dénoncé tant par la Cour des comptes que par notre commission qui, je le rappelle, avait donné des avis négatifs aux COM de Radio France et de France Télévisions.
En somme, l'austérité la plus sévère a succédé au laxisme le plus débridé en faisant à chaque fois l'économie d'une réflexion sur les attentes de la Nation vis-à-vis de son audiovisuel public.
Certains choix apparaissent particulièrement déraisonnables et je vous en donnerai quelques exemples. Sans aucun débat, le Gouvernement a décidé de supprimer la diffusion hertzienne de France 4 et de France Ô. L'économie pour France 4 est estimée à 16 millions d'euros et celle pour France Ô à 13 millions d'euros. Ces 29 millions d'euros représentent 1 % du budget de France Télévisions, ce qui paraît dérisoire. Comme l'indiquait le président de la BBC l'année dernière au Sénat, il est incompréhensible que France Télévisions se prive d'un outil de fidélisation de la jeunesse alors même que le service public est confronté à la problématique du vieillissement de ses audiences. Je rappelle par ailleurs que la nouvelle plateforme jeunesse de France Télévisions, dénommée OKOO, sera lancée à l'été 2020, c'est-à-dire cinq ou six mois après l'arrivée de Disney + prévue en mars prochain... Le service public abandonne donc le terrain. J'observe également que plus de cinq ans après l'arrivée de Netflix le service public ne dispose toujours pas d'une plateforme SVOD de vidéo à la demande et ne propose aucun film en replay...
Un deuxième exemple concerne Radio France et le chantier de la Maison de la Radio. Les nouvelles sont plutôt encourageantes de ce côté puisque la fin du chantier devrait avoir lieu, comme prévu l'année dernière, à l'été 2022. Par ailleurs, le coût final semble enfin maîtrisé puisque la dernière évaluation faite par l'entreprise évalue le coût du chantier à 580 millions d'euros en tenant compte des studios de création. C'est 20 millions d'euros de moins que ma propre estimation de l'année dernière. Cependant on peut regretter que l'État n'ait pas été en mesure de définir dans le PLF le montant et les modalités de sa contribution au financement du chantier pour 2020. Non seulement cette situation n'est pas confortable pour l'entreprise, mais elle ne me semble pas respectueuse du Parlement qui ne peut se prononcer sur ce financement dans le cadre du débat budgétaire. Enfin, on ne peut que déplorer l'idée de départ du projet de rénovation ayant consisté à maintenir les équipes dans les locaux pendant les travaux. Outre le fait que ce choix a été à l'origine des retards et du dérapage des coûts, il a contribué à dégrader le climat social, les personnels ne pouvant concilier les contraintes de leur métier concernant le son avec les nuisances sonores inhérentes à un chantier d'une telle importance.
Un dernier exemple concerne notre audiovisuel extérieur. La réduction des crédits se traduit aujourd'hui par une réduction des zones de diffusion. TV5 Monde s'est retirée des réseaux câblés en Grande-Bretagne et prévoit de réduire sa couverture en Europe continentale, notamment en Italie, l'année prochaine. France 24 ne sera plus disponible sur les réseaux câblés en Amérique du Nord en 2020. J'y reviendrai tout à l'heure, mais je crois déjà nécessaire de regretter l'absence de réflexion stratégique sur notre audiovisuel extérieur. Nous vivons sur une fiction : vouloir maintenir une influence mondiale en accordant à nos opérateurs des moyens par nature limités issus de la CAP et donc financés par les téléspectateurs nationaux. Il est temps, à mon sens, de définir une stratégie ambitieuse et conquérante plus en phase avec nos moyens et nos intérêts stratégiques. Pour cela il faudrait certes procéder à des arbitrages de périmètre pour adapter nos objectifs à nos moyens, mais également augmenter ces mêmes moyens afin de défendre notre influence dans les zones vraiment stratégiques (l'Afrique, l'Asie et le Moyen-Orient). Je note toutefois l'extension de la diffusion en espagnol en Amérique latine.
Notre audiovisuel public est d'abord victime de ces « non-choix », sur le nombre de chaînes, sur le numérique, sur le chantier de Radio France, sur les zones d'influence dans le monde...
Si nous en sommes arrivés à cette situation, c'est d'abord parce que les tutelles - et donc les Gouvernements successifs - ont été incapables de définir une vision stratégique et de donner du sens au service public dans un monde numérique.
Pourtant, l'urgence à préserver des acteurs puissants est bien présente. Les plateformes américaines ne proposent pas d'information, elles n'ont pas non plus vocation à présenter un récit national à travers des émissions sur l'histoire et le patrimoine. En un mot, elles n'ont pas la charge de faire vivre le débat démocratique. France 3 et France Bleu ont ainsi prévu d'organiser plus de 800 débats à l'occasion des élections municipales. Voilà pourquoi, il nous faudra être vigilants dans le cadre du débat sur la loi audiovisuelle sur la préservation et le renforcement de nos acteurs nationaux, qu'il s'agisse des groupes de télévision comme des groupes de radio.
Dans ces conditions, je ne peux que regretter la baisse du tarif de 1 € de la contribution à l'audiovisuel public, prévue par l'article 31 du projet de loi de finances, qui intervient après le gel déjà décidé l'année dernière. Cette diminution des moyens va inévitablement contrarier l'accomplissement des missions de l'audiovisuel public.
Si je regrette cette baisse des moyens, je ne peux néanmoins pas m'y opposer, faute de redéfinition des missions et des priorités ; elle constitue l'unique moyen trouvé par l'État pour exiger des réformes dans l'organisation de ces entreprises.
Depuis 10 ans, le Législateur a fait son travail en accompagnant la hausse des moyens de l'audiovisuel public. Mais force est de constater que ces moyens ont d'abord servi à financer des coûts et des effectifs croissants et non à développer des offres innovantes. Depuis 2012, les effectifs de France Médias Monde ont ainsi augmenté de plus de 10 % et ceux de d'Arte de 7 %. À France Télévisions et à Radio France, c'est le nombre des cadres dirigeants et leurs salaires conséquents qui ont connu un vrai dynamisme selon les organisations syndicales.
On peut le déplorer, mais la politique d'austérité porte ses fruits. La présidente de France Télévisions expliquait il y a encore deux ans que l'entreprise était « à l'os » en matière d'effectifs. Sur la période 2018-2022, ce sont pourtant plus de 1 000 emplois nets qui seront supprimés et une économie de 100 millions d'euros qui pourra être réalisée. Cet effort est à souligner. À Radio France, le plan de départs devrait concerner près de 300 personnes. Cela est à souligner aussi.
Vous l'aurez compris, si je soutiens la réduction des moyens décidée pour provoquer des économies et rechercher une hausse de la productivité, je la déplore lorsqu'elle a pour effet de réduire l'ambition du service public tant en métropole, qu'en outre-mer et à l'international.
Quelques chiffres maintenant. Après avoir augmenté de 100 millions d'euros sur la période 2015-2017 puis baissé de 36,7 millions d'euros en 2018, et de 36,1 millions d'euros en 2019, les crédits consacrés à l'audiovisuel public baisseront de 69,2 millions d'euros en 2020 (soit une baisse de -1,8 %) pour représenter 3,71 milliards d'euros.
Cet effort se répartit comme suit : 60 millions d'euros pour France Télévisions, 5 millions d'euros pour Radio France, 2,2 millions d'euros pour Arte, 1 million d'euros pour France Médias Monde et pour l'INA, les moyens de TV5 Monde demeurant stables.
Lorsque l'on examine l'évolution des moyens de chaque entreprise depuis 2017, il n'est pas inutile de rappeler que si les crédits accordés à France Télévisions et Radio France ont fortement baissé, l'évolution demeure positive pour France Médias Monde (+3,7 millions d'euros) et Arte (+1 million d'euros). Je précise cela, car il serait inexact de laisser penser que France Médias Monde et Arte seraient plus mal traitées que les deux plus grosses sociétés de l'audiovisuel public. Elles sont plutôt préservées. Par contre, il est vrai que la tutelle ne leur donne pas les moyens de mettre en oeuvre des ambitions croissantes, ce qui est évidemment différent.
C'est la raison pour laquelle je ne soutiendrai pas - à titre personnel, car nous n'avons pas à donner d'avis au nom de la commission - l'amendement adopté par la commission des finances qui vise à transférer près de 10 millions d'euros du budget de France Télévisions à celui de France Médias Monde. Notre audiovisuel extérieur a besoin, je l'ai dit, d'une vraie réflexion stratégique et d'arbitrages au plus haut niveau pour définir les contours d'une ambition raisonnable et réaliste. Son avenir ne peut dépendre d'une politique consistant à « déshabiller Pierre pour habiller Paul ».
Je rappelle à cet égard que le produit de la TOCE qui s'élevait à 266 millions d'euros en 2018 ne profite plus à l'audiovisuel public. La réforme de la CAP que nous avons proposée en 2015 avec une universalisation de son assiette se traduirait mécaniquement par environ 150 millions d'euros de ressources supplémentaires. Ce n'est donc pas une question d'argent, mais de choix. La majorité actuelle a fait le choix de réduire la voilure de la culture et de l'influence françaises et, en même temps, de continuer à revendiquer une ambition qui ne repose en fait sur aucune volonté politique réelle. Et c'est ce choix que je peux qualifier de technocratique et schizophrénique qui crée un trouble aujourd'hui, notamment auprès des salariés.
J'en viens maintenant à la situation des opérateurs. Celle de France Télévisions reste, comme l'année dernière, délicate. Comme je l'ai indiqué, le groupe doit faire face à un mur de 370 millions d'euros à financer. Les gisements de ressources ne sont pas nombreux. L'accord de rupture conventionnelle collective doit se traduire à terme par une économie de 100 millions d'euros sur la masse salariale. Des économies à hauteur de 110 millions d'euros sont également prévues sur les programmes, notamment sur les émissions de flux. L'entreprise envisage d'augmenter ses recettes commerciales, notamment celles issues des coproductions et elle bénéficie d'une baisse de la taxe du CNC à hauteur de 20 millions d'euros.
Cette diète financière ne tarira pas cependant le rythme des nouveaux projets puisque le groupe vient de lancer une nouvelle plateforme éducative, Lumni, et que le projet de plateforme SVOD Salto est maintenant en développement après avoir reçu l'accord de l'Autorité de la concurrence.
Un mot du rapprochement en cours entre France 3 et France Bleu que j'avais longuement évoqué l'année dernière. Après la phase d'expérimentation conduite à Nice et Toulouse, le déploiement de 44 matinales communes a été décidé à l'horizon 2022. Après Guéret et Lille à la rentrée dernière, c'est Quimper qui est concerné ce mois-ci puis Aix-en-Provence le mois prochain, avant Saint-Etienne et Paris en janvier 2020. Des difficultés restent à résoudre concernant au moins 16 zones d'émission. Un problème plus structurel concerne l'absence de géolocalisation sur les box qui privent les téléspectateurs d'accès aux matinales communes. Le bilan qualitatif de ces matinales est encore indécis. Les directions de France 3 et de France Bleu insistent sur le meilleur maillage et la satisfaction du public. Les syndicats considèrent que la valeur ajoutée éditoriale est très limitée et que la « qualité à l'écran » n'est pas au rendez-vous. Le succès de l'opération dépendra donc de la capacité des équipes à créer un média global de proximité à travers une offre numérique commune.
Les audiences de Radio France sont toujours excellentes et l'entreprise a réussi à rétablir l'équilibre de ses comptes en 2019, notamment grâce à la progression des recettes publicitaires. La transformation de l'entreprise a été engagée avec l'intégration des technologies numériques. La diffusion des podcasts sur tous les supports a permis de mieux faire connaître l'offre et d'augmenter l'audience en retour. Certaines antennes comme FIP ont été repositionnées. Le plan de réduction d'emplois concernera particulièrement les formations musicales. J'évoque depuis plusieurs années le problème posé par ces formations. Leur redimensionnement et leur repositionnement devraient permettre de mieux les valoriser dans des registres repensés. La baisse attendue de la ressource publique de 20 millions d'euros d'ici 2020 impose de ne pas relâcher les efforts sur la maîtrise de la masse salariale et la hausse de la productivité.
La situation d'Arte est toujours satisfaisante. L'audience, toujours en progrès, atteint maintenant 2,6 % tandis que les résultats sur Internet ne cessent d'augmenter. Le développement de l'offre multilingue permet à 70 % des Européens de regarder la chaîne culturelle dans leur propre langue. La chaîne franco-allemande devient petit à petit la chaîne européenne publique de référence. Sur le plan budgétaire, la baisse de la ressource publique de 2,2 millions d'euros sera neutralisée par la baisse de la taxe du Centre national du cinéma (CNC). Cette stabilité était essentielle au moment où les Allemands définissaient leur propre financement quadriennal d'Arte Deutschland.
La situation de France Médias Monde demeure compliquée, car le groupe est confronté à des acteurs soutenus par des États qui donnent la priorité au soft power. Le groupe s'inquiète des conséquences des économies envisagées d'ici 2022 qui pourraient contraindre le développement en Afrique, notamment sur la TNT. L'entreprise essaie de limiter au minimum ses frais de fonctionnement en renégociant ses loyers, par exemple. On mesure bien le caractère inadapté des coupes budgétaires dans un univers international fait d'hyperconcurrence géopolitique.
TV5 Monde est confronté à la même problématique. Le développement est mondial, notamment en Inde. Mais la chaîne francophone doit limiter sa distribution, par exemple au Brésil, pour économiser des frais de diffusion. Les équipements de TV5 Monde ont vieilli, ce qui occasionne de nombreux problèmes techniques. Cette situation tendue n'empêche pas TV5 Monde de se projeter dans l'avenir en préparant une plateforme gratuite dont le développement a été confié à Radio-Canada.
La baisse des moyens de l'INA servira en 2020 à préserver ceux d'Arte dans le cadre de la négociation quadriennale franco-allemande. L'institut poursuit son adaptation, ce qui passe par une réduction des effectifs et l'amélioration de son offre. Je note que l'INA est très satisfaite de faire partie de la holding et qu'elle se donne pour mission de renforcer le caractère distinctif du média public.
Le regard que je porte sur ce budget est partagé. Il tient aussi compte du projet de loi que nous allons bientôt examiner. La création d'une gouvernance commune n'est pas suffisante, mais c'est une condition nécessaire à la préservation de l'audiovisuel public à l'heure du numérique. Les principales difficultés rencontrées tiennent à l'absence de vision stratégique des tutelles, ce sera donc au président ou à la présidente de France Médias de concourir au développement de cette vision et de veiller à sa mise en oeuvre.
Dans le titre III du projet de loi que nous examinerons au printemps, un chapitre entier est prévu pour redéfinir les missions de l'audiovisuel public. Ce sera le moment de faire preuve d'imagination et d'audace pour réorienter notre service public vers des missions plus différenciées dans le paysage de plus en plus dense de l'offre privée et de viser une plus grande appropriation par nos concitoyens de leur audiovisuel public.
Je pense que des moyens nouveaux devront alors lui être accordés pour développer des projets prioritaires. C'est seulement ainsi que nous pourrons définir une ambition nouvelle.
Dans ces conditions, le présent budget apparaît comme le dernier d'un temps bientôt révolu où les entreprises de l'audiovisuel public étaient encore séparées et parfois concurrentes. Je vous propose de clore cette époque en donnant un avis favorable à l'adoption de ces crédits en acceptant, à regret, l'idée que la redéfinition des moyens n'interviendra pas avant la réforme de la CAP.