Intervention de Christophe Castaner

Commission d'enquête Incendie de l'usine Lubrizol — Réunion du 20 novembre 2019 à 16h30
Audition de M. Christophe Castaner ministre de l'intérieur

Christophe Castaner , ministre :

Cette dernière question doit être posée à chaque fois que nous demandons à des agents publics d'agir, quel que soit leur statut, leur employeur, etc. De la même façon, nous devons veiller à ce que les salariés à qui l'on demande de s'exposer à des risques soient protégés au mieux. C'est une question de matériel, mais aussi d'examen à long terme.

Une de vos questions porte sur le lien entre les fumées et les maladies chroniques que l'on peut rencontrer chez certains pompiers en fin de carrière. Avec les partenaires sociaux et un certain nombre d'experts scientifiques, nous avons mis en place un groupe de travail pour déterminer les conséquences que peut avoir une insuffisance de protection, que celle-ci remonte à dix ans, à cinq ans, à six mois. Il est nécessaire que nous reconnaissions cette réalité et qu'elle soit prise en compte par les employeurs, quels qu'ils soient. Nous travaillons actuellement ces questions sous l'autorité du directeur général de la sécurité civile et de la gestion de crise.

S'agissant de votre premier point, je m'en veux de ne pas avoir cité les salariés de Lubrizol qui, avec beaucoup de courage, ont pris des risques élevés et ont eu des comportements que l'on peut qualifier d'héroïques. Les sapeurs-pompiers m'ont affirmé, au moment où j'étais sur place, qu'il avait été possible de maîtriser la situation grâce à l'engagement de ces salariés. Les personnels de permanence de l'entreprise ont eux-mêmes évacué l'ensemble des conteneurs sensibles identifiés, alors que l'incendie montait fortement en puissance. Ils ont ainsi évité une catastrophe d'une tout autre ampleur.

C'est aussi le résultat d'un travail d'anticipation. Les documents qui nous permettent de préparer ces interventions sont très larges et très spécifiques lorsqu'il s'agit d'un site Seveso. C'est la connaissance du site et la localisation des produits qui a permis d'organiser l'attaque du feu pour laisser une partie du site brûler et faire en sorte de protéger celle qui présentait un risque supplémentaire. Je ne suis pas convaincu que nous aurions été capables de le faire il y a dix, quinze ou vingt ans.

Notre système progresse fortement. Est-il parfait ? Je suis bien incapable de l'affirmer, et ce serait présomptueux de ma part. Je ne pense pas que ce soit le cas, parce que la perfection n'existe pas face à un incendie ou un risque naturel. Nous devons tous faire au mieux compte tenu des probabilités. Nous construisons aujourd'hui des bâtiments en tenant compte du risque sismique, mais nous savons que nous ne sommes pas forcément armés face à un aléa exceptionnel.

À l'inverse, si nous devions construire en faisant référence à un aléa exceptionnel, nous ne construirions plus dans une grande partie du territoire. Les événements sismiques récents le démontrent, la gestion des crues aussi.

La planification de la gestion de crise d'événements industriels repose sur une triple dimension.

Tout d'abord, les POI sont à la charge de l'exploitant. C'est lui qui doit organiser la réponse interne en cas d'accident. Il existe des discussions sur le fait de savoir si l'incendie a trouvé sa source au sein même du site - ce n'est pas établi au moment où je vous parle. On est là sur une gestion interne du risque.

En second lieu, les PPI organisent quant à eux, sous l'autorité du préfet, la mobilisation et la coordination de tous les acteurs nécessaires à la gestion de crise lorsque celle-ci est susceptible d'avoir un impact sur les populations environnantes. On voit comment nous avons immédiatement mobilisé six SDIS et apporté sur site du matériel qui n'était pas présent.

Enfin, je ne suis pas convaincu que les PCS, qui organisent la réponse de proximité des communes en cas de crise, soient tous parfaits. J'ai été maire pendant seize ans et j'ai porté, en tant que président d'une communauté de communes, les DICRIM et les PCS pour l'ensemble de ces communes. J'ai le souvenir que cela suscitait un désintérêt total des maires, car c'est la communauté de communes qui s'en chargeait.

Ce dispositif à trois niveaux permet cependant la gestion opérationnelle, mais ne constitue pas des plans de prévention des risques. Il faut l'avoir en tête. On est en bout de chaîne.

Les POI sont obligatoires dans tous les sites Seveso seuil haut, comme ici, et leur existence est une condition sine qua non de l'autorisation administrative d'exploitation du site industriel.

Les PPI ont pour vocation de préparer les directeurs d'opération à répondre à toutes les situations de crise le mieux possible. On compte 678 établissements Seveso seuil haut. 92 % des PPI sont élaborés à ce jour, 59 plans sont en cours de rédaction, 37 établissements font l'objet de dispenses d'élaboration, comme le prévoit notre réglementation, en application de la directive européenne Seveso III lorsque le danger présenté par l'établissement ne présente aucun enjeu extérieur. Ils font l'objet d'une mise à jour régulière tous les trois ans, et doivent être suivis.

Les PCS constituent une création de la loi de modernisation de la sécurité civile de 2004. Ils sont portés territorialement et gèrent l'alerte, l'évacuation préventive des personnes et leur mise à l'abri dans les gymnases. Il s'agit d'identifier les endroits où l'on va pouvoir trouver une protection, une douche, de l'eau.

Le rôle de l'État, des préfets et sous-préfets d'arrondissement est d'inciter les maires à mettre les PCS en place et à les tenir à jour. Ayant été maire, je connais la limite du système : nous savons tous que nous n'y portons pas une attention suffisante. J'ai demandé aux préfets ou aux sous-préfets de sensibiliser les maires à ce sujet.

Selon mes informations, 23 % des mairies concernées ne l'ont toujours pas fait. Cela touche parfois des communes qui présentent des risques technologiques. J'aurai l'occasion de demander aux préfets de mettre l'accent sur cette question. J'ai demandé à cette fin qu'une mission de l'Inspection générale de l'administration (IGA) porte sur les PCS.

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