Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd’hui est particulièrement important, car il concerne la situation de personnes parmi les plus fragiles, celles qui souffrent de troubles mentaux.
Lorsqu’on aborde ce sujet, nous devons avoir à l’esprit trois impératifs essentiels qu’il nous faut concilier : la nécessité de donner au malade les meilleurs soins possibles afin de favoriser sa guérison ou, au moins, l’amélioration de son état de santé ; l’obligation de ne limiter la liberté des personnes que dans des proportions strictement nécessaires, pour éviter qu’elles ne nuisent à elles-mêmes ou qu’elles nuisent à autrui ; enfin, la préservation de la sécurité des personnes, parfois menacée par le comportement de certains malades.
Une réforme de la loi de 1990 est attendue depuis longtemps. Elle a été préconisée par de nombreux rapports depuis 1997, rapports dont le texte qui nous est soumis reprend de nombreuses propositions.
D’emblée, je souhaite saluer le travail accompli par Mme Dini en qualité de rapporteur. Ce travail important et approfondi a permis à chacun de nous de faire mûrir sa position, afin que nous puissions chercher tous ensemble les moyens de construire une réforme équilibrée.
Pour ma part, monsieur Fischer, j’ai le sentiment d’être un rapporteur à temps plein et pleinement responsable, et j’entends tenir complètement ce rôle dans un débat qui touche à un domaine auquel je suis amené à m’intéresser depuis une trentaine d’années, ne serait-ce qu’en tant qu’élu.
Dès à présent, il me faut souligner que cette loi serait vaine si elle n’était pas accompagnée des moyens nécessaires pour la mettre en œuvre et de mesures ambitieuses pour l’organisation de la psychiatrie et de la santé mentale dans notre pays.
Madame la secrétaire d'État, nous attendons avec impatience le plan de santé mentale que vous êtes en train de préparer. Nous espérons qu’il répondra aux attentes des malades et de leurs familles, ainsi qu’à celles de tous les intervenants en psychiatrie.
Ce plan est nécessaire et urgent : il est le complément indispensable du projet de loi dont nous débattons aujourd’hui.
Quelles sont les principales dispositions de celui-ci ?
En premier lieu, le projet de loi se donne pour objectif de diversifier les formes de prise en charge des malades faisant l’objet de soins psychiatriques sans leur consentement.
Alors qu’actuellement une personne ne peut faire l’objet de soins psychiatriques sans son consentement que sous la forme d’une hospitalisation complète, le projet de loi tend à dissocier le principe de l’obligation de soins et les modalités de dispensation de ces soins. Un régime de « soins sans consentement » est ainsi substitué au régime de l’hospitalisation sans consentement.
Les modes de prise en charge alternatifs à l’hospitalisation complète incluraient obligatoirement des soins ambulatoires ; ils pourraient également prendre la forme de soins à domicile ou de « séjours » effectués dans un établissement psychiatrique.
En cas de soins psychiatriques sans consentement sous une autre forme que l’hospitalisation complète, un « protocole de soins » serait établi dans les 72 heures de l’admission du malade par un psychiatre de l’établissement. Ce protocole définirait le ou les types de soins imposés au malade, les lieux de leur réalisation, ainsi que leur périodicité.
Dans tous les cas, la prise en charge d’un malade sans son consentement débuterait par une période d’observation et de soins de 72 heures sous la forme d’une hospitalisation complète. Au cours de cette période, deux certificats médicaux devraient évaluer la nécessité de la mesure de soins sans consentement : le premier serait établi dans les 24 heures suivant l’admission, le second dans les 72 heures.
Le texte prévoit que, lorsque les certificats concluent à la nécessité de prolonger les soins, un psychiatre de l’établissement propose, dans un avis motivé, la forme de prise en charge du malade et, s’il envisage une forme de prise en charge alternative à l’hospitalisation complète, le protocole de soins applicable.
En cas d’admission à la demande d’un tiers, le directeur de l’établissement aurait compétence pour retenir la forme de prise en charge proposée par le psychiatre ainsi que le protocole de soins établi par celui-ci. En cas d’admission sur décision du représentant de l’État, le préfet aurait compétence pour décider de la forme de prise en charge en tenant compte de la proposition établie par le psychiatre et des exigences liées à la sûreté des personnes et à l’ordre public.
En deuxième lieu, pour tenir compte de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, le projet de loi modifie les conditions dans lesquelles le juge des libertés et de la détention contrôlera les mesures de soins sans consentement.
La saisine du juge est prévue dans deux cas : d’abord, comme cela se pratique déjà actuellement, sur l’initiative de la personne faisant l’objet d’une mesure de soins sans consentement ou d’autres personnes intéressées, aux fins d’ordonner la levée de cette mesure ; ensuite, et cela de façon obligatoire, sur l’initiative du directeur de l’établissement ou du préfet, aux fins de contrôler de plein droit la nécessité du maintien de toute mesure de soins sans consentement prenant la forme d’une hospitalisation complète.
Le juge devrait obligatoirement statuer sur l’hospitalisation sans consentement d’une personne, avant l’expiration d’un délai de quinze jours à compter de son admission en soins sans consentement sous la forme d’une hospitalisation complète, puis tous les six mois lorsque le patient est maintenu en hospitalisation complète.
Le texte prévoit que le juge statue après débat contradictoire et que l’audience peut avoir lieu en utilisant la technique de la visioconférence.
Les ordonnances du juge pourraient faire l’objet d’un appel devant le premier président de la cour d’appel ou son délégué et cet appel pourrait revêtir un caractère suspensif si le juge ordonnait la mainlevée de l’hospitalisation.
Par ailleurs, l’Assemblée nationale a prévu une saisine obligatoire du juge des libertés lorsque le préfet refuse de faire droit à une demande de levée de soins psychiatriques émanant du psychiatre.
En troisième lieu, le projet de loi met en place des procédures particulières pour la sortie des soins sans consentement des personnes ayant été déclarées pénalement irresponsables ou ayant fait un séjour en UMD.
L’article 1er prévoit la création d’un collège de soignants composé de trois membres appartenant au personnel de l’établissement : un psychiatre participant à la prise en charge du patient, un psychiatre n’y participant pas et un membre de l’équipe pluridisciplinaire. Ce collège devrait se prononcer avant la levée des soins sans consentement des personnes concernées.
En outre, deux expertises devraient obligatoirement être réalisées par des psychiatres extérieurs à l’établissement d’accueil.
L’Assemblée nationale a complété ce dispositif pour prévoir la fin de l’application de celui-ci cesse après une certaine durée, durée dont la fixation est renvoyée à un décret en Conseil d’État.
Enfin, le projet de loi contient plusieurs autres mesures d’importance.
Il crée une nouvelle procédure d’hospitalisation en cas de péril imminent, qui pourrait être mise en œuvre sans la demande d’un tiers. Cette nouvelle voie d’accès aux soins pourrait notamment concerner les personnes isolées ; elle pourrait également être utilisée dans des situations où la demande d’hospitalisation est particulièrement difficile à formuler pour les membres de la famille.
Le projet de loi renforce le droit à l’information des personnes recevant des soins sans leur consentement.
Il procède à une réécriture des dispositions du code de la santé publique relatives à l’hospitalisation sans consentement des détenus, sans toutefois en modifier le contenu.
Les autres dispositions du projet de loi sont de moindre importance et visent à opérer des coordinations ou à prévoir son application outre-mer.
Mes chers collègues, ce projet de loi n’est certainement pas parfait, mais il me semble que notre tâche consiste précisément à rechercher les moyens de l’améliorer et de renforcer sa cohérence : c’est cet exercice que nous devons essayer d’accomplir ensemble.
Ce matin, la commission a donné de nombreux avis sur divers amendements et ces avis ne sont pas tous compatibles entre eux.