Intervention de Pierre-André Durand

Commission d'enquête Incendie de l'usine Lubrizol — Réunion du 21 novembre 2019 à 15h30
Audition de M. Pierre-André duRand préfet de la région normandie préfet de la seine-maritime

Pierre-André Durand, préfet de la région Normandie, préfet de la Seine-Maritime :

L'événement que nous avons vécu la nuit du 25 au 26 septembre 2019 est un événement évidemment extrêmement difficile et exigeant pour les services. Il s'est agi d'un incendie industriel de grande ampleur concernant un site industriel Seveso « seuil haut » qui contenait principalement des additifs chimiques d'huiles de lubrifiant, relevant essentiellement de la famille des hydrocarbures. Cet incendie s'est déclaré un peu avant 3 heures du matin et a été totalement éteint en douze heures : il a été circonscrit à 10 h 30, maîtrisé à 13 heures et éteint à 15 heures. Cet incendie extrêmement spectaculaire nous a, bien évidemment, très vite mobilisés. Très rapidement après la première intervention des sapeurs-pompiers, il est apparu que l'article L.742-2 du code de la sécurité intérieure devait s'appliquer : lorsqu'un sinistre concerne plusieurs communes ou est d'une importance telle qu'il dépasse les moyens de la commune, le préfet doit prendre la main et c'est ce que j'ai fait. Avec l'éclairage des sapeurs-pompiers, il m'a fallu ensuite caractériser le risque. Le plan particulier d'intervention (PPI) de la zone de Rouen regroupe plusieurs sites Seveso et ICPE. Il prévoit différents types de risques : le risque explosif, le risque toxique et le risque thermique. Nous n'étions ni dans un cas de risque explosif - même s'il y a eu des explosions de bouteilles de gaz ou de fûts -, ni dans un cas de risque toxique - pas de chlore ou autre, entraînant des décès immédiats ou rapides -, mais dans un cas de risque incendie avec cet important panache de fumée. Cette caractérisation du risque nous a ensuite permis de définir la manière d'agir pour traiter le sinistre et calibrer les moyens.

J'ai tout d'abord pris en compte le plan de prévention des risques technologiques (PPRT) de ce site qui avait déjà réduit les risques à la source, notamment par le retrait de deux cuves de gaz et d'un stockage d'acide chlorhydrique. Je me suis également appuyé sur l'étude de dangers établie par la Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal) dès 4 heures du matin, qui m'a permis d'avoir une indication précise sur le site et le type de produits présents. J'ai donc pu, sur cette base, fixer une ligne stratégique claire au colonel des sapeurs-pompiers. Je souhaitais en premier lieu éviter tout risque de suraccident : on trouve en effet, dans un rayon de 500 mètres, deux sites Seveso « seuil bas » et trois ICPE. Ma seconde préoccupation était d'avoir très vite les éléments de mesure des sapeurs-pompiers, pour prendre les décisions adaptées vis-à-vis de la population rouennaise : fallait-il évacuer ? Fallait-il confiner ? Ou fallait-il simplement éviter les déplacements inutiles et mettre à l'abri les personnes les plus fragiles ? C'est sur ces bases-là que le sinistre a été traité.

Le bilan a été satisfaisant, au regard des craintes que nous avions : pas de suraccident, pas de morts, pas de blessés, pas d'immeubles détruits et pas de pollution de la Seine. Nous avons cependant rencontré deux obstacles de taille au cours de ces douze heures : la rupture d'une source importante d'eau pendant la phase d'extinction, à laquelle vous avez déjà fait allusion, et un risque de pollution majeure de la Seine. En effet, les eaux d'extinction et les émulseurs, mais aussi les hydrocarbures échappés des fûts éventrés, ont commencé à se déverser dans une darse ; j'ai donc pris la décision de mobiliser des moyens du plan Pollution maritime (Polmar) que j'ai fait rapatrier du Havre pour bloquer dans la darse l'ensemble de ces pollutions. Pour remédier à la rupture d'alimentation en eau, nous avons mobilisé des bateaux-pompes qui ont apporté leur concours dès 8 heures du matin.

Voilà donc, à très grands traits, ce à quoi nous avons été confrontés pendant cette nuit. Inutile de vous dire que quand, dans l'après-midi, nous avons pu stabiliser le bilan, avec la hantise de compter des tués, des blessés ou des destructions, nous avons été bien évidemment soulagés. Il y a eu par ailleurs cette pollution liée au nuage qui s'est déployé puis s'est étiré et dilué jusque dans les Hauts-de-France et qui a donné lieu ensuite à des chutes de suie. Nous avons alors alerté les maires.

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