Intervention de Thierry Carcenac

Réunion du 26 novembre 2019 à 21h30
Loi de finances pour 2020 — Vote sur l'ensemble de la première partie du projet de loi

Photo de Thierry CarcenacThierry Carcenac :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, à l’instar des orateurs précédents, je commencerai par déplorer les conditions d’examen de ce projet de loi de finances : délais raccourcis, amendements tardifs du Gouvernement, saucissonnage, etc.

Ce troisième projet de loi de finances du quinquennat s’inscrit parfaitement dans l’orientation libérale du Gouvernement de préservation des intérêts des plus aisés.

Certes, sur plus de soixante-dix articles de première partie, nous trouverons toujours des mesures sympathiques ou utiles : c’est indéniable et c’est heureux, aurait dit mon collègue Claude Raynal. §Mais la réalité, c’est que ni le Gouvernement ni la majorité sénatoriale ne souhaitent réellement réorienter la politique conduite aujourd’hui dans notre pays : nous ne pouvons que le regretter.

La présentation de notre contre-budget démontre qu’une autre politique est possible. Nous avons fait le choix d’axer nos propositions sur trois enjeux que nous jugeons prioritaires : la justice fiscale et sociale, la transition écologique et le renforcement de nos territoires. Or, à l’aune de ces trois priorités, nous ne pouvons qu’être déçus par le volet « recettes », tant dans sa rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale que dans la version soumise, en cet instant, au vote de la Haute Assemblée, après être passée au crible de la majorité sénatoriale.

Tout d’abord, chers collègues, sur le plan de la justice fiscale et sociale, vous avez refusé d’instaurer un impôt de solidarité sur la fortune 2.0, alors que, sous l’impulsion de M. le président de la commission des finances, nous vous avons proposé un mécanisme repensé répondant aux principales critiques adressées à l’ISF.

Vous n’avez pas non plus voulu d’un rééquilibrage de l’effort fiscal demandé à nos concitoyens ; vous avez fait le choix de protéger les plus aisés d’entre eux, contre toute logique, si ce n’est idéologique.

De même, vous avez refusé la suppression de la niche Copé qui, chaque année, coûte environ 5 milliards d’euros à nos finances publiques. Vous avez également écarté le rétablissement de l’exit tax.

Monsieur le secrétaire d’État, votre cible politique est très clairement identifiée. Votre proposition de réforme de l’impôt sur le revenu, si elle peut être positive, n’est clairement pas à la hauteur des enjeux sociaux et fiscaux. Nous vous avons proposé une logique moins coûteuse pour les finances publiques et plus redistributive : vous l’avez rejetée, et notre proposition de rééquilibrage des droits de succession n’a pas connu un sort plus heureux.

Ensuite, pour la transition écologique, les quelques mesures que vous nous proposez vont certes dans le bon sens ; elles seront sans doute utiles. Mais aucune de nos propositions, notamment pour ce qui concerne le CITE et la fiscalité des transports, n’a trouvé grâce à vos yeux, et nous le regrettons. De manière plus générale, nous avons beau regarder : malheureusement, nous ne voyons pas de logique d’ensemble, d’autant que la deuxième partie regorge d’effets d’annonce sans garantir les moyens permettant de répondre aux attentes environnementales. Vous nous annoncez un budget « vert » pour l’année prochaine ; nous jugerons sur pièces.

Enfin, pour ce qui est des territoires, nos propositions n’ont eu, elles aussi, qu’un succès d’estime : nous le regrettons.

Contrairement au Gouvernement, nous croyons en l’intelligence des territoires. Nous nous réjouissons de la position prise par le Sénat, à une très large majorité, concernant la taxe d’habitation. Elle permettra de mieux travailler la problématique de la compensation des collectivités – je pense notamment à l’impact de cette réforme sur les potentiels financiers et fiscaux.

Nous aurions souhaité aller plus loin : nous aurions voulu que le Sénat entende mieux la grogne des territoires et des élus, manifestée encore récemment, notamment lors du congrès des départements de France.

Mes chers collègues, vous l’aurez compris : nous ne sommes pas vraiment en phase avec ce volet « recettes ». Sur le fond, nous y sommes même clairement opposés. Toutefois, le droit parlementaire étant ce qu’il est, les élus du groupe socialiste et républicain s’abstiendront, afin que nous puissions débattre de la deuxième partie du projet de loi de finances.

Monsieur le secrétaire d’État, cette abstention doit être considérée comme très négative ; mais nous attendrons le vote final de ce projet de loi de finances pour nous manifester, si la logique du texte ne nous convainc pas davantage au terme de la navette !

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