Intervention de Corinne Feret

Réunion du 30 novembre 2019 à 10h30
Financement de la sécurité sociale pour 2020 — Discussion générale

Photo de Corinne FeretCorinne Feret :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les sénateurs du groupe socialiste et républicain ont déploré que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020, tel que présenté en première lecture, ne soit ni réaliste ni sincère et qu’il ne permette pas de répondre aux enjeux et aux besoins, en particulier ceux de l’hôpital.

Faute d’être entendus, suspendus à une éventuelle réaction gouvernementale, à une intervention présidentielle, nous avons été contraints de mettre fin à ce qui s’apparentait à une mascarade de débat, et donc de rejeter ce texte. Cette séquence très particulière a permis d’illustrer, une fois de plus, le manque de considération du Gouvernement non pas uniquement pour le Sénat, mais pour le Parlement dans son ensemble.

Aujourd’hui, nous avons tous l’impression désagréable de revivre la même situation que l’an dernier, lorsque l’exécutif avait opéré un revirement de dernière minute et cédé à des demandes que nous faisions nous-mêmes depuis plusieurs mois ; je pense notamment à l’exonération de l’augmentation de la CSG pour les retraités modestes.

Cette année, nous vous avons alertés à plusieurs reprises sur les dangers de la cure d’austérité imposée aux hôpitaux. En vain… Et nous nous retrouvons donc ce week-end pour débattre de mesures présentées par le Gouvernement en urgence, quelques jours après la grande mobilisation du 14 novembre visant à défendre l’hôpital public et notre système de santé et huit mois après le début de la grève des services des urgences !

Madame la ministre, votre nouveau « plan pour l’hôpital public » fait suite à une série d’annonces gouvernementales assorties d’enveloppes budgétaires – 70 millions d’euros, puis 750 millions d’euros, on se perd dans les chiffres ! –, déjà totalement déconnectées et insuffisantes pour sauver l’hôpital.

Nous souhaiterions, au-delà de toutes ces communications successives, parler des vrais sujets : les retards d’investissement, la dégradation des conditions de travail et de prise en charge des patients, les sous-effectifs et les problèmes de sécurité dans les services, le manque de lits, la sous-rémunération des personnels soignants…

Oui, revenons-en au fond de ce plan prétendument « sans précédent », « historique » !

S’agissant du relèvement de l’Ondam, sans lequel rien n’est possible, celui-ci passe en réalité de 2, 5 % l’an dernier à 2, 45 % cette année. Vous avez beau renoncer à 300 millions d’euros d’économies, la preuve est faite que subsiste toujours une forte compression des dépenses de santé hospitalières.

Quant aux primes pour les soignants, il n’y en aura de toute évidence pas pour tout le monde. Primes pour les uns, mais pas pour les autres, sous prétexte qu’ils ne sont pas franciliens : vous opposez Paris aux déserts médicaux français ! À cet instant, toutes mes pensées vont aux personnels, et plus particulièrement aux infirmiers et aux aides-soignants, des hôpitaux de Falaise, de Bayeux, de Caen et de Lisieux, dans mon département du Calvados, qui vivent certainement cette situation comme une terrible injustice ! Comme moi, ils feront probablement le constat que vos propositions ne répondent pas aux attentes en matière de reconnaissance du travail, des métiers ou de la pénibilité des tâches, et plus globalement au problème du manque d’attractivité des hôpitaux. Je rappelle que la première revendication de ces personnels est d’être suffisamment nombreux pour pratiquer les soins, pour être en mesure de faire convenablement leur travail, de sauver des vies. Or, au final, trop de questions restent sans réponse : quid des embauches, de l’arrêt des fermetures de lits, de l’organisation territoriale des soins ou encore de la prise en charge spécifique de la perte d’autonomie ?

Rien, il n’y a rien de précis, hormis le terrible constat du démantèlement progressif de notre système de santé, et au premier chef de l’hôpital public. Cela, nous ne l’acceptons pas !

On l’aura compris, cette nouvelle version du texte n’est pas beaucoup plus réaliste que la première et, d’après ce que j’ai pu observer, il n’est pas de nature à faire retomber la mobilisation sociale. Décevant, il risque surtout d’attiser la colère. Il ne serait donc pas responsable d’en rester là.

Écoutez-nous, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, nous qui sommes la représentation nationale, la voix des territoires ! Nous n’acceptons pas davantage qu’il y a quinze jours le subterfuge de la non-compensation par l’État de la perte de recettes liée aux mesures consécutives à la crise des « gilets jaunes », en violation de la loi Veil de 1994. Les cotisations sociales des Français servent notamment à garantir leur retraite et à assurer leur santé, non à pallier votre politique budgétaire défaillante.

Comme il y a quinze jours, nous sommes en désaccord profond avec toutes les mesures tendant à réduire le pouvoir d’achat des Français ; je pense en particulier à la désindexation de certaines retraites et prestations sociales.

Le budget de la sécurité sociale traduit le niveau des droits sociaux que la Nation accorde à ses concitoyens pour faire face aux aléas de l’existence. Le projet de loi de finances pour 2020, s’il est voté en l’état, ne dérogera pas aux deux précédents : il affaiblira notre système de santé et creusera les inégalités. Telle est la réalité, et nous nous battrons, durant les deux jours à venir, pour faire valoir notre vision du pacte social républicain, différente de la vôtre.

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