Une fois de plus, la loi dénigre un corps professionnel : après les policiers, les enseignants, les chercheurs, les magistrats, ce sont, aujourd'hui, les personnels hospitaliers.
Était-ce si compliqué de s’appuyer sur les avis des psychiatres quand on prétend réformer la psychiatrie ?
Au lieu de cela, le chef de l’État et le Gouvernement se sont emparés du sensationnel – un fait divers dramatique – pour mieux entretenir une logique sécuritaire et répressive des politiques publiques.
Dans ce projet de loi, on se préoccupe peu des conditions d’accueil des malades, de la formation pour les professionnels, et encore moins des budgets pour l’ensemble de la psychiatrie. Un véritable projet de loi sur l’organisation de la santé mentale défendrait le secteur. Ce n’est pas le cas ici.
En filigrane, on retrouve votre refus de la prise en considération des problèmes sociaux des patients, l’obligation de soins désignée comme la seule réponse efficace et le médicament comme seul soin fiable.
L’idée de ce texte, c’est de garantir non la sûreté des malades mais celle des non-malades.
Vers quelle dérive allons-nous si la question du trouble à l’ordre public prédomine sur la préoccupation de la qualité des soins ? Si au lieu d’examiner la situation des 82 % de malades qui choisissent l’hospitalisation libre, on préfère se concentrer sur la minorité qui est hospitalisée sous contrainte ?
Selon vous, il est préférable d’enfermer un malade, même s’il n’est pas dangereux, plutôt que de courir un risque à l’extérieur. Étant donné le manque de moyens, on ne peut pas enfermer tout le monde à l’hôpital psychiatrique ; donc, on va enfermer les gens chez eux !
Vous allez tenter d’imposer un contrôle social généralisé de la normalité des comportements, sans même vous poser la question de l’applicabilité d’un tel objectif.
Ce projet de loi tend à introduire la rupture du lien entre le soignant, le soigné et son entourage, en mettant en place une défiance généralisée, sans s’appuyer sur la compétence des équipes soignantes.
Un véritable dialogue doit aboutir à des décisions de soin prises avec le patient et non contre sa volonté. Vous vous en remettez au pouvoir de la chimie, des injections, au détriment de la thérapie par la parole. §
Ce texte va produire l’inverse de l’effet escompté.
Alors, qu’aurions-nous souhaité, nous qui attendons depuis presque quinze ans la modernisation de la loi de 1990 ?
Premièrement, un bilan de cette loi aurait permis un recul critique, un progrès. Nous aurions également souhaité que les vingt-deux mesures d’urgence réclamées par les états généraux de la psychiatrie de 2003 soient prises en compte.
Les écologistes, avec d’autres, souhaitent ouvrir les hôpitaux à la cité, en mettant en place des structures ouvertes, plus diverses et qui communiquent avec l’extérieur, en améliorant l’offre d’hôpitaux de jour, de structures alternatives comme les appartements thérapeutiques, en autorisant davantage de sorties d’essai.
Il faut aussi rendre l’hôpital plus attractif pour les jeunes diplômés et améliorer la formation, car le besoin de personnel soignant est cruel.
Enfin, il faut impérativement favoriser l’hospitalisation libre. La contrainte ne doit pas être systématisée.
En 2009, le Gouvernement a alloué 70 millions d’euros aux hôpitaux psychiatriques. Ils ont servi à mettre plus de barreaux aux fenêtres et de caméras de surveillance… Pire, interdiction a été donnée aux directeurs d’hôpitaux d’utiliser ces moyens pour d’autres objectifs, alors que, depuis dix ans, 50 000 lits ont été supprimés !
Vous l’aurez compris, nous ne sommes pas de ceux qui veulent faire des économies de moyens et n’apporter que le médicament et la contention comme réponses aux patients.
À l’heure actuelle, les hôpitaux fonctionnent à flux tendus. Faute de place, certaines personnes qui voudraient être hospitalisées librement passent par des hospitalisations à la demande de tiers. Le directeur d’établissement est alors contraint de faire sortir un patient, qui peut encore avoir besoin de soins, pour en laisser entrer un autre. C’est insupportable !
Alors, avec le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, « nous disons que tout cela est insupportable », car la logique de l’enfermement tire tout le monde vers le bas.
Les sénatrices et sénateurs d’Europe Écologie-Les Verts sont indignés par ce texte !
Madame la secrétaire d’État, à vous embourber dans le tout sécuritaire, à persévérer dans le fantasme du risque zéro, vous ne réglerez rien, sauf à attiser la peur du malade et à rendre encore plus difficile le travail des équipes médicales et des magistrats.
Vous l’aurez compris, nous sommes opposés à ce texte. En guise de conclusion, je vous rappelle que la liberté aussi est thérapeutique !