Intervention de Marc Peschanski

Commission spéciale sur la bioéthique — Réunion du 21 novembre 2019 à 10h15
Audition de Mme Cécile Martinat présidente de la société française de recherche sur les cellules souches et de M. Marc Peschanski directeur de l'institut des cellules souches pour le traitement et l'étude des malades monogénétiques i-stem

Marc Peschanski, directeur scientifique de l'Institut cellules souches pour le traitement et l'étude des malades monogénétiques (I-Stem) :

Bonjour à tous. Je vais aujourd'hui vous parler d'avenir. A ce titre, je dois d'abord mentionner la façon dont les scientifiques français ont abordé l'exploitation des cellules souches embryonnaires. L'angle abordé était à l'époque thérapeutique.

L'I-Stem s'est orienté de façon déterminée vers l'utilisation thérapeutique. Nous avons promis que nous allions travailler sur les possibilités d'exploitation des cellules souches embryonnaires à des fins thérapeutiques. De nombreux opposants ont discuté ces axes. Ils se sont trompés. Nous avons non seulement des programmes de recherche sur de nouvelles thérapies, mais surtout des résultats.

Nous avons exploré deux axes de recherche en particulier. Nous avons tout d'abord travaillé à partir de cellules souches dérivées d'embryons rejetés lors d'un diagnostic préimplantatoire. Les médecins donnent la possibilité à des parents ayant eu un enfant atteint d'une maladie génétique extrêmement grave d'avoir un bébé ne portant pas le gène muté responsable de cette maladie. Les embryons porteurs de la mutation sont donc éliminés. Nous nous sommes associés à des centres permettant d'obtenir des cellules souches embryonnaires porteuses des mutations. Nous les avons étudiées et y avons identifié les anomalies liées à ces mutations afin de les utiliser comme marqueur. Nous avons ensuite testé des composés pour étudier leurs éventuels effets sur les cellules. Après 15 ans de recherche, nous avons publié l'année dernière les résultats de l'essai clinique sur la maladie de Steinert. Il a démontré que la metformine, médicament antidiabétique, permettait aux malades de gagner 10 à 15 % de périmètre de marche. D'autres molécules ont montré des effets positifs sur deux patientes atteintes d'un autisme sévère. Nous ouvrons aujourd'hui la voie pour des maladies génétiques sur lesquelles nous n'avions précédemment aucun impact.

Ce travail donne lieu à des contacts de plus en plus étroits avec des industriels, intéressés par notre approche. Il ne s'agit pas pour eux d'un repositionnement, mais d'un travail vers de nouvelles entités chimiques. L'usage dépasse la recherche et devient du développement.

La thérapie cellulaire est un sujet de recherche plus connu, puisqu'elle bénéficie des faveurs de la médiatisation. Il s'agit d'une greffe de cellules dans un organe qui en a perdu. C'est d'ailleurs l'objectif le plus courant des scientifiques travaillant sur les cellules souches embryonnaires. Les premiers travaux cliniques ont débuté dès 2010 aux Etats-Unis et en Angleterre. A partir de 2014, des travaux ont été menés en France par Philippe Menasché. Ils portaient sur le traitement de pathologies liées à l'infarctus du myocarde. Les résultats lui ont permis de développer et améliorer son approche.

Je vous annonce aujourd'hui que nous avons lancé un essai clinique auprès de patients atteints de rétinites pigmentaires. Il s'agit d'une dégénérescence de cellules au fond de la rétine, que nous remplaçons par des cellules entièrement construites en laboratoire. Nous avons d'ores et déjà implanté deux patients, dix autres sont en attente pour l'année à venir. L'essai vise à retrouver de la vision chez des patients en train d'évoluer vers la cécité.

Quarante-deux essais cliniques sont dénombrés. Nous ne sommes plus dans les frémissements et dans les balbutiements, mais sommes entrés dans la phase d'application. Nous sommes à présent en lien avec des industriels qui y consacrent des moyens de plus en plus importants.

J'avais interrogé il y a quelques mois votre commission sur la façon dont les parlementaires pouvaient anticiper ce qu'il se passera dans les cinq à sept années à venir. En effet, nous changeons de registre puisque nos résultats le permettent et que des industriels s'en saisissent. Nous allons donc passer de la recherche à la médecine durant cette période. Les industriels préparent cette médecine pour des centaines de milliers de malades, et plus pour quelques dizaines de patients atteints de maladies rares. Nous allons vers une industrialisation, ce qui demande des investissements considérables.

Ces investissements ne doivent pas être handicapés par des lois les remettant en cause. La loi, concernant aujourd'hui la recherche, doit anticiper l'avenir du domaine médical. La France est en retard en termes d'infrastructures pour la bioproduction. Nous ne devons pas rater le virage industriel. Nous devons à ce titre trouver des modalités juridiques leur permettant de travailler.

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