Intervention de Cécile Martinat

Commission spéciale sur la bioéthique — Réunion du 21 novembre 2019 à 10h15
Audition de Mme Cécile Martinat présidente de la société française de recherche sur les cellules souches et de M. Marc Peschanski directeur de l'institut des cellules souches pour le traitement et l'étude des malades monogénétiques i-stem

Cécile Martinat, présidente de la Société française de recherche sur les cellules souches (FSSCR) :

Je vais rappeler les motifs des attaques dont nous faisons l'objet pour notre auditoire plus jeune, que je remercie d'ailleurs d'être présent.

Avant les lois de 2011 et 2013, d'interdiction puis d'autorisation, trois prérequis étaient indispensables à l'obtention d'une autorisation : la finalité médicale, la pertinence scientifique et le fait qu'on ne puisse pas effectuer les travaux de recherche avec une autre source de matériel. La situation s'est complexifiée lorsque les cellules souches induites à la pluripotence sont apparues.

Les motifs des attaques ont été multiples. En mars, deux autorisations de recherche portant sur la pertinence scientifique et sur la traçabilité ont été annulées par le tribunal de Versailles. Plus de la moitié des autorisations étant à l'heure actuelle en cours de processus juridique portent sur ces sujets. J'aimerais comprendre comment un juge peut déterminer la pertinence scientifique d'un projet. Avec le temps, les attaques nous visant ont sans cesse trouvé de nouveaux motifs. Elles concernaient au départ les sources alternatives, puis la traçabilité, et enfin les consentements. Les cellules utilisées sont « immortelles ». La majorité des laboratoires utilisent aujourd'hui des cellules embryonnaires humaines dérivées à la fin des années 1990, souvent dans les pays de l'Est. Le consentement à l'époque ne correspondait pas forcément aux prérequis actuels en la matière.

Pour répondre sur la place de la France dans le domaine de la recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines, il est évident que nous avons pris du retard. Il s'agit d'ailleurs d'un des motifs de création de notre société savante. Nous l'avons lancée suite à une certaine lassitude de voir nos programmes attaqués. De plus, un congrès international regroupe tous les experts internationaux sur les cellules souches, en particulier pluripotentes. Nous avons remarqué que la France n'apparaissait même pas dans le top 20 des pays les plus représentés lors de celui-ci en 2017. Nous avons donc décidé de fédérer notre communauté scientifique, ce qui a fonctionné puisqu'en 2018, nous apparaissions enfin dans le top 15.

Nous n'avons pas abordé le problème de la lourdeur administrative et des délais des autorisations qui conduisent beaucoup d'équipes à se limiter dans l'utilisation des cellules souches embryonnaires humaines. Nous ne pouvons qu'espérer pouvoir aller beaucoup plus vite et franchir d'autres barrières à l'avenir. Malgré notre retard, notamment par rapport aux Etats-Unis et à l'Angleterre, nous avons tout de même montré une certaine excellence scientifique, et nous nous en réjouissons.

Je considère que les IPS ne sont pas une source alternative de matériel aux cellules souches embryonnaires humaines. Les cellules souches induites à la pluripotence sont obtenues par modification génétique de cellules adultes. Nous devons pouvoir les comparer aux cellules souches physiologiques. Des exemples montrent que l'utilisation de ces cellules dans le cadre de l'étude de certaines maladies pourrait présenter des défauts liés à la reprogrammation. Elles ne sont donc pas forcément l'outil le plus pertinent. Des disparités existent toujours et il est nécessaire de continuer à creuser cette question d'un point de vue scientifique.

En ce qui concerne le texte de l'Assemblée nationale, je crois pouvoir dire que celui-ci est plus intelligent et plus raisonnable que le premier. Nous pouvons nous réjouir en France du système permettant de revoir régulièrement cette loi. De nouvelles évolutions apparaîtront dans les années à venir, telles que la technologie CRISPR ou les embryons chimériques et synthétiques. Nous devons permettre aux scientifiques de travailler sur ces notions de sorte à ne pas prendre de retard.

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