Intervention de Jacques Mézard

Réunion du 10 mai 2011 à 14h30
Soins psychiatriques — Discussion générale

Photo de Jacques MézardJacques Mézard :

Il suffit de se reporter au problème de la visioconférence ou à la multiplication des certificats médicaux, entre autres, pour s’en convaincre. Plus de règles, moins de droits !

Le projet de loi s’intitulant « Droits et protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et modalités de leur prise en charge », il devrait avoir pour finalité fondamentale les malades et ceux qui les soignent, sans être vicié par le volet sécuritaire et sa déclinaison médiatique. Notons de surcroît que, sans une décision du Conseil constitutionnel, il n’aurait jamais été examiné par le Sénat.

De ce choc de priorités antagonistes est né un texte qui a le triste privilège d’être rejeté tant par la majorité des psychiatres des hôpitaux que par les syndicats de magistrats. Son examen chaotique en commission des affaires sociales est d’ailleurs révélateur de ce rejet.

Alors que les troubles mentaux se classent aujourd’hui au troisième rang des maladies en termes de prévalence, la véritable urgence, nous le savons tous, est de lutter contre l’état catastrophique de ce secteur de santé et le manque dramatique de médecins psychiatres, en particulier dans les hôpitaux.

En 2008, déjà, la commission nationale consultative des droits de l’homme, la CNCDH, avait déploré que la question de la maladie mentale ait été évoquée dans le débat public à propos de textes qui ont alimenté la confusion avec la délinquance, la violence et la dangerosité.

De mon côté, j’avais déjà eu l’occasion de souligner cet amalgame dangereux entre troubles psychiatriques et dangerosité lors de l’examen de la proposition de loi relative à l’atténuation de responsabilité pénale en cas de trouble mental.

Dans le projet de loi présenté aujourd’hui, la possibilité d’une décision prise sans le consentement de l’intéressé consacre l’entrée dans un système d’obligation de soins dont l’hospitalisation ne sera désormais qu’une des modalités envisageables et qui pourra comporter des soins ambulatoires sans consentement.

La dérogation au droit qu’a tout malade de consentir aux soins dont il fait l’objet ouvre un champ inédit dans la mesure où la contrainte pourra être exercée non seulement entre les murs de l’établissement, mais également hors ces murs, sans accroche territoriale, ce qui rend plus difficile le contrôle de la nécessité ou de la proportionnalité des mesures prises, ainsi que la sortie de cette situation d’exception.

Si, tel qu’il découle de la décision du Conseil constitutionnel, ce contrôle par le juge des libertés et de la détention nous semble pleinement correspondre à la mission de garantie des libertés individuelles que la Constitution assigne au juge, il est toutefois impératif de mettre en place les moyens nécessaires en termes d’effectifs et de formation.

Nous avons entendu les inquiétudes et mises en garde des professionnels : il apparaît clairement que de nombreuses dispositions de ce texte sont inapplicables et dangereuses, notamment celles qui concernent le transfert de l’ensemble des contentieux vers l’autorité judiciaire dès le mois de septembre 2012. Or la décision du Conseil constitutionnel contraint le législateur à judiciariser les soins sans consentement dès le 1er août 2011. Par ailleurs, si le ministère a annoncé le recrutement d’effectifs supplémentaires, ceux-ci ne rejoindront leurs juridictions que, au mieux, un an après l’entrée en vigueur de la loi. Il y aura donc manifestement un engorgement des prétoires, une asphyxie des juridictions de l’ordre judiciaire.

D’autres dispositions du projet de loi nous apparaissent inopportunes. Les prescriptions médicales pour les soins ambulatoires doivent demeurer déontologiquement indépendantes. Il serait dangereux d’instaurer une discrimination par des procédures spécifiques supplémentaires.

J’ajoute, mes chers collègues, que ce texte complique considérablement les procédures par l’entretien et le développement d’une dualité juridictionnelle, avec une prépondérance laissée à l’administratif, aux préfets, aux directeurs d’hôpitaux... On se demande d’ailleurs pourquoi vous n’y avez pas ajouté le « citoyen assesseur » ; cela viendra sans doute !

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