Mes collègues de la commission des affaires sociales reconnaîtront cet amendement visant à supprimer les alinéas 2 à 20 de l’article 1er puisqu’il leur avait été présenté par le rapporteur initial ; nous reprenons cet amendement que nous avions voté alors.
Le présent projet de loi prévoit la création de soins psychiatriques sans consentement sous une autre forme que l’hospitalisation complète, c’est-à-dire en ambulatoire, voire à domicile.
Si l’objectif de diversification des modes de prise en charge est louable, les soins psychiatriques sans consentement sous une autre forme que l’hospitalisation complète ne font l’objet d’aucune définition précise dans le texte et soulèvent ainsi de nombreuses interrogations.
Par exemple, que contiendrait le protocole de soins nouvellement édicté ? Quelles seraient les conditions de sa mise en œuvre ? Quelles seraient les personnes habilitées à avoir connaissance de ce protocole ? Que faire si le protocole n’était pas respecté par le malade ? Autant de questions qui restent en suspens, alors même que le dispositif doit entrer en vigueur le 1er août prochain, soit dans moins de trois mois !
Dans ce contexte, il n’est pas surprenant que de nombreuses craintes aient été exprimées par les praticiens et les familles.
La première de ces craintes a trait à la contrainte supplémentaire qui pèserait sur le malade. En effet, la dérogation au droit de tout malade de consentir aux soins qu’il reçoit serait étendue, dans la mesure où la contrainte serait exercée non plus seulement au sein d’un établissement hospitalier, mais aussi hors de ses murs. Autrement dit, la contrainte « s’exporterait ». Or, par définition, la contrainte s’oppose au consentement, facteur pourtant essentiel à la réussite des traitements thérapeutiques relatifs à la maladie mentale, comme je l’ai déjà dit dans la discussion générale.
D’un point de vue médical, il est donc primordial d’encadrer davantage la pratique des soins psychiatriques sans consentement prenant une forme autre que l’hospitalisation complète.
En outre, dès lors que les soins précités auraient lieu en ambulatoire, voire à domicile, le contrôle de leur nécessité et de leur proportionnalité deviendrait plus difficile.
Il s’ensuit logiquement que le dispositif prévu par le projet de loi est excessivement attentatoire aux libertés publiques. Les libertés individuelles, d’aller et venir, le droit au recours, le respect de la vie privée, la protection du domicile sont autant de droits fondamentaux insuffisamment réaffirmés et garantis par le projet de loi.
Enfin, envisager la pratique de soins sans consentement en ambulatoire, voire à domicile, nécessite de prendre en considération l’organisation et les moyens des services médicaux psychiatriques. Or le contexte actuel est marqué par une insuffisance de ressources et des difficultés en matière de recrutement, notamment d’infirmiers, voire de psychiatres.
Aussi le système d’expertise sur lequel reposent le jeu des – nombreux – certificats et les examens effectués par le collège des soignants, nouvellement créé, requiert-il une augmentation et une meilleure répartition des effectifs sur le territoire.
En somme, ce projet de loi est, en l’état, tout à fait inapplicable. Par conséquent, il serait déraisonnable, voire irresponsable, de valider le dispositif envisagé par le Gouvernement, qui consiste à étendre la pratique des soins psychiatriques sans consentement en dehors des établissements hospitaliers.
L’ampleur et la portée d’une telle réforme sont trop importantes pour faire l’économie d’une concertation approfondie avec les praticiens et les familles.
À ce stade de la réflexion, qui n’en est qu’à ses prémices, il est préférable d’en rester à la situation actuelle : une hospitalisation sans consentement assortie de sorties d’essai lorsque la santé mentale du patient le permet, d’où le dépôt de cet amendement.