Intervention de Fabien Gay

Réunion du 2 décembre 2019 à 10h00
Loi de finances pour 2020 — Compte de concours financiers : prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés

Photo de Fabien GayFabien Gay :

Cela va bien pour tous les patrons du CAC 40, qui ont vu leur salaire augmenter de 12 % l’an dernier, pour un revenu moyen atteignant 5, 8 millions d’euros.

Cela va bien pour tous ceux qui ont perçu des dividendes records cette année, près de 51 milliards d’euros, et qui bénéficient en plus d’une flat tax allégée.

Cela va bien pour les 100 premiers contribuables de France, qui, grâce à la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), ont gagné près de 1, 7 million d’euros chacun sans pour autant investir dans l’économie réelle, comme le montre un rapport du Sénat.

Vous nous dites que l’économie va mieux, que le niveau de chômage baisse et que l’emploi repart. C’est vrai, mais légèrement…

Vous oubliez de dire que ce qui a été créé est non pas de l’emploi, mais de l’activité. L’uberisation de la société crée de l’activité, mais pas de l’emploi. Dans votre vision de la société, nous aurons chacun un revenu, mais pas un salaire ni une protection sociale avec des droits rattachés.

La réalité est que la part de personnes qui accédaient au marché du travail avec un CDD de moins d’un mois en 2000 était inférieure à 50 %. Elle est passée à plus de 70 % en 2019. Cela signifie que l’accès au monde du travail est marqué aujourd’hui par une très grande précarité.

La réforme de l’allocation chômage que vous allez mettre en œuvre touchera la moitié des personnes inscrites à Pôle emploi. De plus, 200 000 personnes n’auront plus accès à une indemnité. Ces gens disparaîtront des radars, mais ce sont des hommes et des femmes qui existeront toujours. Aujourd’hui, le marché du travail, ce sont des salariés pris en tenaille entre concurrence et rentabilité, au seul profit des actionnaires. Ce que vous organisez, ce n’est plus le marché du travail ; c’est le marché de la misère !

Que l’on songe à l’augmentation vertigineuse du nombre de travailleurs pauvres : plus d’un million de travailleurs vivent avec moins de 855 euros par mois.

Voilà donc la réalité des chiffres !

Vous nous dites que l’économie va mieux. Oui, pour nos grands groupes. Mais la réalité est différente pour nos PME et TPE !

Vous dites que le coût du travail nuit à notre compétitivité. Mais le coût du capital, c’est-à-dire la charge des intérêts aux banques et les dividendes, pèse deux fois dans le budget de nos entreprises, et vous n’engagez jamais la moindre réforme !

En revanche, vous agissez en matière fiscale avec des effets pour le moins discutables. Aucun contrôle sur l’usage du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) n’a été mis en place depuis la création et la transformation de ce dispositif, alors qu’il bénéficie pour plus de moitié aux très grands groupes.

Les entreprises coûtent chaque année 200 milliards d’euros aux contribuables au travers de 6 000 dispositifs, de l’échelon local au niveau européen. Et vous refusez toujours de réorienter les aides fiscales en les destinant aux TPE-PME, qui en ont le plus besoin, ou, mieux, de les conditionner en contrepartie à des résultats en termes d’emploi, d’investissements ou de salaires.

Alors, comment s’étonner des dérives ?

Comment expliquer que le groupe Michelin, qui a bénéficié de près de 65 millions d’euros au titre du CICE, ait annoncé des suppressions d’emplois, en l’occurrence 74 salariés du site de Cholet ?

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