Intervention de Pierre-André Durand

Commission d'enquête Incendie de l'usine Lubrizol — Réunion du 21 novembre 2019 à 15h30
Audition de M. Pierre-André duRand préfet de la région normandie préfet de la seine-maritime

Pierre-André Durand, préfet de la région Normandie, préfet de la Seine-Maritime :

J'ai toujours très clairement indiqué, sans aucune réticence ni aucun déni, que nous sommes évidemment perfectibles sur le terrain de l'information. S'agissant de la liste des produits, nous étions, souvenez-vous, dans une situation où, normalement, la liste des produits n'était pas communicable, conformément à une instruction de 2017 diffusée à la suite de l'attentat de Saint-Quentin-Fallavier. Toutefois, dans le cas d'espèce, compte tenu de l'émotion, le Premier ministre a décidé de rendre publique la liste des produits. Ces listes sont conservées et gérées par la Dreal, mais elles ne prennent pas en compte l'évolution des stocks au jour le jour. En revanche, à chaque inspection, l'exploitant doit être en mesure de produire l'état de ses stocks. C'est ce que nous avons demandé à Lubrizol à la suite de l'incendie, mais l'exploitant nous a adressé une liste illisible de formulations industrielles et commerciales. Nous avons dû nous y prendre à trois fois avant de pouvoir disposer d'une liste précise. Quant à l'entreprise Normandie Logistique, elle n'a pas diffusé sa liste au même moment. La totalité des produits brûlés a donc été rendue publique en deux temps. La Dreal a été confrontée à une situation qui, en termes d'annonces et de communication, n'était pas des plus confortables.

Sur les marges de progrès concernant l'information, ma conviction très forte est que le sujet du cell broadcast est, d'un point de vue professionnel, tout à fait central. Quand nous avons dû informer et alerter les populations, nous avons publié un tweet à 4 h 50, puis un communiqué de presse à 5 h 15 ; j'ai ensuite très vite pris la parole sur les ondes et, au cours de la journée, j'ai tenu quatre conférences de presse, publié quatre communiqués de presse et accordé plusieurs dizaines d'interviews. Nous avons donc déployé un plan de communication massive, mais, dans le même temps, nous avons assisté à la montée en puissance très rapide des réseaux sociaux, avec des discours très divers, des bruits les plus singuliers et qui ont fait dévier, presque d'emblée, l'information.

J'évoque à présent l'alerte et l'information des populations, car tout se tient. Dans la partie réglementaire du code de la sécurité intérieure, les articles R.732-19 et suivants décrivent les outils à disposition du préfet et lui laissent le choix parmi ces derniers. L'article R.732-20 mentionne ainsi à la fois la possibilité d'émettre un message d'alerte, au moyen d'une sirène, et celle d'une diffusion par la radio. Nous avons donc une liberté de choix.

S'est posée très rapidement à moi la question des sirènes, la sirène étant l'un des éléments de l'alerte. Il est entre quatre et cinq heures du matin, je dispose d'un PPI de zone qui comporte 31 sirènes couvrant 32 communes. Raisonnablement, à quatre heures du matin, devais-je déclencher ces 31 sirènes ? Évidemment, non. Et j'assume totalement ce choix, le code de la sécurité intérieure me laissant d'ailleurs cette liberté. C'est le premier point. Sachant que l'utilisation des sirènes, même en mode dégradé, peut aller jusqu'à ne pas les actionner.

Fallait-il n'en actionner aucune ? Face à un tel événement, imaginez que je n'aie actionné aucune sirène, que n'aurait-on dit ? Je décide donc d'actionner les deux sirènes à proximité.

Se pose ensuite la question du moment. Fallait-il actionner ces deux sirènes, que l'on entend de loin y compris du centre de Rouen, à quatre heures du matin ou faire un autre choix ? J'ai fait un choix autre. Je les ai actionnées à huit heures moins le quart, avant que les gens aillent à leur travail - étant précisé que, près d'une heure et demie avant, sur les ondes, j'évoquais l'événement et j'annonçais que nous allions actionner ces deux sirènes au moment choisi. Le processus avait donc été annoncé et expliqué, et il a été souligné que cette activation des sirènes avait pour objet d'inviter les gens à écouter la radio et à suivre un peu les choses.

D'un point de vue macro, cela a été compris. Cela a été une bonne décision pour la ville de Rouen et l'ensemble des communes. En revanche, cela a pu causer des quiproquos pour les communes très proches du site, notamment à Petit-Quevilly, qui voyait l'incendie, en quelque sorte, et n'a entendu les sirènes que plus tard. J'admets tout à fait qu'il ait pu y avoir un quiproquo.

Sans vouloir être trop long sur nos histoires de sirènes, je rappelle ce qu'il faut faire lorsqu'une sirène sonne. Il faut rester chez soi, ne pas téléphoner, écouter la radio et ne pas aller chercher ses enfants à l'école.

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