Intervention de Yvon Robert

Commission d'enquête Incendie de l'usine Lubrizol — Réunion du 19 novembre 2019 à 9h00
Audition de Mm. Yvon Robert maire de rouen et président de la métropole rouen normandie cyrille moreau vice-président chargé de l'environnement et frédéric althabe directeur général des services

Yvon Robert, maire de Rouen et président de la Métropole Rouen Normandie :

Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de votre invitation devant cette commission d'enquête, qui a pour objet d'éclairer ce qui s'est passé et, surtout, d'essayer d'améliorer les choses pour l'avenir.

Deux mois après, nous ne sommes plus exactement dans le même état d'esprit que le 26 ou le 27 septembre dernier. Ce fut un accident impressionnant - j'essaie d'utiliser les bons mots -, mais sans conséquence immédiate grave, ce qui le distingue de l'accident AZF, dont les conséquences furent sans commune mesure.

Les trois plans de prévention des risques technologiques (PPRT) de l'agglomération rouennaise ont été centrés sur la prévention des risques. Pour l'accident qui nous concerne aujourd'hui, Lubrizol a consacré 9 millions de travaux en moyenne sur les dix dernières années, à la sécurité. Le site a été totalement réorganisé, avec un regroupement des deux sites existant à l'origine, Lubrizol finançant sur ses deniers la construction d'une nouvelle voie publique. En conséquence de ce PPRT, l'incendie ne s'est déroulé que sur moins de 10 % du site ; il faut le noter.

Par ailleurs, les règles d'urbanisme général n'ont pas été d'une importance capitale, les habitants les plus impactés étant assez éloignés. Ces 150 000 à 200 000 personnes n'auraient certainement pas imaginé cela, mais la direction des vents, soit un aléa climatique, en a décidé autrement. Cependant, 1 million de personnes auraient pu être concernées.

Depuis trente ans que je suis élu, je suis impressionné par le nombre d'incendies de par le monde, dans tout type d'environnement. Plus que le risque technologique en tant que tel, c'est à mon sens le risque qui nous menace le plus.

Vous m'interrogez sur l'organisation des secours, et, plus particulièrement, sur l'approvisionnement en eau. Lorsque je me suis rendu sur le site vers 9h30, les inquiétudes portaient plus sur la réserve en mousse, indispensable en cas d'incendie d'hydrocarbures. Or ce produit est difficilement conservable en grande quantité. Le SDIS a dû en faire venir d'autres départements et, une fois qu'il y en a eu assez, l'incendie a été éteint en une vingtaine de minutes. Telles sont les informations que j'ai personnellement recueillies auprès du colonel des sapeurs-pompiers sur place. En outre, j'ai compris que le préfet et les pompiers avaient fait le choix délibéré de maîtriser en priorité l'incendie et de dégager les routes pour permettre l'arrivée des renforts venant de six départements. C'est peut-être discutable, mais je l'ai parfaitement admis.

Ce qui est essentiel dans ce type d'accident, ce sont les quantités de stockage. C'est ce qui fait la durée de l'incendie, avec la nature des produits stockés. Cela doit, à mon sens, faire l'objet d'une réflexion générale. En l'occurrence, la première décision de Lubrizol, qui sera présentée dans le cadre de la commission « Dialogue et transparence », sera de réduire de 80 % le stockage sur le site de Rouen en le dispersant sur plusieurs sites.

Avec les sites Seveso, et quelle que soit la cause de l'incendie, qui n'a toujours pas été déterminée en l'espèce, l'effet domino est toujours à craindre. C'est pourquoi il convient d'espacer davantage ces sites.

Enfin, vous m'avez interrogé sur l'information. Sur ce sujet, il faut rester humble. Il n'y a pas eu de consignes générales du préfet. Il a considéré que déclencher des sirènes à 3 heures du matin, alors qu'il n'y a pas eu d'accident d'ampleur depuis longtemps, aurait pu provoquer un mouvement de panique dans la population. L'absence d'exercices et d'informations régulières pour la population pose problème. Il y a sans doute en France des manques en matière de culture du risque. Mais jusqu'où doit-on aller ? Avec quels exercices et à quelle périodicité ? J'avoue ne pas avoir la réponse.

Pour terminer, je dirai que, devant ce type d'accident, seul l'État a la capacité de gérer la crise. Le préfet, en relation avec les professionnels de la sécurité, doit être le seul à donner les consignes. Néanmoins, il importe que les élus disposent d'informations. Pour ma part, j'ai eu le directeur du cabinet du préfet vers 5 h 30-5 h 45, mais certains de mes collègues se sont plaints de ne pas avoir été informés assez tôt. En la matière, il s'agit de bien délimiter le périmètre des élus à informer. Dans l'affaire qui nous concerne, on peut regretter que Mme la Maire de Petit-Quevilly ait été oubliée. En même temps, l'incendie se propageait dans la direction opposée.

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