Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, ce projet de loi s’inscrit dans un contexte difficile où le manque de moyens dans les services psychiatriques et le déficit de formation des infirmiers sont criants : le nombre de lits en hôpital psychiatrique a été réduit de moitié en vingt ans.
Que penser de ce projet de loi ? Une première analyse rapide pourrait nous faire conclure à quelques avancées.
La première de ces avancées est la diversification annoncée des modes de prise en charge du patient, alors que le cadre de la loi de 1990 prévoit uniquement l’hospitalisation complète. L’article 1er de ce projet de loi prévoit que le patient puisse également bénéficier de soins ambulatoires : le rapport Strohl d’évaluation de la loi de 1990, le rapport Piel-Roelandt de 2001 ainsi que le rapport de l’Inspection générale des affaires sociales de 2005 préconisaient déjà cette évolution.
La seconde avancée qui semble se présenter tiendrait à l’intervention automatique du juge des libertés et de la détention après quinze jours d’hospitalisation, grâce à la décision du Conseil constitutionnel du 26 novembre 2010.
Or ces éléments, qui pourraient s’apparenter à des avancées en première analyse, ne peuvent en réalité s’apprécier comme tels, tout simplement parce qu’ils s’inscrivent dans un ensemble qui n’existe pas encore, cette fameuse « loi de santé mentale » que nous attendons, et qui aurait dû lui donner sens. C’est la raison pour laquelle nous ne pouvons souscrire à l’approche privilégiée par le Gouvernement dans le présent projet de loi.
Ce projet de loi n’est pas pertinent, car il n’envisage la pluralité des modes de prise en charge que sous l’angle des soins sans consentement. Or les psychiatres sont unanimes : soigner sans consentement est antinomique. Le principe de la contrainte rompt, par définition, le consentement et la confiance nécessaires à la thérapie. De plus, l’article 1er méconnaît le rôle du patient dans sa propre guérison et nie le contrat implicite qui le lie à son médecin.
En fait, de nombreux collègues ont insisté sur ce point, ce projet de loi s’articule autour de préoccupations sécuritaires qui l’emportent sur l’aspect sanitaire et en font un texte très « tronqué ».
Enfin, le projet de loi me paraît dangereux au regard du respect des libertés : il instaure une période initiale « d’observation » et de soins en hospitalisation complète de soixante-douze heures. Cette disposition, qui ne prévoit pas l’intervention d’une autorité judiciaire, fait l’unanimité contre elle et est assimilée à une « garde à vue psychiatrique ».
Ainsi, l’article 1er ne respecte pas l’équilibre qu’il aurait dû trouver : offrir à la personne qui souffre de troubles mentaux les meilleurs soins, protéger cet individu contre lui-même et éviter qu’il ne puisse nuire à autrui, ne limiter sa liberté que dans les limites strictement nécessaires.
Le Gouvernement a annoncé « un grand plan de santé mentale » pour l’automne et il nous est demandé de nous prononcer aujourd’hui sur ce texte, sans connaître le contenu de ce plan : c’est véritablement impossible !
Je regrette donc, vous l’aurez compris, que ce projet de loi ne soit pas la grande « loi de santé mentale » attendue et qu’il n’ait rien prévu de concret pour améliorer, sur les plans social, humain et sanitaire, la qualité et la continuité des soins indispensables. C’est pourquoi nous ne saurions voter cet article, comme le reste du projet de loi.