Aux termes de cet amendement, la nation doit assurer la satisfaction des besoins en santé des populations atteintes de troubles ou de pathologies mentales, au travers des soins tant intra hospitaliers qu’extrahospitaliers.
Le 25 octobre 2002, le docteur Maryvonne Wetsch, psychiatre à l’hôpital Esquirol de Saint-Maurice, dans le Val-de-Marne, démissionnait de son poste de chef de service en déclarant, dans une lettre adressée à son ministère de tutelle : « Je refuse de faire comme si je pouvais gérer convenablement les soins psychiatriques nécessaires. »
Depuis, rien n’a vraiment changé, si ce n’est que les difficultés se sont multipliées en raison de l’application de règles financières et comptables, et de la mise en œuvre aveugle de la révision générale des politiques publiques, la RGPP, qui conduit à des réductions de personnel. Cela revient également, dans un secteur qui repose essentiellement sur le relationnel, qu’il s’agisse de rencontres ou de prévention, à amoindrir la qualité de la prise en charge des patients.
La situation est telle que des soignants que nous avons rencontrés nous ont informés que certains établissements avaient externalisé une partie de leur surveillance des patients à des sociétés privées de gardiennage, recourant notamment à des maîtres-chiens. Voilà comment aujourd’hui sont traitées les personnes en grande difficulté psychique.
Cette réduction constante des moyens entraîne une diminution notable des soins réalisés, au point que certains professionnels ont l’impression de n’avoir d’autre choix, pour effectuer leur travail dans les conditions économiques imposées, que d’entraver plus encore la liberté de leurs patients. Le 5 mai 2010, une directrice d’établissement intervenant à l’occasion d’un colloque organisé par mon groupe sur la psychiatrie affirmait que les normes et les protocoles qu’on lui imposait revenaient, dans le contexte actuel, à « mal traiter les patients », pour reprendre ses propres mots. La « bien-traitance », c’est-à-dire le respect du malade, nécessite du temps ; or le temps manque cruellement quand le personnel fait défaut.
Ce qui est vrai dans les murs des hôpitaux l’est encore plus hors les murs, comme le prouvent les fermetures de plus en plus nombreuses de centres médicaux psychologiques, qui sont pourtant indispensables. Leur disparition sonne la fin des soins psychiatriques de proximité.
Cette réalité est également attestée par l’abandon, de la part des pouvoirs publics, de la politique de secteur dont l’ambition est de suivre les patients dans la cité, c’est-à-dire de garder le contact avec eux et de maintenir les soins lorsqu’ils quittent l’hôpital.
Comme le souligne à juste titre la psychiatre Marie-Noëlle Besançon, la politique de secteur « était pourtant la façon idéale, car elle intègre la prévention, le traitement et la réhabilitation de la personne dans la ville et dans la vie. » Cet abandon, tant politique que financier, tend à laisser croire qu’« il n’y a pas de volonté politique de suivre les gens de manière correcte ».