Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’examen de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale par le Sénat a été un peu plus mouvementé qu’à l’accoutumée.
Notre assemblée a ainsi considéré, lors de la première lecture, ne pas être en mesure de se prononcer de façon suffisamment éclairée. En effet, le Gouvernement devait annoncer, la semaine suivante, un certain nombre de mesures concernant l’hôpital susceptibles de peser sur les comptes de la sécurité sociale alors que nous ne disposions d’aucun élément chiffré.
De même, la commission mixte paritaire, convoquée la veille de l’annonce du plan gouvernemental, a rapidement constaté son désaccord politique et le caractère un peu vain de l’exercice dans ce contexte particulier. De ce fait, l’Assemblée nationale a été saisie, en nouvelle lecture, du texte qu’elle avait adopté en première lecture. Elle a adopté dans la même version qu’en première lecture quarante-sept articles, soit la moitié d’entre eux.
Elle en a modifié quarante-sept autres, en reprenant une vingtaine des amendements du Sénat – le plus souvent, des amendements rédactionnels ou de précision, mais parfois des mesures un peu plus substantielles.
Ainsi, à l’article 7, relatif à la prime exceptionnelle, nos collègues députés ont repris l’amendement de la commission tendant à assurer que les associations et fondations reconnues d’utilité publique soient exemptées de conclure un accord d’intéressement, ainsi que l’amendement de Mme Guillotin visant à en exempter les ÉSAT.
Je pense également à l’amendement de Mme Lassarade et aux amendements de M. Savary à l’article 10 ayant pour objet d’enlever certaines cotisations de caisses de retraite de professions médicales du recouvrement unifié.
À l’article 28, l’Assemblée nationale a repris l’amendement de la commission tendant à préciser explicitement l’obligation faite au distributeur de mentionner au patient concerné que le dispositif médical remis en bon état d’usage est bien le même que celui qui a été prescrit.
De même, à l’article 34, elle a repris l’amendement de la commission visant à étendre à tous les médicaments d’intérêt thérapeutique majeur l’obligation d’information des autorités de la suspension ou de l’arrêt de commercialisation par les établissements pharmaceutiques.
Je pense encore à l’amendement de notre commission à l’article 49 tendant à prévoir que le manquement à l’obligation de déclaration relative aux disponibilités d’accueil de l’assistant maternel ne puisse constituer un motif de suspension de l’agrément ou le seul motif de son retrait. Mme Doineau sera satisfaite…
En outre, l’Assemblée nationale a intégré, à l’article 59 et dans divers articles récapitulatifs, la hausse de l’Ondam de 300 millions d’euros correspondant à la première année du plan Hôpital annoncé par le Gouvernement.
Aucune mesure de hausse de recettes ou de baisse de dépenses n’ayant accompagné ce plan, ces 300 millions d’euros augmentent le déficit de la sécurité sociale pour 2020. Celui-ci serait désormais de 5, 4 milliards d’euros sur le périmètre habituel du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV), et même de 5, 9 milliards en intégrant l’ensemble des régimes obligatoires de base de sécurité sociale.
Surtout, il est inquiétant de constater que le rapport annexé au PLFSS prévoit désormais des comptes en déficit au moins jusqu’en 2023 : encore 1, 8 milliard d’euros à cette date pour les régimes obligatoires et le FSV, malgré une prévision de recettes assez optimiste aux yeux de la commission.
Une telle situation ne fait que renforcer plusieurs des analyses exprimées par le Sénat. Je pense en particulier à la nécessité de renoncer au principe de non-compensation. En effet, on ne saurait demander à la sécurité sociale de financer toujours plus de dépenses de nature assurantielle tout en la privant de ressources au nom de politiques gouvernementales d’augmentation du pouvoir d’achat.
Cela n’aboutira qu’à créer toujours plus de déficits et à repousser toujours plus loin les perspectives d’en finir avec la dette sociale. Il me semble, mes chers collègues, que c’est le rôle du Sénat que de l’affirmer haut et fort, clairement, et de l’inscrire dans un texte que nous voterons.
Permettez-moi de citer un courrier que les deux rapporteurs généraux des commissions des affaires sociales de l’Assemblée nationale et du Sénat ont récemment reçu du Premier ministre, en réponse à leur interpellation sur le sujet des non-compensations. M. Édouard Philippe nous donne l’assurance « qu’aucun autre transfert ou non-compensation n’est envisagé par le Gouvernement pour 2021 ou 2022 ». Nous en prenons acte et ne l’oublierons pas.
Par ailleurs, le Premier ministre dit entendre notre souhait de « discuter des principes et de la doctrine des relations financières entre l’État et la sécurité sociale, ce que permettra le prochain projet de loi de programmation des finances publiques ».
Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, nous aurons donc l’occasion de poursuivre ce débat dès le printemps prochain.
Cette nouvelle lecture devrait nous permettre d’aborder des articles que nous n’avons pas examinés en séance publique en première lecture. La commission affirmera ainsi sa volonté de réindexer, dès 2020, l’ensemble des prestations et allocations de sécurité sociale sur l’inflation, qu’il s’agisse notamment des allocations familiales, de l’allocation aux adultes handicapés ou des pensions de retraite.
À cet égard, la contrainte de « l’entonnoir » ne permettra au Sénat que de livrer une vision tronquée de ses propositions, puisque d’importantes mesures d’économies, comme le recul de l’âge légal de départ à la retraite, ne pourront être présentées dans le cadre de cette nouvelle lecture.
Enfin, le Sénat pourra se prononcer en toute connaissance de cause sur l’article 59, qui fixe le niveau de l’Ondam pour 2020.
En tant que rapporteur général, je serai, bien entendu, le fidèle interprète des votes de la commission, laquelle a estimé insuffisante la hausse de 300 millions d’euros par rapport à la première lecture.
Toutefois, en introduction de nos débats, il me semble important de rappeler ce qu’est l’Ondam. Ce n’est pas un taux – de 2, 3 % ou 2, 45 % –, c’est un montant de dépenses publiques, soit 205, 6 milliards d’euros en 2020, en hausse de 5, 2 milliards d’euros par rapport à 2019. Je pense qu’aucun autre budget public n’affiche une telle augmentation, très nettement supérieure à la croissance de la richesse nationale, année après année. Cela représente 1, 8 milliard supplémentaire pour les hôpitaux.
(Murmures amusés sur les travées du groupe CRCE.) Vous vous êtes reconnue, madame Cohen ?…