Je remercie tout d'abord le président Bas de nous accueillir au Sénat.
Permettez-moi d'évoquer les deux contextes dans lesquels s'inscrit le texte dont nous discutons ce soir.
Je rappellerai en premier lieu le contexte national. Lorsque j'ai présenté cette proposition de loi le 15 octobre devant l'Assemblée nationale, j'avais décompté le nombre de femmes tombées sous les coups de leur compagnon, non par mise en scène, mais pour que chacun mesure la responsabilité qui était la sienne. Aujourd'hui, je devrais compter 138 femmes, contre 117 il y a seulement quelques semaines.
La responsabilité qui nous incombe est singulière. Toutes les commissions mixtes paritaires sont importantes en ce qu'elles sont l'aboutissement du travail législatif, mais celle-ci l'est tout particulièrement. Aussi, dans les discussions qui vont suivre, chacune et chacun d'entre nous ne doit-il jamais perdre de vue la question de fond : tout faire pour faire avancer la cause des victimes de violences, et le plus tôt sera le mieux. Une seule bataille mérite d'être menée, celle de la protection des femmes ; toutes les autres sont secondaires et négligeables - gardons cela à l'esprit.
Le second contexte est législatif. Le groupe Les Républicains à l'Assemblée nationale a souhaité consacrer, dès l'été dernier, sa journée d'ordre du jour réservée à l'examen de deux textes relatifs à la défense des femmes victimes de violences, de leurs enfants et de leur famille. D'ailleurs, le titre de cette proposition de loi a évolué : il s'agit désormais d'« agir contre les violences au sein de la famille. » Nous l'avons fait à un moment où le Gouvernement avait pris l'initiative d'organiser un Grenelle des violences conjugales. Personne n'a cherché à concurrencer l'autre ; l'essentiel était que nous avancions. Les deux calendriers se sont non pas télescopés, mais parfaitement complétés.
Une seule lecture a eu lieu dans chacune des assemblées parce que le Premier ministre a souhaité la procédure accélérée sur ce texte. Ne l'oublions pas dans notre exigence de rédaction et dans celle de faire en sorte que la commission mixte paritaire soit conclusive ! Je n'imagine pas, je le dis très clairement, que nous ne parvenions pas à un accord. Nous y passerons le temps qu'il faudra ; chacun devra sûrement faire des concessions nouvelles, mais il faudra réussir parce que la responsabilité qui est la nôtre l'exige.
Par ailleurs, l'entrée en vigueur des mesures adoptées est attendue avant la fin de l'année. Plusieurs d'entre elles sont de nature à changer véritablement la donne ; je pense au bracelet anti-rapprochement, un dispositif qui doit être mis en place au début de l'année prochaine, ainsi qu'à la réduction du délai de délivrance de l'ordonnance de protection à six jours, le Sénat ayant adopté l'article 2 en des termes identiques à ceux de l'Assemblée nationale. Il y a là une attente considérable.
Le temps d'examen de ce texte a été court et long à la fois : entre la première lecture à l'Assemblée nationale et aujourd'hui, je l'ai dit, ce sont non plus 117 femmes qui ont été victimes des violences de leur compagnon, mais 138. Des prises de conscience ont eu lieu, y compris celle de la garde des sceaux - je salue le travail qu'elle a mené tant avec les députés qu'avec les sénateurs -, déclarant publiquement dans la presse qu'elle avait pleinement conscience des failles, pour certaines abyssales, dans l'organisation de la protection des femmes. Elle a également rappelé que, désormais, seul le temps de l'action devait nous importer. Depuis lors, de nouvelles propositions relatives à cette question ont vu le jour, autant au Sénat qu'à l'Assemblée nationale. Observons toutes ces propositions avec attention !
Il n'est pas question de marcher sur les plates-bandes des uns ou des autres ; il n'y a pas de sujet réservé. L'essentiel est, je le répète, que nous trouvions un accord de nature à enrichir encore ce texte avant un temps d'action politique nouveau, avec une nouvelle proposition de loi de la majorité annoncée en janvier prochain. J'ai eu une discussion avec quasiment chacune et chacun d'entre vous de manière très franche et libre : il faut que chacun se retrouve dans cette loi, tant les parlementaires que le Gouvernement.
Je ne suis pas le député le plus consensuel de l'Assemblée nationale. Je parle ici devant des femmes et des hommes dont l'engagement est, pour beaucoup d'entre vous, très ancien, et j'ai beaucoup de respect pour vous. J'ai toujours été transparent avec les uns et les autres, ne faisant jamais de « coups tordus » à qui que ce soit, mais je n'ai rien cédé quand le fond du sujet l'exigeait. Toutes les informations que vous avez sont celles que je détiens aujourd'hui. J'ai notamment fait des propositions pour que chacun puisse s'y retrouver ; je les défendrai fermement pour que la Représentation nationale puisse être aussi digne qu'elle l'a été depuis le début de l'examen de ce texte.