Intervention de Jocelyne Guidez

Réunion du 30 novembre 2019 à 10h30
Financement de la sécurité sociale pour 2020 — Discussion générale

Photo de Jocelyne GuidezJocelyne Guidez :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’examen du PLFSS pour 2020 marquera les esprits durablement, non parce que ce texte contiendrait des mesures particulièrement importantes ou structurantes, malheureusement, mais plutôt en raison des conditions de son examen.

Sur la forme, d’abord, le mouvement de grèves des urgences a débuté le 18 mars dernier. Il trouve désormais un retentissement dans l’ensemble de notre système hospitalier. Plusieurs agressions contre des personnels de l’hôpital Saint-Antoine sont à l’origine de ce mouvement. Ces tensions se faisaient ressentir au second trimestre de cette année, c’est-à-dire au moment où le Gouvernement commençait à penser les grands équilibres du PLFSS. Or force est de constater que, malgré cette crise, le Gouvernement construisait un sous-Ondam hospitalier inférieur au sous-Ondam de ville.

Dès lors, ce PLFSS ne pouvait ni apaiser les professionnels hospitaliers ni rassurer les parlementaires, singulièrement les sénateurs, qui alertaient depuis plusieurs semaines, voire plusieurs mois.

Reconnaissons qu’entre-temps le Gouvernement n’est pas resté sans agir : il a proposé, en juin, 70 millions d’euros pour les urgences, puis, en septembre, 750 millions d’euros pour tout l’hôpital. Malheureusement, cela s’est avéré insuffisant pour remédier à la situation.

S’il faut saluer la réponse du Président de la République aux manifestations, il est regrettable que l’entière mesure de la situation n’ait pas été prise préalablement. En effet, cela a obligé le Gouvernement à réévaluer l’Ondam pendant l’examen au Sénat du PLFSS, tout en nous demandant d’adopter un texte manifestement insincère. C’est la raison pour laquelle nous étions dans notre bon droit en rejetant ce texte il y a deux semaines.

Aujourd’hui, nous sommes absolument dans notre rôle, et nous ne pouvions pas nous soustraire à l’examen du budget de la sécurité sociale, qui représente 522, 1 milliards d’euros, en adoptant une motion tendant à opposer la question préalable.

Évidemment, les règles constitutionnelles, en particulier celle de l’entonnoir, limitent à ce stade de la procédure notre pouvoir d’amendement. Mais je ne doute pas, mes chers collègues, que le texte que nous adopterons portera la marque du Sénat et comportera quelques mesures symboliques sur lesquelles nous nous accordons.

J’espère, madame la ministre, que, en raison de ces conditions d’examen très particulières, l’Assemblée nationale saura redoubler d’attention lorsqu’elle aura à se prononcer en dernier ressort sur les amendements que nous aurons adoptés. Nous comptons sur votre compréhension et sur votre bienveillance.

Sur le fond, l’examen de ce PLFSS marquera les esprits, dans la mesure où le Gouvernement présente le principe de non-compensation comme étant la règle, et non l’exception. En effet, le Gouvernement considère qu’il prévaut sur la loi Veil et la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale. Or cette doctrine s’appuie sur un simple rapport rendu au Gouvernement il y a un an par MM. Charpy et Dubertret. Vous conviendrez, mes chers collègues, qu’il apparaît inopportun, voire déplacé, de soutenir devant le législateur la suprématie d’un rapport sur la loi elle-même !

C’est la raison pour laquelle nous voterons l’amendement de notre rapporteur général visant à supprimer les non-compensations inscrites dans ce PLFSS.

On a déjà beaucoup parlé de l’Ondam, mais je prendrai tout de même quelques instants pour y revenir dans le détail.

Le PLFSS initial comportait un sous-Ondam hospitalier inférieur au sous-Ondam de ville, alors que nos services des urgences et nos hôpitaux sont en grève depuis de longs mois : cela constituait un premier motif d’incompréhension. S’ajoutait le fait que l’Ondam était présenté comme étant à la hausse : cela est vrai, mais les professionnels du secteur, parfois épuisés, relevaient surtout que, même en progression, il restait bien inférieur à l’évolution tendancielle des dépenses. Pour mémoire, entre 2012 et 2019, celle-ci a été de 4, 1 % en moyenne, tandis que l’Ondam progressait en moyenne de 2, 31 %. Cela représente, depuis 2012, un différentiel d’au moins 25, 67 milliards d’euros, et sans doute de beaucoup plus en réalité.

Il est nécessaire de s’interroger : quels leviers financiers aurions-nous pu mobiliser pour que la progression de l’Ondam reste à la hauteur de l’évolution tendancielle des dépenses ? Je crois bien difficile de répondre à cette question en maintenant notre organisation actuelle sans toucher à la répartition des soins !

Rappelons-nous, mes chers collègues, qu’avant la création de l’Ondam notre système n’était plus tenable. Aujourd’hui, on constate durement que la gestion par l’Ondam ne peut, à elle seule, suffire au pilotage de notre système. Nous ne pourrons pas faire abstraction du constat énoncé par collègue Olivier Henno en première lecture : « Reporter les coûts de notre santé et de notre sécurité sociale sur d’autres générations et les financer par l’emprunt apparaîtront comme une aberration. » Sans modification profonde de notre système de santé, limiter la progression l’Ondam implique l’endettement direct des hôpitaux.

Le Premier ministre, à l’occasion de la présentation du plan Hôpital, rappelait que l’investissement hospitalier a été divisé par deux en dix ans, alors que la dette des hôpitaux augmentait de 40 %.

Un ouvrage profond et difficile est sur le métier : il est primordial de revoir la gouvernance de l’hôpital, de favoriser l’ambulatoire et de réorienter notre médecine vers la prévention ; il est fondamental de regarder ce qui se pratique hors de nos frontières, un récent rapport de l’OCDE pointant les grands gagnants parmi les systèmes de santé dans le monde. Il s’agit certainement de sources d’inspiration importantes, qui pourront guider les réflexions demandées par le Gouvernement.

Toutefois, dans l’immédiat, nos équipes soignantes attendent des réponses massives. Si l’on peut reconnaître au Gouvernement le mérite de ne pas retenir l’option du redéploiement de moyens, on peut s’interroger sur les annonces. Pourquoi ne pas injecter immédiatement l’essentiel des 1, 5 milliard d’euros annoncés ? Avec 300 millions d’euros seulement pour l’an prochain, l’Ondam hospitalier sera encore inférieur de 0, 9 % à son tendanciel. Cela revient, dans le contexte actuel d’épuisement, à demander une fois de plus à l’hôpital de maintenir les efforts, d’où une nouvelle incompréhension !

Concernant les revalorisations à hauteur de 0, 3 % plutôt qu’au niveau de l’inflation des pensions de retraite et des prestations sociales, ce procédé semble devenir un levier d’économie classique pour le Gouvernement ; nous le regrettons, et nous soutiendrons l’amendement de notre rapporteur relatif à cette question.

Concernant le dispositif relatif aux assistantes maternelles, nous nous réjouissons que la proposition de notre collègue rapporteur Élisabeth Doineau ait été reprise purement et simplement par l’Assemblée nationale.

Concernant le fractionnement du congé de présence parental, j’avais proposé en première lecture de l’étendre aux trois fonctions publiques. Je me félicite que les députés aient adopté cette mesure. Je présenterai simplement un amendement de précision juridique.

En conclusion, le groupe Union Centriste votera ce PLFSS, tout en déplorant les conditions de son examen. Nous espérons ne plus avoir à en connaître de telles à l’avenir !

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