Intervention de Michelle Gréaume

Réunion du 30 novembre 2019 à 10h30
Financement de la sécurité sociale pour 2020 — Discussion générale

Photo de Michelle GréaumeMichelle Gréaume :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord d’excuser ma collègue Cathy Apourceau-Poly, qui, pour des raisons familiales, ne peut être parmi nous pour intervenir ce matin.

Le 14 novembre dernier, les organisations syndicales et les collectifs des personnels de la santé étaient en grève. Devant l’ampleur de la mobilisation des blouses blanches, le Président de la République a senti la nécessité d’annoncer un « plan fort » pour l’hôpital.

Ni le Premier ministre ni vous, madame la ministre, n’avez fait l’économie des superlatifs. Vous avez dit de ce plan de crise qu’il était conçu pour sauver un « trésor national », et parlé d’un « signe inédit de confiance du Gouvernement envers l’hôpital public ».

Nous espérions qu’enfin vous aviez compris qu’il fallait stopper la réduction des dépenses publiques.

Mais nous avons vite déchanté.

En définitive, il s’agissait davantage de tenter d’endiguer le mouvement social, en lâchant un peu de lest, que d’apporter les réponses et les crédits à la hauteur des défis et des revendications, qui sont claires et justifiées, des personnels.

Vous annoncez une augmentation de 300 millions d’euros des crédits de l’hôpital pour 2020, sur un budget de 80 milliards d’euros, alors que les organisations syndicales estiment les besoins à 5 milliards d’euros par an ! Même la Fédération hospitalière de France réclame 1 milliard d’euros par an pour réinvestir. Au total, les économies que vous avez prévues sur le dos de l’hôpital public seront juste un peu moins élevées qu’elles devaient l’être. De l’argent en plus, en revanche, il n’y a pas.

Vous annoncez une prime de 800 euros annuels, soit 66 euros par mois, pour les infirmières et infirmiers, ainsi que pour les aides-soignantes et les aides-soignants gagnant moins de 1 900 euros.

Madame la ministre, prime ne vaut pas salaire ! Les collectifs Inter-Urgences exigent 300 euros de revalorisation salariale par mois pour tous les personnels médicaux et paramédicaux. Vous avez préféré cibler les personnels d’Île-de-France alors que l’ensemble du territoire est concerné, tentant ainsi de diviser les personnels entre eux.

Quant à la reprise de 10 milliards d’euros de la dette des hôpitaux, elle est suspendue à une nouvelle loi qui en fixera les conditions. Mais l’essentiel est déjà connu : les établissements devront solliciter une demande de reprise partielle de dettes, qui se fera en échange d’un engagement contractuel avec l’État.

Vous appliquez la stratégie que le FMI applique aux pays en crise : annulation partielle de dettes en échange d’une politique d’austérité, en lieu et place d’un vaste plan d’investissements pourtant indispensable.

Pourtant, tous les signaux sont au rouge. En France, désormais, six hôpitaux sur dix sont en déficit et un tiers des établissements publics en situation de surendettement, d’après la Cour des comptes.

Faut-il s’étonner de l’ampleur du mécontentement et, en particulier, de celui qui s’est exprimé le 14 novembre dernier ?

Je pourrais vous parler de ma région, des centaines de personnels en grève ou mobilisés au centre hospitalier de Douai comme à ceux de Tourcoing, de Valenciennes, de Lille, de Seclin. Je pourrais vous parler de celui de Lens, où les urgences sont en grève depuis des semaines, de bien d’autres encore.

Partout se donnent à entendre la même colère et les mêmes revendications, auxquelles votre plan ne répond pas : des moyens supplémentaires pour ouvrir des lits, embaucher du personnel et revaloriser les salaires.

Vous préférez continuer à faire des cadeaux aux plus riches et faire peser l’austérité sur les plus fragiles.

Qu’il s’agisse de la désindexation des pensions de retraite et des prestations familiales, de la suppression de la majoration des indemnités journalières pour les parents de familles nombreuses ou de l’absence de mesures pour les services d’aide et d’accompagnement à domicile, votre obstination ne fait que réduire le pouvoir d’achat du plus grand nombre.

Madame la ministre, nous vous appelons à tenir compte des propositions alternatives que nous avons construites avec nos collègues députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine (GDR) et rassemblées en une proposition de loi portant mesures d’urgence pour la santé et les hôpitaux.

Nous avons transmis ce texte en septembre à votre ministère, et ma collègue Laurence Cohen vous l’a remis en main propre lors de votre audition par la commission des affaires sociales. Si vous aviez pris le temps de le lire, vous auriez vu qu’y figurent des propositions qui sont, aujourd’hui, les principales revendications des personnels mobilisés : l’augmentation du budget de la santé à hauteur de l’évolution naturelle des dépenses, la suppression de la taxe sur les salaires, l’instauration d’un moratoire contre les fermetures de lits, de services et d’établissements ou la redéfinition des missions des hôpitaux de proximité.

Madame la ministre, écoutez les personnels qui se mobilisent, et écoutez la représentation parlementaire, quand bien même elle est dans l’opposition ! Cela vous éviterait de défendre un PLFSS caduc, car en dehors de la vraie vie !

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