Cet amendement vise à revenir sur une ancienne disposition, qui est contestée par de très nombreux professionnels de la psychiatrie ainsi que par une partie des associations de malades ou de proches de malades, puisqu’elle confie à la psychiatrie une mission qui ne devrait pas être la sienne : celle de faire respecter l’ordre public. À moins qu’il s’agisse – c’est notre conviction – non pas d’un transfert de mission, mais d’un prétexte, la psychiatrie servant de justification à une mesure privative de liberté jusqu’alors non encadrée.
Même si le Gouvernement tente d’être rassurant en affirmant que l’application de ce projet de loi n’entraînera pas d’augmentation des soins pratiqués sous contrainte, nous ne devons pas perdre de vue que la France est déjà le pays européen qui recourt le plus à des mécanismes d’hospitalisation contrainte pour motifs psychiatriques. Il est aussi l’un de ceux qui prescrit le plus de psychotropes, sans résultats satisfaisants. La psychiatrie actuelle, qui tend, par manque de moyens, à reposer sur ces deux piliers que sont les médicaments et l’enfermement est, effectivement, en échec.
Cet échec est d’autant plus important que les motifs d’enfermement ne sont pas médicaux et que, comme le souligne le docteur Hervé Bokobza, l’on tente – c’est le cas avec ce projet de loi – de transformer le psychiatre en le mettant « dans une position d’expert en ordre public, et non plus de soignant ».
Convenez, mes chers collègues, que le fait de tenter d’apporter des soins à une personne qui souffre, de tenter avec elle, et non contre elle, de l’emmener vers la voie de la guérison est une chose bien différente que de l’enfermer, ne serait-ce que soixante-douze heures, afin de faire cesser le trouble qu’elle cause à la société.
L’ordre public renvoie d’abord et avant tout à la tranquillité des autres acteurs de l’espace public. Or le rôle des psychiatres est-il vraiment de priver de liberté un individu durant soixante-douze heures, de lui administrer contre son gré des médicaments et de l’inscrire sur un casier psychiatrique, ce qui pourrait un jour se retourner contre lui, uniquement pour faire cesser un trouble ? Nous ne le croyons pas.
Naturellement, des équipes soignantes doivent intervenir. Cela implique de s’interroger sur la politique de secteur, politique abandonnée pour des motifs tant idéologiques qu’économiques, et sur la question du temps disponible.
Cet amendement n’a pas pour objet de laisser les personnes en souffrance seules ni, comme certains pourraient être tentés de le dire, d’exposer nos concitoyens à des risques. Cependant, c’est sans doute un point de désaccord fondamental avec la majorité et le Gouvernement, nous considérons que les personnes en souffrance psychique ne sont pas toutes dangereuses pour autrui, quand bien même l’expression de leur souffrance troublerait l’ordre public.
Tels sont les éléments que je souhaitais rappeler à l’occasion de la présentation de cet amendement.