Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, il y a tout juste un an, notre groupe organisait au Sénat un colloque sur le thème : « Psychiatrie : entre pressions sécuritaires et contraintes économiques, quelle place pour le patient ? »
La richesse des débats que nous avions eus alors m’autorise à affirmer ceci : le texte que nous examinons aujourd’hui n’est pas le texte qu’attendaient les malades et leurs familles, le texte qu’attendaient les médecins, le texte qu’attendaient les magistrats, le texte que nous attendions.
Lancé en novembre 2008 à la suite d’un fait divers, certes tragique, survenu à Saint-Égrève, dans l’Isère, selon la méthode habituelle de l’actuel Président de la République qui consiste à jouer sur l’émotion et les peurs, ce texte possède tous les attributs des lois « émotionnelles », des lois « d’affichage ». Il laisse de côté toutes les questions qu’un vrai projet de loi sur la psychiatrie et la santé mentale aurait dû aborder, pour ne conserver qu’une vision limitée, étriquée, bornée, de l’accompagnement des personnes souffrant de troubles psychiatriques.
Il occulte en effet plusieurs faits essentiels. Si les questions liées aux troubles mentaux sont complexes, si nous ne pouvons taire les difficultés que rencontrent soignants, magistrats, proches, malades, et si les pouvoirs publics, particulièrement les maires, peuvent parfois se sentir démunis, il convient de rappeler quelques évidences.
Selon un rapport de l’IGAS de 2005, seuls 2, 7 % des actes violents sont commis par des personnes souffrant de troubles psychiatriques. Notre collègue Guy Lefrand, député UMP, le dit lui-même dans le préambule de son rapport : « Les personnes atteintes de troubles psychiatriques sont douze fois plus victimes d’agressions physiques, cent trente fois plus victimes de vols et ont vingt-cinq ans d’espérance de vie en moins que nos concitoyens. »
La brutalité de ces chiffres, qui démontrent que ces personnes sont bien souvent d’abord des victimes, se double d’une autre réalité : celle de la mise à mal de la psychiatrie publique, qui a notamment enregistré, en vingt ans, la suppression 40 000 lits ! Si l’on y ajoute les suppressions de postes, le recul de la sectorisation, l’abandon de la prévention, on comprend que les personnes les plus malades échappent aux soins. Comme me le disait un président de commission médicale d’établissement, dans l’hôpital psychiatrique public, c’est désormais la « lutte des places » !
Ce texte est-il à la hauteur de ce que nous devons aux personnes atteintes de troubles psychiatriques ?