Intervention de Marc Peschanski

Commission spéciale sur la bioéthique — Réunion du 21 novembre 2019 à 10h15
Audition de Mme Cécile Martinat présidente de la société française de recherche sur les cellules souches et de M. Marc Peschanski directeur de l'institut des cellules souches pour le traitement et l'étude des malades monogénétiques i-stem

Marc Peschanski, directeur scientifique de l'Institut cellules souches pour le traitement et l'étude des malades monogénétiques (I-Stem) :

La loi de bioéthique de 1994, interdisant tout travail de recherche sur l'embryon, a été suivie d'un arrêt de tout travail pour améliorer la fécondation in vitro. La France, qui était un pays en pointe en termes de résultats de FIV, est alors tombée très bas dans les classements. Nos collègues demandent donc qu'il soit possible d'étendre le travail sur les embryons jusqu'à quatorze jours, voire au-delà. Dans le cadre de FIV et de grossesses en général surviennent malheureusement régulièrement des défauts de développement, de nidation ou d'interactions avec les structures utérines. Ils doivent pouvoir observer les cellules responsables de la nidation, qui leur échappent aujourd'hui.

Une loi de bioéthique doit éviter que les résultats obtenus par les chercheurs se traduisent par des dysfonctionnements dans leur application à la société, à l'espèce humaine et à toutes les espèces en général d'ailleurs. Les chercheurs ne peuvent travailler qu'à condition d'aller dans des terrains inconnus, qui ne peuvent donc pas être réglementés. Les connaissances apportées seront donc, ou non, appliquées à la société. C'est là que se situe la barrière à mettre en place.

Il ne faudrait pas que les révisions de lois de bioéthique périodiques continuent de nous freiner. La recherche doit être libre, réglementée et surtout qu'elle permette aux scientifiques de s'intéresser à des terrains inconnus, sans quoi ils ne pourront apporter de connaissances nouvelles.

Je partage l'avis de madame la Sénatrice sur le déficit financier de nos recherches, mais rappelle toutefois l'accord de Lisbonne de l'an 2000. Le gouvernement français s'était engagé à aboutir à 3 % de PIB dans la recherche en 10 ans. Nous sommes à 2,2 % en 2019, ce qui se traduit donc par un déclin qui continuera jusqu'à ce que les moyens nécessaires soient mis en oeuvre. L'Allemagne a démarré en 2000 avec 2,15 % du PIB consacré à la recherche, comme nous. Elle a dépassé les 3 % depuis 2010. J'en profite pour vous adresser ce message au nom de la communauté scientifique.

Au sujet du virage industriel, il est aujourd'hui indispensable que vous écoutiez les industriels. Vous travaillez aujourd'hui sur le passé de nos recherches. La loi de bioéthique est régulièrement révisée sur la base des connaissances que nous vous apportons. Il est maintenant utile de regarder vers l'avant et d'anticiper. Le Sénat était très en pointe en 2011 sur sa réflexion bioéthique dans ses choix et ses anticipations. Nous avons la possibilité d'être en avance sur la bioproduction cellulaire, et devons donc l'être. Nous nous dirigeons vers une nouvelle médecine régénératrice, recherchant des traitements sur la base de cellules développées en laboratoire.

Je pense qu'aujourd'hui la question pour les grands acteurs pharmaceutiques est de savoir s'ils vont se développer ici ou de l'autre côté de la frontière. En 2009, nous avons été contactés par Roche, un industriel souhaitant développer ses approches de médicaments, ce qu'il a fait avec succès. Ils avaient compris qu'ils pourraient trouver chez nous des développements introuvables ailleurs. Nous avons donc travaillé deux ans et demi ensemble, en formant leurs équipes et construisant des laboratoires. Nous leur avons proposé d'en construire un à Evry, ce qu'ils ont refusé du fait de leur incertitude par rapport à la loi de 2009. Ils ont eu peur de perdre leurs investissements dans les années suivantes. Nous l'avons donc construit à Bâle.

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