Nous arrivons ici aux limites du « en même temps » cher au chef de l’État.
À force de ne pas vouloir choisir, nous nous sommes enfoncés dans une impasse, et les risques de partition évoqués par François Hollande ou les risques de face-à-face violent envisagés par Gérard Collomb deviennent chaque jour plus vraisemblables.
La première chose à faire, c’est évidemment de revenir à l’honnêteté et à la clarté.
L’honnêteté, tout d’abord : il n’est pas admissible que la représentation nationale débatte dans un flou si peu artistique.
Comme les années précédentes, les chiffres dont nous disposons pour cette mission sont notoirement biaisés. En l’absence de données consolidées, la réalité nous échappe, et l’État est impuissant, comme nous le sommes dans notre mission de contrôle.
Un seul exemple de cette réalité, glané dans le rapport de nos collègues députés Kokouendo et Cornut-Gentille : j’y ai découvert que la population de clandestins en Seine Saint-Denis variait, selon les estimations, de 150 000 à 400 000 personnes !
C’est au nom d’une conception angélique des droits de l’homme que nous nous interdisons toute connaissance précise des réalités démographiques et, a fortiori, des coûts sociaux, économiques, culturels et politiques de l’immigration. Ce qui est certain, en tout cas, c’est que l’ensemble de ces coûts représente, comme dirait notre Président, un « pognon de dingue ».
La clarté, ensuite. Nous avons besoin d’une politique migratoire claire et compréhensible par tous, Français comme étrangers. Comment comprendre que, en quelques mois, nous soyons passés du pacte de Marrakech et de son droit illimité pour tous à émigrer à un discours de fermeté, sans jamais remettre en cause ledit pacte ?
Au-delà de la clarté et de l’honnêteté, deux vertus manquent cruellement pour que ce budget ait la moindre chance de répondre aux légitimes attentes de nos compatriotes : la cohérence et le courage.
Je commencerai par la cohérence : qui d’entre vous, mes chers collègues, pourra m’expliquer comment nous allons atteindre l’objectif que s’est assigné le chef de l’État – tous les déboutés du droit d’asile, je dis bien 100 % d’entre eux, sont censés être reconduits à la frontière –, alors que notre mission voit les dépenses liées à ces reconduites à la frontière diminuer ?
Cette diminution intervient, de surcroît, au moment même où la France devient le premier pays d’Europe pour les demandes d’asile, tant notre système est généreux avec l’argent de ces contribuables à qui nous demandons « en même temps » de se serrer la ceinture et d’accepter sans rien dire la préférence étrangère.
Je fais partie, mes chers collègues, de ceux qui pensent, comme des hommes politiques aussi différents que Valéry Giscard d’Estaing, Georges Marchais ou Jacques Chirac, qu’il faut non seulement arrêter l’immigration illégale, bien sûr, mais aussi réduire drastiquement les plus de 400 000 entrées légales.
Cependant, le plus impardonnable pour des responsables politiques, c’est le manque de courage. Il n’y a, en réalité, pas de politique migratoire en France, pas de volonté réelle de contrôler nos frontières ni d’intégrer les étrangers ou les Français récemment naturalisés sur notre sol.
Allons-nous donc poursuivre notre absence de politique migratoire, refusant de regarder en face le tragique de l’histoire et oubliant délibérément ce qu’il en a coûté à nos aïeux de nous léguer un grand pays, libre et rayonnant sur le monde ? Ou bien allons-nous nous montrer enfin dignes de ces aïeux et dire calmement, mais fermement, aux nouveaux venus à quelles conditions ils peuvent entrer chez nous, à quelles conditions ils peuvent devenir Français et expulser sans faiblir tous ceux qui refusent de se plier à nos lois et à nos mœurs ?
Puisque j’évoque devant vous nos aïeux, je voudrais finir en parlant du temps long, celui de l’histoire. Je vous le demande, mes chers collègues, dans quelle situation notre pays se trouvera-t-il dans dix, vingt ou cinquante ans si nous renonçons à affronter cette grave question migratoire qui se présente à nous ? Pensez-vous que ce sera toujours la France, de Louis XIV, de Napoléon ou de Charles de Gaulle ? La réponse, hélas, est dans la question !
Comme patriote français, comme parlementaire, j’ai honte de vous présenter aujourd’hui, mes chers collègues, un rapport sur une mission aussi manifestement mensongère. En attendant, je vous invite naturellement à rejeter le budget de la mission dite, par antiphrase, « Immigration, asile et intégration ».