Le volet judiciaire du projet de loi vise à mettre le droit français en parfaite conformité avec les exigences constitutionnelles. Que requiert donc la décision du Conseil constitutionnel du 26 novembre 2010 ? Elle indique que, en application de l’article 66 de la Constitution, il est nécessaire d’instaurer un contrôle systématique des mesures d’hospitalisation sans consentement par le juge judiciaire, « gardien des libertés individuelles ».
L’occasion nous est ainsi une nouvelle fois donnée de constater l’efficience de la révision constitutionnelle de 2008. Je me permets de souligner au passage que le texte qui vous est soumis aujourd’hui est, de par son ampleur, comparable à celui portant sur la réforme de la garde à vue. Il aboutit à la création d’une nouvelle procédure permettant de garantir de façon systématique les droits des patients.
Le projet de loi prévoit ainsi un contrôle de plein droit du juge dans les quinze jours suivant l’admission du patient en hospitalisation complète. Il apporte une garantie supplémentaire en imposant que, après ce premier contrôle, le juge judiciaire intervienne de six mois en six mois, aussi longtemps que s’applique la mesure.
Ce nouveau dispositif, qui renforce notablement la protection des droits et libertés des patients par rapport à la situation actuelle, est pleinement conforme aux exigences constitutionnelles.
En instaurant ce contrôle systématique, nous marquons un véritable progrès. Cependant, le nouveau dispositif exigera des juridictions un effort supplémentaire considérable, car ce sont près de 80 000 décisions juridictionnelles nouvelles par an qui sont à prévoir. Pour permettre la mise en œuvre de cette réforme dans les meilleures conditions possibles, j’ai d’ailleurs obtenu du Premier ministre la création de 80 emplois de magistrats et de 70 emplois de greffiers, ainsi qu’une enveloppe complémentaire de 5 millions d’euros pour financer l’aide juridictionnelle.
À l’issue de la discussion à l’Assemblée nationale, nous sommes parvenus à un dispositif équilibré, respectueux de l’intérêt des patients et conforme aux exigences constitutionnelles. J’appelle votre attention sur cet équilibre et les risques que l’on ferait courir à la viabilité du dispositif de contrôle en voulant « toujours plus de juge », même là où son intervention n’est pas absolument nécessaire.
Gardons-nous de confondre les rôles en voulant faire jouer au juge celui de l’autorité administrative ou celui du médecin. La réforme ambitieuse que nous sommes en train de bâtir ensemble ne fonctionnera que si chacun remplit l’office qui lui revient : à l’autorité sanitaire la responsabilité des soins et de l’expertise médicale, à l’autorité administrative le maintien de l’ordre public, à l’autorité judiciaire la garantie des libertés individuelles.
Je veux insister sur ce que doit être, au sens des exigences constitutionnelles, l’office du juge dans le contrôle des mesures de soins psychiatriques sans consentement, qu’il s’agisse de l’hospitalisation complète ou des nouvelles mesures de soins ambulatoires sans consentement.
S’agissant de l’hospitalisation complète sans consentement, le texte prévoit un dispositif de contrôle automatique qui permet à chacun des acteurs d’exercer ses prérogatives dans le respect des droits du patient.
Quel est ce dispositif ?
Le nouveau contrôle de plein droit dans les quinze jours de l’admission en hospitalisation sans consentement, puis, le cas échéant, tous les six mois tant que dure la mesure, permet au juge des libertés et de la détention de s’assurer de la proportionnalité de la privation de liberté que constitue l’hospitalisation complète. Par ce dispositif, nous mettons notre droit en pleine conformité avec les exigences de l’article 66 de la Constitution.
Le texte apporte des garanties procédurales supplémentaires en prévoyant que le juge statuera au terme d’un débat contradictoire et que tout patient qui ne serait pas en mesure de comparaître personnellement pourra être représenté par un avocat.
Le texte prévoit également que les audiences pourront se tenir par visioconférence si le patient y consent et si des motifs médicaux le justifient. Ce recours à la visioconférence, qui impliquera l’aménagement de salles spécifiques au sein des hôpitaux, nous permettra de pallier certaines difficultés pratiques évidentes. Il s’agit, d’une part, de permettre au juge de statuer dans les délais extrêmement courts qui lui sont impartis pour décider du maintien en hospitalisation complète, alors même que le juge des libertés et de la détention, en raison de son caractère polyvalent, ne sera pas en charge de ce seul contentieux, et, d’autre part, de répondre à la difficulté d’amener les malades dans les tribunaux.
Je suis tout à fait conscient que certaines pathologies sont incompatibles avec la tenue d’une visioconférence et que le déplacement des malades est parfois impossible. C’est pourquoi la proposition du rapporteur pour avis de la commission des lois, M. Jean-René Lecerfde prévoir un certificat médical pour la visioconférence et l’utilisation de ces salles spécifiques pour la tenue d’audiences foraines a retenu mon attention. Toutefois, il appartiendra, bien sûr, au juge de décider en dernier ressort.
On le voit, cette nouvelle procédure judiciaire va profondément modifier les pratiques des tribunaux et des hôpitaux et justifiera une mobilisation de tous pour faire en sorte que cette réforme soit, au 1er août prochain, un succès.