Intervention de Olivier Cadic

Réunion du 28 novembre 2019 à 21h30
Loi de finances pour 2020 — Budget annexe : publications officielles et information administrative

Photo de Olivier CadicOlivier Cadic :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’interviens en mon nom et en celui de mon collègue Rachel Mazuir, également rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. Mon propos s’articulera autour de trois points : d’abord, la faible transparence dans la présentation des crédits de personnel ; ensuite, l’effort de sécurisation des systèmes d’information de l’État ; enfin, notre incompréhension après la décision de supprimer l’Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice et nos inquiétudes sur les moyens de l’Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN).

Ma première remarque portera sur les crédits de personnel.

Les effectifs progressent – c’est bien ! La structure d’emplois fait apparaître plus de cadres de haut niveau – c’était nécessaire ! Les contraintes salariales sont assouplies pour recruter des spécialistes dans les secteurs où les compétences disponibles sont rares et recherchées – c’était indispensable !

Pourtant, malgré des coûts supplémentaires, les crédits de personnel de titre 2 sont en baisse de 17, 6 %. Où est l’erreur ? Elle découle d’un jeu d’écriture entre le SGDSN et le ministère des armées.

À partir de 2020, le programme 129 n’aura plus à rembourser les rémunérations des 255 militaires mis à disposition du SGDSN, de l’Anssi et du GIC. Ils resteront à la charge des armées, dont on sait que les crédits ont du mal à être consommés.

Cet arrangement permet aux services du Premier ministre d’afficher un titre 2 en baisse et aux armées de consolider leurs crédits !

Jeu à somme nulle pour le budget de l’État, me direz-vous… Certes, mais le titre 2 du programme 129 ne reflétera plus les « vraies » charges de personnel. Pour la représentation nationale, qui assure le contrôle des crédits, cette perte de lisibilité complique l’évaluation de la performance de ces administrations. Ces arrangements transforment petit à petit nos comptes publics en usine à gaz et nous éloignent d’une application rigoureuse de la LOLF. Je doute que cela améliore la performance publique !

Ma deuxième remarque a trait à la cybersécurité.

En 2018, l’Anssi a traité 78 événements de sécurité consécutifs à des attaques informatiques ayant touché des ministères. Parmi ces événements, 15 se sont révélés majeurs et l’Anssi a dû engager des moyens importants pour les 3 d’entre eux qui ont fait l’objet d’une opération de cyberdéfense. Les ministères les plus attaqués sont ceux de l’éducation nationale, des armées et des affaires étrangères, ces deux derniers ayant supporté les attaques les plus fortes en intensité.

Face à cet état de la menace, les réponses restent à ce jour insuffisantes. Elles maintiennent nos administrations dans un état de vulnérabilité inquiétant, comme en témoigne le niveau effectif de conformité de systèmes d’information, qui fait l’objet d’un indicateur du programme 129.

Certes, les plans ministériels de renforcement de la sécurité sont plus nombreux, mais ils restent sous-financés pour répondre aux enjeux.

Nous sommes particulièrement inquiets pour le secteur de la santé et la protection des hôpitaux, qui se sont beaucoup digitalisés, mais sans réaliser tous les efforts de protection nécessaires, comme l’illustre l’attaque du centre hospitalier universitaire de Rouen, voilà deux semaines.

Une rénovation de la politique de sécurité des systèmes d’information de l’État est en cours. Nous en partageons les objectifs. Elle doit passer par le renforcement des moyens de contrôle de l’Anssi sur les grands projets de l’État. À cet égard, le décret du 25 octobre 2019 relatif au système d’information et de communication de l’État et à la direction interministérielle du numérique aurait pu être plus directif et plus contraignant. Elle passe aussi par la reprise de la croissance des effectifs de l’Anssi, ralentie depuis deux ans, et par le desserrement de la contrainte salariale pour recruter des collaborateurs de bon niveau au prix du marché.

À cet égard, le projet de loi de finances pour 2020 est satisfaisant et va dans le sens de nos recommandations.

Sans portage politique majeur, sans moyens financiers significatifs et sans outils réglementaires plus coercitifs, il sera difficile de lutter contre une logique valorisant la multiplication des systèmes d’information et des applications numériques. Il faut également rompre avec la logique qui privilégie la baisse des coûts de fonctionnement ou de personnels des services de l’État, sans se préoccuper suffisamment de leur sécurité.

Ma troisième remarque concerne la situation de l’IHEDN et de l’INHESJ.

Il a été décidé de supprimer l’INHESJ à compter du 31 décembre 2020. Cet institut était pourtant devenu l’opérateur public de référence dans les domaines de la formation et de la recherche liées à la sécurité globale et à la justice ; un lieu par lequel sécurité et justice se renforcent des échanges avec le monde scientifique, grâce à des programmes de recherche de qualité ; un lieu de construction de référentiels communs pour des corps amenés à agir ensemble au quotidien, souvent en tension. Il répondait à de véritables besoins. C’est pourquoi la commission des affaires étrangères ne comprend pas cette décision.

La pérennité de l’IHEDN est assurée. C’est un soulagement ! Son nouveau plan stratégique constitue un net progrès, mais son modèle économique reste à construire. La stabilisation de sa trajectoire financière n’est donc toujours pas acquise. De surcroît, cet organisme devra absorber, seul, certaines charges mutualisées avec I’INHESJ et, peut-être, reprendre certaines formations dispensées. Avec quels moyens ? La commission, très attachée à cet institut, est en attente de réponses précises du Gouvernement.

Globalement, l’économie pour le budget de l’État de cette opération de simplification reste à démontrer. Notre commission avait proposé de donner un avis favorable à l’adoption des crédits, mais c’était avant le coup de rabot infligé à l’Anssi et au GIC en deuxième délibération à l’Assemblée nationale… Nous soutiendrons bien évidemment le rétablissement de ces crédits !

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