La séance est ouverte à dix heures.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2020, adopté par l’Assemblée nationale (projet n° 139, rapport général n° 140, avis n° 141 à 146).
Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.
Mes chers collègues, je vous propose de poursuivre nos débats autant que possible ce matin avant que nous nous rendions à la cérémonie d’hommage aux Invalides, qui aura lieu cet après-midi.
SECONDE PARTIE
MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES
Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Économie » (et articles 76 sexies) et du compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés » (et article 85).
La parole est à Mme la rapporteure spéciale.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la mission « Économie » porte un ensemble de dispositifs en faveur des entreprises, et notamment des PME dans les secteurs de l’artisanat, du commerce et de l’industrie. La mission porte aussi sur les crédits des administrations, autorités administratives indépendantes et opérateurs chargés de la mise en œuvre de ces politiques, ainsi que ceux de l’Insee et des services économiques du Trésor à l’étranger.
Si les crédits demandés pour la mission « Économie » au titre de 2020 – hors programme 343, « Plan France Très haut débit » – affichent une hausse de 5, 58 % en autorisations d’engagement (AE) et de 6, 14 % en crédits de paiement (CP) par rapport à la loi de finances initiale pour 2019, cette augmentation résulte principalement de la très nette croissance des crédits consacrés au dispositif de compensation carbone des sites électro-intensifs, à savoir 173 millions d’euros, soit une hausse de 160 %.
En dehors de cette mesure, les moyens des trois programmes « permanents » de la mission sont globalement en baisse.
La plus grande partie de l’effort de baisse repose sur les différents dispositifs de soutien à l’activité des entreprises. Entre 2014 et 2020, le montant total de ces dispositifs a été considérablement réduit, passant de 234 millions d’euros en 2014 à 68 millions d’euros en 2020, soit une baisse de 71 %.
La « rationalisation » des dispositifs de soutien se résume trop souvent une logique de « rabot », année après année. Or cette érosion ne fait pas une politique. En fin de compte, les réductions proposées ne donnent pas vraiment de sens à la politique et aux choix qui sont faits.
La dernière victime de cette politique de rabot a été le fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce (Fisac), placé en « gestion extinctive » depuis le 1er janvier dernier.
Après avoir vu sa dotation passer de 78 millions d’euros en 2010 à seulement 16 millions d’euros en 2018, le Fisac a été placé en gestion extinctive à partir de cette année. En clair, il a été supprimé, avec seulement 2, 8 millions d’euros de crédits de paiement pour 2020 destinés à couvrir les opérations décidées avant 2019.
Je présenterai tout à l’heure un amendement visant à réabonder le fonds en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, afin de permettre de mobiliser de nouveau cet outil en direction des territoires les plus fragiles.
La possibilité d’exonération des commerces en fiscalité locale offerte aux collectivités ne suffira pas, à elle seule, à pallier la disparition de cet effet de levier indispensable pour les territoires.
Plus globalement, la logique sous-jacente à l’évolution de la mission « Économie » est celle d’un désengagement progressif de l’État en matière de soutien aux petites entreprises, aux commerçants, aux artisans. Le message est le suivant : c’est le rôle des collectivités locales, et surtout celui des régions depuis la loi NOTRe de 2015.
Je voudrais néanmoins, madame la secrétaire d’État, dire ici qu’à titre exceptionnel vous avez su être présente, notamment à l’occasion du G7, pour accompagner les commerçants qui se sont vu indemniser. Je dois souligner la réactivité et l’efficacité qui a été la vôtre sur ce dossier.
J’en viens maintenant aux administrations de la mission. Là aussi, l’effort est important, puisque 267 postes seront supprimés en 2020 sur le périmètre de la mission, dans le cadre d’un « recentrage » sur certaines actions prioritaires.
La direction générale des entreprises (DGE) est la direction la plus touchée en matière de suppression d’emplois, avec 123 équivalents temps plein (ETP) en moins en 2020, soit 9 % des effectifs. Il s’agit d’un effort considérable, qui mettra principalement à contribution le réseau des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (Direccte), ô combien important sur nos territoires.
La direction générale du Trésor poursuivra quant à elle la rationalisation de son réseau à l’étranger, avec la suppression de 40 ETP en 2020.
Entre 2009 et 2018, l’effectif des services à l’étranger est ainsi passé de 1 339 à 622 agents, soit une baisse de 54 %.
Je terminerai par quelques mots sur le plan France Très haut débit. Le programme 343, qui lui est consacré, porte la participation de l’État, soit au total 3, 3 milliards d’euros, afin d’assurer la couverture de 100 % du territoire d’ici à 2022.
Sur le plan budgétaire, les crédits annoncés sont là, l’échéancier suit son cours et 440 millions d’euros de crédits de paiement sont prévus pour 2020.
Sur le terrain, en revanche les choses sont plus complexes. Seuls 36 % des locaux situés dans les zones les moins denses sont à ce jour éligibles à la fibre optique, contre 85 % des locaux dans les zones très denses, donc plus rentables. Les causes de ces retards ne sont pas nouvelles et peuvent se trouver à toutes les phases des projets.
À mon sens, la priorité doit être accordée à la couverture d’un maximum de locaux, plutôt qu’au déploiement de la technologie la plus performante. Pour cette raison, je tiens à saluer comme une avancée la création, en 2019, d’un « guichet cohésion numérique » doté de 150 millions d’euros pour financer des technologies alternatives – 4G fixe, satellite – dans les zones où la fibre optique ne peut être déployée.
L’annonce de la réouverture du guichet d’initiative publique, à hauteur de 140 millions d’euros en autorisations d’engagement, va également dans le bon sens en permettant aux collectivités de cofinancer de nouveaux projets de raccordement au réseau.
Il conviendra toutefois d’être très vigilant : cette solution transitoire est louable dans l’immédiat, mais ne doit pas non plus compromettre l’objectif de raccordement à la fibre optique de l’ensemble du territoire au-delà de 2022. L’objectif de rendre accessible la fibre à l’ensemble du territoire en 2025 est un objectif réaliste.
Reste à savoir si cet objectif sera maintenu par le Gouvernement, qui doit maintenant s’intéresser à l’après-2022.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, il est bien plus facile d’être procureur qu’avocat de la défense quand on s’exprime depuis cette tribune. Cela fait maintenant cinq ans que je rapporte ce budget et je dois constater que la politique des gouvernements successifs pour maintenir l’activité des PME et des TPE sur les territoires mérite quand même de ne pas être soulignée.
Je vous invite à garder à l’esprit que, lorsqu’il disparaît 30 emplois dans une commune de 3 000 habitants, l’impact est bien plus important que lorsqu’il disparaît 300 emplois dans une ville de 30 000 habitants. Pourquoi ? Parce qu’il n’y a pas de régénérescence possible. La disparition d’une TPE ou d’une petite PME dans un territoire déjà désertifié va entraîner une amplification de cette désertification.
C’est pour cela que nous sommes extrêmement surpris de constater que les fonds attribués aux chambres de commerce continuent de diminuer, que la ligne budgétaire qui permettait à Bpifrance d’accorder des garanties d’emprunt aux entreprises a disparu, garanties qui, dans la présentation budgétaire, seront financées par recyclage de dividendes. Les crédits de Bpifrance diminuent, alors qu’une telle politique mériterait au contraire d’être amplifiée.
Je suis aussi très surpris que, malgré les fort nombreux rapports qui ont été produits sur ce sujet, notamment par nos collègues Rémy Pointereau, Martial Bourquin, Frédérique Espagnac et Bernard Delcros, et qui montrent à l’évidence qu’il nous faut changer notre vision des territoires au regard de leurs besoins, le Gouvernement ne développe pas davantage une stratégie en faveur des TPE et des PME comme il a été capable de développer une telle stratégie dans le cadre des investissements d’avenir.
Je souligne une nouvelle fois notre inquiétude de voir disparaître, pour des raisons que nous ignorons, les fonds attribués aux chambres de commerce et d’industrie (CCI). Soit elles ne sont plus utiles à notre paysage économique et, auquel cas, il faut le dire très clairement ; soit elles ont encore une fonction à jouer – ce que nous croyons –, mais encore faut-il peut-être redéfinir les politiques qu’elles doivent mener, et, avec elles, les chambres de métiers et de l’artisanat et les chambres d’agriculture, pour leur permettre d’avoir véritablement une vision économique des territoires.
Rappelons la phrase de Jacques Delors : « La concurrence stimule, la coopération renforce et la solidarité unit. »
On pourrait permettre à notre pays d’avoir une vision beaucoup plus globale et beaucoup plus spatiale du développement des TPE et des PME.
Enfin, nous avons été alertés par un référé de la Cour des comptes sur la situation de l’Institut national de la propriété industrielle (INPI), qui nous a effectivement surpris. Le Gouvernement a remanié la direction de l’INPI. Nous souhaiterions que les entreprises qui bénéficient du crédit d’impôt recherche dans notre pays déposent à tout le moins leurs brevets à l’INPI – ce n’est pas toujours le cas actuellement, et cela nous a également surpris –, de façon que celui-ci devienne une véritable agence de niveau européen.
S’agissant du compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés », le Gouvernement a présenté un amendement à l’Assemblée nationale créant un nouveau programme destiné aux prêts octroyés dans le cadre du programme d’investissements d’avenir (PIA), doté de 200 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 100 millions d’euros en crédits de paiement.
En 2020, cette opération permettra d’octroyer un prêt de 200 millions d’euros à la société Soitec, dont 100 millions d’euros seront débloqués dès 2020. Ce prêt permettra à l’entreprise de maintenir en France son activité de production de semi-conducteurs. L’intervention de l’État était nécessaire, car il s’agit d’une question de souveraineté. De plus, la création d’un programme au sein de ce compte de concours financiers est neutre d’un point de vue budgétaire.
Si le Gouvernement veut véritablement être stratège pour maintenir des activités sur notre territoire, il devrait faire preuve de la même volonté pour nous proposer une politique en direction des TPE et des PME.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, mon propos sera essentiellement centré sur les dispositions de ce budget qui concernent le volet commerce et artisanat.
Les crédits consacrés à ces secteurs sont malheureusement de moins en moins importants et de plus en plus dispersés. La politique menée par le Gouvernement en faveur de ces secteurs perd en lisibilité. Alors qu’il existait jusqu’en 2018, au sein du programme 134, « Développement des entreprises et régulation », une action spécifique « commerce, artisanat et services », celle-ci a été rassemblée dans l’action n° 23, Industrie et services, ce qui complique le suivi de cette politique publique.
En outre, deux changements sont intervenus au détriment du commerce et de l’artisanat entre 2019 et 2020.
Le fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce, qui est en gestion extinctive depuis 2019, devrait disparaître définitivement à partir de 2020. Alors qu’il intervenait à hauteur de 70 millions d’euros il y a dix ans, seuls 2, 8 millions d’euros de crédits de paiement sont demandés au titre de 2020. Nos territoires vont donc se voir amputer d’un dispositif très utile, qui a fait ses preuves, et qui a longtemps financé jusqu’à mille projets par an de soutien et de revitalisation du commerce et de l’artisanat.
Le Gouvernement soutient que le programme Action cœur de ville et les régions prendront désormais le relais du Fisac. Or « Action cœur de ville » ne concernera que 222 villes, essentiellement des villes moyennes et non pas des bourgs en zone rurale.
Si les régions bénéficient certes de la compétence économique, elles disposent de moyens limités pour cela. L’abandon sans concertation d’un outil qui a fait ses preuves et dont le Sénat avait souhaité, en outre, faire l’un des éléments de la reconquête commerciale des centres-villes, dans le cadre du pacte national de revitalisation des centres-villes et centres-bourgs, ne peut recevoir notre assentiment. Je vous proposerai donc un amendement afin d’ouvrir des crédits pour 2020 dotant le Fisac de 30 millions d’euros.
Par ailleurs, le Gouvernement a décidé de revoir les modalités de son soutien en faveur des métiers d’art et du patrimoine vivant et de l’artisanat. Il est ainsi prévu que l’Institut national des métiers d’art (INMA) reprenne certaines des missions de l’Institut supérieur des métiers (ISM). La direction générale des entreprises nous indique viser un autofinancement total de la structure d’ici à 2022. Dans ce cas, pourquoi tarir ce financement dès 2020 ? Ces métiers contribuent pourtant au maintien et au rayonnement d’un savoir-faire rare, ainsi qu’à la promotion de l’excellence française.
Je vous proposerai donc d’ouvrir des crédits afin de pérenniser en 2020 l’action de l’Institut national des métiers d’art en le dotant, comme l’an dernier, de 2, 25 millions d’euros.
La commission des affaires économiques émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission, sous réserve du vote des amendements qui vont vous être proposés.
Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.
Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains. – M. Franck Menonville applaudit également.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, peu de changements s’agissant du volet numérique et postes de la mission « Économie », sur laquelle la commission a émis un avis favorable, mais un acte majeur : la réouverture du guichet France Très haut débit, pour lequel notre commission propose un ajustement.
Je dirai quelques mots rapides sur les avancées en matière d’infrastructures numériques.
L’objectif du « bon haut débit » pour tous, soit 8 mégabits par seconde, promis par le Président pour 2020, se met seulement en marche. Ce guichet « cohésion numérique », permettant de recourir aux technologies dites « alternatives », devrait verser en effet les premières aides en cette fin d’année, soit deux ans après son annonce.
Aucun suivi n’est précisé quant au déploiement de ces solutions alternatives. Ce qui pose question sur l’opérationnalité !
Concernant le très haut débit pour tous en 2022, soit 30 mégabits par seconde, de gros efforts sont fournis par les opérateurs. Ainsi, de bonne dernière de l’Union européenne en 2018, la France devrait regagner des places avec un déploiement, en fibre, qui dépasse les quatre millions de prises en 2019, contre moins de trois en 2017.
Les industriels sont donc au rendez-vous, et il convient de saluer leurs efforts. Mais le plus dur reste à faire : si les grandes villes sont couvertes à 85 % et les villes moyennes à 53 %, les zones rurales, les plus difficiles à couvrir en raison de la dispersion de l’habitat, le sont seulement à 15 %.
Il y a donc de quoi s’interroger sur l’après-2022 : comment seront couverts ces territoires ruraux ? Par quelle technologie ?
Certaines collectivités ont d’ores et déjà choisi l’option des procédures Amel, en quelque sorte du partenariat public-privé.
D’autres privilégient les réseaux d’initiative publique (RIP), mais elles ont besoin de visibilité pour répondre à l’attente des populations et des entreprises.
Dans le budget que nous examinons, le Gouvernement nous propose de rouvrir ce guichet pour financer de nouveaux RIP. Nous nous en félicitons, mais il le fait au compte-gouttes en recyclant d’anciennes autorisations d’engagement et sans crédits nouveaux, de sorte que le compte n’y est pas.
C’est pourquoi, madame la secrétaire d’État, nous vous suggérons d’adresser un message clair aux Français et aux entreprises qui ne sont pas encore couverts par la fibre en abondant les crédits inscrits sur cette ligne à la hauteur des besoins réels.
Je reviendrai sur cet amendement lors de son examen.
Pour conclure, je poserai deux questions rapides.
En matière de déploiement de la 5G, il est crucial que la France ne prenne pas de retard. Les opérateurs ont besoin de la publication des textes d’application d’août dernier. Où en êtes-vous, madame la secrétaire d’État ? Lors des débats parlementaires, vous nous affirmiez que le processus devrait être rapide.
Concernant l’avenir de l’internet des entreprises, après les premiers pas prometteurs de l’entreprise Kosc Telecom, ouvrant le marché à la concurrence, voilà que cette dernière risque de mettre la clé sous la porte faute, semble-t-il, de respect des engagements de ces fournisseurs, également concurrents. Sa reprise semble poser également problème.
Ne craignez-vous pas, madame la secrétaire d’État, que cette dispersion ne mette à mal l’écosystème dynamique et surtout particulièrement souple et adaptable qui s’était mis en place ces derniers mois à la grande satisfaction de l’ensemble des PME ?
Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDSE et Les Républicains. – M. Franck Menonville applaudit également.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, d’année en année, la mission « Économie » est progressivement privée de ses outils de politique industrielle. Parmi ses quatre programmes, une seule action concerne désormais l’industrie.
Certes, celle-ci est principalement consacrée à la compensation carbone des électro-intensifs, absolument nécessaire à la sauvegarde de leur existence et de leur compétitivité, face à la multiplication par quatre du prix du carbone en cinq ans.
La sanctuarisation des crédits de la compensation carbone fonde l’avis favorable de notre commission. Je m’inquiète, néanmoins, de la tendance globale à la réduction des crédits de la mission « Économie ».
Hors compensation carbone, le budget dédié à l’industrie baisse cette année de 5 %. D’abord, la fuite des crédits se poursuit, avec leur transfert vers les PIA ou vers le fonds pour l’innovation et l’industrie (FII), pour l’instant fantôme. La vigilance du Parlement est requise : d’année en année, la lisibilité de la politique industrielle se réduit, rendant notre contrôle très difficile.
Des lignes budgétaires sont de nouveau supprimées cette année. En particulier, pour le deuxième budget consécutif, le Gouvernement veut éteindre le financement par dotation des activités de garantie bancaire de Bpifrance. Pourtant, celles-ci sont orientées à 90 % vers des TPE françaises dont l’accès au crédit reste limité. Plus de 60 000 entreprises en bénéficient chaque année. Pis, le Gouvernement admet lui-même dans les documents budgétaires que les crédits consacrés spécifiquement aux PME industrielles sont de 0 million d’euros pour 2020 !
La commission des affaires économiques souhaite redonner de l’ambition à la politique industrielle. D’une part, nous proposons de restaurer les crédits dédiés à Bpifrance, dans son rôle d’accompagnement du tissu des entreprises, soumis aux aléas de la conjoncture économique. Nous avons, d’autre part, souhaité, en seconde partie du projet de loi de finances, mieux accompagner la transition environnementale et écologique de notre industrie.
C’est un « mur d’investissement » qu’il faut mettre en place pour « verdir » notre outil productif. Les dirigeants de PME sont souvent bien seuls. Le Gouvernement doit aussi développer une véritable vision prospective et stratégique, afin d’accompagner l’évolution des filières, notamment celle du plastique ou du diesel, face à des défis sans précédent.
Je voudrais enfin dire un mot du débat qui s’annonce autour de la fiscalité de production. Alors que le Gouvernement prépare pour 2020 un « pacte productif », le taux de taxation de l’industrie française est sept fois supérieur à celui de l’Allemagne, pesant sur l’investissement et la compétitivité des entreprises.
Une évolution est nécessaire, à commencer certainement par la suppression de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S), annoncée de longue date. Mais on ne peut envisager que la réforme des impôts de production pèse sur les ressources des collectivités locales, déjà très sollicitées par la suppression de la taxe d’habitation. Il nous faut des garanties fermes en ce sens et une compensation à l’euro près sera le préalable à tout débat serein.
Le mieux, c’est que nous ayons des ressources dynamiques, et en aucun cas uniquement des dotations.
MM. Jérôme Bascher et Franck Menonville applaudissent.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la commission des lois a examiné les crédits du programme 134, « Développement des entreprises et régulations », au titre de ses compétences en matière de droit commercial et de droit de la consommation.
Ce projet de budget témoigne de la volonté du Gouvernement de recentrer l’action de l’État en matière de développement économique sur un nombre restreint de priorités, au prix d’un désengagement de certains secteurs de l’économie et de l’assèchement de plusieurs dispositifs de soutien aux entreprises.
À l’inverse, les moyens dévolus par l’État à ses missions régaliennes de régulation concurrentielle des marchés et de protection des consommateurs sont à peu près consolidés.
La commission des lois a été sensible au fait que le souci de maîtriser la dépense publique se traduise au sein de ce programme non par une politique de rabot, mais par des choix et des efforts de réorganisation : une fois n’est pas coutume, madame la secrétaire d’État, et c’est tant mieux.
Il est heureux que l’État accepte enfin de tirer les conséquences des lois de décentralisation et de supprimer des doublons coûteux pour les finances publiques.
Encore faut-il que les autres acteurs publics chargés du développement économique aient les moyens de prendre le relais de l’action de l’État. Ce n’est malheureusement pas le cas. Les chambres de commerce et d’industrie subissent une nouvelle baisse sévère de leurs recettes fiscales. Concernant les régions, les 128 millions d’euros supplémentaires qu’elles tireront du dynamisme de la TVA ne suffiront pas à couvrir l’ensemble des charges nouvelles qui leur sont transférées.
La commission des lois craint en particulier que l’extinction progressive du Fisac n’ait des conséquences très préjudiciables pour l’artisanat et le petit commerce, sans que les régions puissent intégralement compenser le retrait de l’État. C’est pourquoi elle a déposé, comme les commissions des finances et des affaires économiques, un amendement tendant à rehausser à 30 millions d’euros les autorisations d’engagement et les crédits de paiement destinés au Fisac.
Dans le domaine de la régulation concurrentielle des marchés et de la protection des consommateurs, la commission des lois reste préoccupée par la diminution du volume des contrôles diligentés par les administrations compétentes au cours des dernières années. Elle appelle à accélérer la réorganisation du réseau déconcentré de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), qui a été durement affectée par les réductions successives d’effectifs.
Enfin, la commission a dressé un bilan d’étape de la mise en œuvre du nouveau régime d’installation des professions réglementées du droit, issu de la loi du 6 août 2015. Elle a constaté que l’Autorité de la concurrence s’était fondée sur une méthodologie rigoureuse pour proposer une cartographie des zones d’installation. Toutefois, il apparaît à la commission, d’une part, que le risque d’une dépréciation excessive de la valeur patrimoniale des offices existants n’a pas été entièrement écarté à moyen et long terme, d’autre part, que la procédure de nomination dans les nouveaux offices reste beaucoup trop lourde.
L’Autorité de la concurrence a formulé de nombreuses propositions de simplification qui n’ont pas encore été prises en compte intégralement. Certaines d’entre elles nécessiteront d’ailleurs l’intervention du législateur. Il faudra rouvrir ce dossier.
In fine, au vu de ces observations, la commission des lois a donné un avis favorable à l’adoption des crédits de ce programme, sous réserve de l’adoption de son amendement n° II-515.
Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.
Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque unité de discussion comprend le temps de l’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de dix minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Xavier Iacovelli.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui la mission « Économie » du projet de loi de finances pour 2020. Les politiques publiques financées par les crédits de cette mission visent donc, d’abord, à développer l’activité et la compétitivité des entreprises, dans un contexte de ralentissement de la croissance européenne.
Ces politiques publiques concernent, en particulier, le développement international des entreprises et visent à élaborer un environnement conciliant, une concurrence saine entre acteurs économiques et la protection des consommateurs.
Le premier objectif de cette mission est de favoriser l’adaptation de l’économie française aux nouveaux enjeux.
Cette adaptation passera nécessairement par l’allégement des démarches administratives au travers de la mise en place d’une plateforme en ligne unique pour gérer les formalités de création, mais aussi par l’accès à l’innovation dans le cadre de la mission « French Tech » pour les start-up.
Réguler, sécuriser et moderniser : tel est le second objectif de la mission que nous examinons aujourd’hui. La DGCCRF concentrera donc ses interventions sur les enquêtes au service de la lutte contre les fraudes économiques.
C’est la condition pour protéger les entreprises, mais aussi les consommateurs. La DGCCRF devra prendre en compte les nouveaux modèles économiques et les risques émergents pour s’assurer de la loyauté des marchés.
Le renforcement de l’efficacité des aides aux entreprises, l’amélioration de l’efficacité du soutien public à l’internationalisation des entreprises et la nécessité d’assurer le fonctionnement loyal et sécurisé des marchés sont autant d’enjeux auxquels il nous faut répondre. Tels sont les objectifs qui guident cette mission.
Le déploiement de la 5G conduira l’Agence nationale des fréquences à jouer un rôle déterminant dans la régulation, la sécurisation et la modernisation de notre économie. Son action sera guidée par deux principes : confiance et transparence à l’égard des citoyens.
Pour le programme 134, « Développement des entreprises et régulations », les autorisations d’engagement s’élèveront à 1 047, 4 millions d’euros, contre 898, 2 millions d’euros en 2019, soit une hausse de 15, 1 %, et les crédits de paiement à 1047, 4 millions d’euros, contre 912, 3 millions d’euros l’an dernier, ce qui représente une hausse de 14, 8 %.
Au vu du temps qui m’est imparti, je souhaiterais revenir en particulier sur le programme 343, « Plan France Très haut débit ».
Au-delà de l’enjeu économique et social de cette nouvelle économie numérique, le très haut débit permettra de désenclaver les territoires éloignés des grandes villes.
Il s’agit là d’une demande forte de la part des élus locaux, que nous représentons dans cette assemblée et, à travers eux, de millions de Français.
L’État a décidé un tel déploiement sur l’ensemble du territoire français d’ici à 2022 pour permettre à tous les citoyens d’accéder au numérique. Depuis la fin de l’année 2016, sous la présidence de François Hollande, 50 % de la population en bénéficie, avec un an d’avance sur le calendrier prévu.
Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2020, le programme prévoit la participation de l’État au financement de la couverture intégrale du territoire en internet fixe très haut débit, soit 3, 3 milliards d’euros d’ici à 2022.
Lancé en 2013, le plan France Très haut débit répond à un triple objectif : renforcer la compétitivité de notre économie et l’attractivité de la France ; développer les services publics innovants sur l’ensemble du territoire ; et, comme je l’ai rappelé, permettre l’accès au numérique pour tous les Français.
Il est en effet urgent d’apporter une solution de connectivité aux foyers mal desservis. C’est pourquoi l’atteinte de cet objectif requiert l’utilisation de toutes les technologies.
En prévoyant un guichet de la cohésion numérique, comme l’a annoncé le Premier ministre à Cahors le 14 décembre 2017, le plan France Très haut débit apporte une solution de connectivité aux foyers mal desservis.
Une enveloppe de 100 millions d’euros est notamment attribuée pour proposer un soutien financier aux Français concernés pour l’installation d’équipements de réception d’internet.
Le plan s’inscrit enfin dans l’ambition de long terme : doter le pays de nouvelles infrastructures de pointe, au travers de la généralisation de la couverture gigabit sur l’ensemble du territoire.
Au total, l’État investira 3, 3 milliards d’euros pour le déploiement du très haut débit.
Le Gouvernement a rappelé l’exigence de tenir les objectifs, quitte à compléter les financements nécessaires pour que la France apparaisse en leader sur le déploiement du très haut débit. Nous ne pouvons que nous en féliciter.
En 2020, les autorisations d’engagement du programme 343 s’élèveront à 330 millions d’euros et les crédits de paiement à 440 millions d’euros.
Pour toutes les raisons évoquées, nous soutenons les crédits qui sont présentés. Ils constituent une réponse satisfaisante aux objectifs annoncés : rendre plus efficaces les aides aux entreprises, renforcer leur compétitivité et permettre à tous les Français d’accéder aux mêmes ressources numériques sur l’ensemble du territoire.
M. Fabien Gay. Madame la secrétaire d’État, vous nous dites que l’économie va mieux et que votre politique donne de bons résultats. C’est vrai ! Cela va bien pour Bernard Arnault, qui devient aussi riche que Bill Gates ou Jeff Bezos et se paie le luxe de racheter le bijoutier Tiffany !
Exclamations amusées sur les travées des groupes Les Républicains et UC.
Cela va bien pour tous les patrons du CAC 40, qui ont vu leur salaire augmenter de 12 % l’an dernier, pour un revenu moyen atteignant 5, 8 millions d’euros.
Cela va bien pour tous ceux qui ont perçu des dividendes records cette année, près de 51 milliards d’euros, et qui bénéficient en plus d’une flat tax allégée.
Cela va bien pour les 100 premiers contribuables de France, qui, grâce à la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), ont gagné près de 1, 7 million d’euros chacun sans pour autant investir dans l’économie réelle, comme le montre un rapport du Sénat.
Vous nous dites que l’économie va mieux, que le niveau de chômage baisse et que l’emploi repart. C’est vrai, mais légèrement…
Vous oubliez de dire que ce qui a été créé est non pas de l’emploi, mais de l’activité. L’uberisation de la société crée de l’activité, mais pas de l’emploi. Dans votre vision de la société, nous aurons chacun un revenu, mais pas un salaire ni une protection sociale avec des droits rattachés.
La réalité est que la part de personnes qui accédaient au marché du travail avec un CDD de moins d’un mois en 2000 était inférieure à 50 %. Elle est passée à plus de 70 % en 2019. Cela signifie que l’accès au monde du travail est marqué aujourd’hui par une très grande précarité.
La réforme de l’allocation chômage que vous allez mettre en œuvre touchera la moitié des personnes inscrites à Pôle emploi. De plus, 200 000 personnes n’auront plus accès à une indemnité. Ces gens disparaîtront des radars, mais ce sont des hommes et des femmes qui existeront toujours. Aujourd’hui, le marché du travail, ce sont des salariés pris en tenaille entre concurrence et rentabilité, au seul profit des actionnaires. Ce que vous organisez, ce n’est plus le marché du travail ; c’est le marché de la misère !
Que l’on songe à l’augmentation vertigineuse du nombre de travailleurs pauvres : plus d’un million de travailleurs vivent avec moins de 855 euros par mois.
Voilà donc la réalité des chiffres !
Vous nous dites que l’économie va mieux. Oui, pour nos grands groupes. Mais la réalité est différente pour nos PME et TPE !
Vous dites que le coût du travail nuit à notre compétitivité. Mais le coût du capital, c’est-à-dire la charge des intérêts aux banques et les dividendes, pèse deux fois dans le budget de nos entreprises, et vous n’engagez jamais la moindre réforme !
En revanche, vous agissez en matière fiscale avec des effets pour le moins discutables. Aucun contrôle sur l’usage du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) n’a été mis en place depuis la création et la transformation de ce dispositif, alors qu’il bénéficie pour plus de moitié aux très grands groupes.
Les entreprises coûtent chaque année 200 milliards d’euros aux contribuables au travers de 6 000 dispositifs, de l’échelon local au niveau européen. Et vous refusez toujours de réorienter les aides fiscales en les destinant aux TPE-PME, qui en ont le plus besoin, ou, mieux, de les conditionner en contrepartie à des résultats en termes d’emploi, d’investissements ou de salaires.
Alors, comment s’étonner des dérives ?
Comment expliquer que le groupe Michelin, qui a bénéficié de près de 65 millions d’euros au titre du CICE, ait annoncé des suppressions d’emplois, en l’occurrence 74 salariés du site de Cholet ?
Il a aussi annoncé la fermeture du site de La Roche-sur-Yon, en Vendée, qui ne concerne pas moins de 619 salariés. En l’occurrence, le montant perçu au titre du CICE est de 4, 3 millions d’euros. Pire, le dispositif d’aides publiques a été utilisé pour l’achat de huit machines, dont deux seulement ont été installées sur le site. Les six autres sont allées alimenter des sites roumains, polonais et espagnols appartenant au groupe !
En somme, le CICE aurait servi à développer des usines et donc des unités de production, voire peut-être des emplois, hors du territoire national, laissant des sites français fermer et des salariés être bientôt licenciés.
Vous nous dites que l’économie va mieux et que tous les Français peuvent en être fiers. Tous ? Alors, pourquoi y a-t-il tant de colères chez les médecins et les personnels soignants, les enseignants, les facteurs, les forestiers de l’Office national des forêts (ONF), les pompiers, nos forces de sécurité, les agriculteurs, les étudiants, les cheminots, les retraités et les salariés du privé ?
Peut-être parce que le taux de pauvreté augmente de 0, 6 point en 2018, pour atteindre près de 15 % de la population. Peut-être parce que les inégalités se creusent comme jamais dans notre pays et que les salaires, dont le SMIC, que vous refusez d’augmenter, sont bloqués. Peut-être parce que, chaque jour, la solidarité se délite et le service public est sacrifié.
Nous échangeons ici des chiffres, mais, en réalité, nous avons un débat profond avec vous. Pour vous, l’humain doit être sacrifié au nom de l’économie, de la croissance et de la réduction de la dette. Pour nous, l’économie n’est qu’un moyen, qui doit rester au service de l’humain.
Comme l’a récemment dit un préfet, nous avons choisi notre camp. Le nôtre, c’est celui de l’humain d’abord ! Par conséquent, le groupe CRCE votera contre les crédits de cette mission.
Mme Sylvie Vermeillet applaudit.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui les crédits pour la mission « Économie » dans le cadre du projet de loi de finances pour 2020.
Il s’agit d’une mission au champ d’application très vaste et aux implications déterminantes pour le tissu économique de notre pays.
Il y a lieu de se réjouir de la progression de ces crédits de paiement, puisqu’on constate une augmentation de 20 % entre 2019 et 2020. Mais l’essentiel de cette hausse de 2, 3 milliards d’euros est lié au plan France Très haut débit et à la compensation carbone. Il s’agit de deux leviers déterminants pour faire évoluer notre économie vers un modèle à la fois plus ouvert sur le monde et moins polluant pour la planète.
Mais cette transition ne doit, et ne pourra se réaliser qu’en associant dans un tel mouvement l’ensemble de nos entreprises. Je pense tout particulièrement à nos PME et entreprises de taille intermédiaire (ETI), notamment industrielles, qui structurent l’économie de nos territoires. Elles doivent constituer la cible prioritaire de nos politiques publiques.
Selon le sociologue Pierre Veltz, notre société, qui semble de plus en plus virtuelle, est en fait de plus en plus industrielle ; elle est même devenue hyper-industrielle.
Pour que la France garde son rang dans la mondialisation, notre politique économique doit donc se doter d’une stratégie industrielle ambitieuse, fondée aussi bien sur l’innovation que sur la montée en gamme. La France doit donc amorcer sa reconquête industrielle en se dotant d’une stratégie ambitieuse et globale.
En ce sens, les conclusions de la mission sénatoriale que j’ai eu l’honneur de présider ont été rendues publiques cette année, venant ainsi s’ajouter aux nombreux travaux réalisés sur le sujet au sein de la Haute Assemblée.
Les crédits de la mission « Économie » nous permettent d’avancer dans la direction que j’ai évoquée. Cependant, je partage le constat de notre excellent rapporteur Serge Babary : l’important volume de dépenses fiscales est encore trop peu tourné vers l’industrie.
Le budget que nous examinons aujourd’hui comporte tout de même des avancées significatives.
Cela vaut tout particulièrement pour l’effort fiscal réalisé pour la compétitivité des entreprises électro-intensives, qui se trouvent au cœur de notre tissu industriel.
Ainsi, les tarifs réduits de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) représentent un montant total d’environ 1, 3 milliard d’euros.
De la même manière, je tiens ici à saluer l’amendement présenté par notre collègue Jérôme Bignon en première partie du projet de loi de finances et tendant à revenir sur la suppression du taux réduit de contribution au service public de l’électricité (CSPE) dont bénéficient les entreprises électro-intensives. Je me félicite de ce que le Sénat ait adopté cette mesure de responsabilité. Il s’agit de construire une fiscalité adaptée aux besoins spécifiques de ces acteurs indispensables à la chaîne de production industrielle.
La logique reste la même : adapter notre fiscalité pour faciliter l’implantation de nos entreprises sur nos territoires. Le levier fiscal se révèle très puissant pour engager des transformations rapides. C’est ce qui explique l’accueil favorable que nous réservons au suramortissement pour nos PME ; le dispositif gagnera sans doute à être pérennisé.
Il s’agit d’encourager nos entreprises à renouveler rapidement leur appareil productif, afin qu’elles demeurent compétitives sur les marchés internationaux.
Bien entendu, l’industrie ne saurait constituer l’alpha et l’oméga de notre politique économique. D’autres acteurs contribuent aussi au dynamisme économique dans nos territoires. Je pense notamment à l’artisanat et au commerce de proximité. À ce titre, je soutiens la proposition de la commission des affaires économiques de créditer 30 millions d’euros pour le Fisac.
À mon sens, la diminution des financements des chambres de commerce et d’industrie risque d’avoir des conséquences négatives sur l’économie de proximité. Le groupe Les Indépendants veillera ainsi à ce que la réorganisation du réseau ne s’effectue pas au détriment des entreprises de proximité, conformément aux ambitions affichées par le Gouvernement.
Mes chers collègues, je crois que notre commission a largement contribué à l’amélioration de l’utilisation des crédits prévus par cette mission. Dorénavant, nos efforts devront nous conduire à réduire les impôts de production, qui grèvent la compétitivité des entreprises implantées sur notre territoire, mais permettent d’importantes recettes pour les collectivités, déjà fort sollicitées. C’est donc dans le cadre d’une réforme plus large de la fiscalité locale qu’il faudra s’y attaquer en intégrant l’autonomie fiscale de nos collectivités.
Le défi est donc essentiel pour améliorer la compétitivité de notre pays tout en soutenant l’activité dans nos territoires. Nous vous encourageons dans cette action.
Applaudissements sur les travées du groupe RDSE et sur des travées du groupe UC.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, il est difficile de dégager une vision globale sur cette mission « Économie », qui – cela a été souligné – est constituée d’une sédimentation de programmes dont la lisibilité et la cohérence pourraient être largement améliorées.
Si une hausse apparente des crédits d’environ 6 % nous est présentée aujourd’hui, elle est principalement liée à la compensation carbone pour les entreprises électro-intensives. C’est ainsi une augmentation de budget en trompe-l’œil qui est proposée.
La logique de baisse des dépenses publiques et de désengagement est aussi à l’œuvre ici. L’on peut s’en inquiéter, tant notre pays aurait besoin de soutenir son économie, notamment pour revitaliser les territoires ruraux, mais aussi pour accompagner la nécessaire transition écologique des entreprises.
Ainsi, les dispositifs à destination des petites et moyennes entreprises, du commerce et de l’artisanat, qui devraient représenter le cœur de cette mission, sont en diminution depuis plusieurs années.
Je déplore donc, comme nombre de mes collègues, la diminution des crédits du Fisac, placé en gestion extinctive depuis cette année.
Le Gouvernement justifie cette disparition en mettant en avant le programme Action cœur de ville. Si celui-ci est intéressant, il ne concerne que 222 villes et n’a donc pas la même cible que le Fisac, lequel s’adresse avant tout aux petites communes. Ayant été maire d’une commune semi-rurale touchée par des difficultés de maintien des petits commerces, je suis très attaché à ce dispositif de soutien à l’économie de proximité, qui a depuis longtemps fait ses preuves dans nos territoires.
À cet égard, je soutiens les amendements proposés par les commissions des finances, des affaires économiques et des lois visant à abonder ce fonds. Je proposerai même par amendement d’aller au-delà, en portant les crédits à 36 millions d’euros, en cohérence avec la proposition de loi de mon groupe visant à lutter contre la désertification bancaire dans les territoires ruraux, que le Sénat a votée en 2018.
Toujours sur la question de la mise à mal des dispositifs de soutien à l’économie de proximité, notamment en zone rurale, je regrette la baisse des financements des chambres de commerce et de l’industrie. Entre 2012 et 2018, elles ont perdu 28 % de leurs emplois alors que leur rôle est important sur les territoires, notamment pour l’accompagnement de proximité.
De même, les menaces qui pèsent sur le dispositif de garantie de Bpifrance sont inquiétantes, puisque celui-ci est destiné à près de 90 % à des TPE et PME, qui ont, rappelons-le, des difficultés à accéder au crédit bancaire.
De plus, comme le précise le rapport, Bpifrance étudie la possibilité de mettre en place un prêt sans garantie qui financerait les investissements des PME et ETI afin de réduire leur empreinte énergétique, dispositif qui ne pourrait pas voir le jour sans sécurisation de l’activité de garantie. Je soutiendrai donc les amendements de la commission visant à abonder ce dispositif.
Je souhaite également aborder les moyens de la DGCCRF.
Certes, ses effectifs sont conservés pour 2020. On pourrait déjà s’en satisfaire, puisque la tendance est plutôt à la baisse dans les administrations. Mais, malgré tout, son budget est passé d’environ 242 millions d’euros à 226 millions d’euros depuis 2018. Cela constitue une baisse significative et amène à s’interroger sur sa capacité à effectuer les contrôles nécessaires, à l’heure où interviennent des scandales sanitaires qui inquiètent à juste titre nos concitoyens. Pour prendre l’exemple du secteur agricole, la signature du CETA, souhaitée par le Gouvernement, devrait l’amener à renforcer les moyens de contrôle, au lieu de simplement stabiliser les effectifs. Si l’on peut encore espérer que la France ne ratifiera pas ce traité, il convient de manière générale de protéger les agriculteurs des concurrences déloyales qu’ils subissent via l’importation de produits ne respectant pas les normes européennes.
Le plan France Très haut débit est marqué par une hausse des décaissements.
Il est ici important de soutenir une couverture du territoire en réseau numérique, notamment pour les territoires ruraux, qui peuvent souffrir d’un défaut d’attractivité faute d’accès à des réseaux satisfaisants.
La grande majorité du groupe RDSE votera en faveur de l’adoption des crédits de la mission. L’autre partie se déterminera en fonction du sort qui sera réservé à nos amendements.
Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je souhaite tout d’abord remercier et féliciter l’ensemble des rapporteurs, qui nous permettent de mieux appréhender les différentes politiques publiques développées dans la mission « Économie » du projet de loi de finances pour 2020.
Celle-ci, que nous examinons aujourd’hui, nous laisse un sentiment très mitigé sur la politique conduite par le Gouvernement. Elle illustre finalement et malheureusement très bien les risques du « en même temps ». Elle fait en effet passer nos avis de favorables à défavorables selon l’angle d’observation.
On passe du positif quand on regarde l’augmentation de près de 20 % des crédits de la mission par rapport à 2019, au négatif quand on constate l’absence de véritable stratégie industrielle. On passe de l’enthousiasme quand on se félicite des engagements sur le plan France Très haut débit, à la déception quand on réalise que c’est au détriment du Fisac, dont l’extinction est proche.
Or une politique économique et industrielle ne peut se mener que si elle a deux orientations majeures : d’une part, une vision stratégique nationale et européenne qui fixe un cap ; d’autre part, une ambition et des outils performants qui irriguent le territoire. C’est l’absence d’articulation entre ces deux axes qui nous semble constituer un manque.
Comme la plupart des pays développés, la France a été confrontée à la désindustrialisation de son économie, la part de l’industrie dans le produit intérieur brut étant passée de 24 % en 1980 à 12, 6 % en 2016. Ainsi, 25 % des emplois industriels ont disparu depuis l’an 2000.
Une telle situation peut être corrigée à condition que l’État se donne les moyens d’accompagner efficacement son industrie et les territoires, et qu’il se comporte en véritable stratège.
Malheureusement, nous observons aujourd’hui un comportement relevant plus de l’État pompier que de l’État stratège. C’est ce que constate et dénonce notamment notre collègue Valérie Létard dans son rapport d’information sur les enjeux de la filière sidérurgique dans la France du XXIe siècle.
Qui pilote la stratégie au sein du Gouvernement ? Y a-t-il un ministre qui ne soit pas juste le sauveteur des plans de licenciements ? Il y a nécessité et urgence de tracer un plan stratégique pour créer de l’emploi, pour retrouver une place majeure dans l’industrie mondiale, pour s’adapter à l’économie du numérique et climatique et pour inciter à la recherche dans ces domaines.
Tout cela suppose un pilotage et une transversalité dans les missions ; ce n’est pas ce que j’observe actuellement. Une telle démarche permettrait de tracer des perspectives et de créer un environnement favorable. Cela passe par le renforcement des aides pour la création d’entreprises et l’innovation, ainsi que par le développement de la recherche.
Il faut ensuite diffuser et irriguer notre territoire avec les bons outils et les bonnes infrastructures. Je souhaite aborder, d’une part, le numérique et, d’autre part, l’artisanat et le commerce local.
Nous ne pouvons que saluer les objectifs du plan France Très haut débit : atteindre 100 % de locaux couverts en très haut débit d’ici à 2022 et garantir que les financements seront au rendez-vous. C’est un peu l’arbre qui cache la forêt. Mais c’est un bel arbre, qui mérite de grandir.
Ainsi que Mme la rapporteure pour avis Anne-Catherine Loisier le rappelait, si les grandes villes sont couvertes en fibre optique à 85 %, les villes moyennes ne le sont qu’à 53 % et les zones rurales à 15 % !
Saluons la décision du Gouvernement de rouvrir le guichet numérique à la fin du mois d’octobre 2019. C’était attendu par les entreprises, par les collectivités locales, qui ont pris toute leur part dans le déploiement des infrastructures, en particulier en milieu rural, et, bien évidemment, par les habitants.
Je soutiens les propositions de Mme la rapporteure pour avis Anne-Catherine Loisier, qui souhaite rendre possible l’équipement des vingt-sept départements et de toutes les zones rurales en attente, afin de « booster » notre économie.
Pour finir sur les aspects locaux, comment ne pas évoquer la fin totale du Fisac en 2020 ? Le Sénat était unanime sur le sujet, mais le Gouvernement ne nous a pas entendus.
Or nous pouvons tous ici témoigner de l’utilité et de l’intérêt de ce fonds pour maintenir l’artisanat et le commerce, en particulier dans les zones rurales. Le mécanisme a permis de sauver de l’activité économique de proximité, de conserver une vie et une attractivité dans les communes rurales et dans les centres-bourgs de centaines de petites communes qui ne sont pas incluses dans les opérations de revitalisation de territoire (ORT) du programme Action cœur de ville.
Comment pouvons-nous nous priver d’un tel outil ? Comment compenser les près de 70 millions d’euros perdus en dix ans ? Le programme Action cœur de ville ne répond pas à la demande. Il est trop ciblé et insuffisamment rural.
Mes chers collègues, soutenez avec nous les propositions de la commission des affaires économiques !
Malgré les aspects négatifs que je viens de souligner, le groupe UC soutiendra les positions et les amendements des rapporteurs et votera en faveur de l’adoption des crédits de cette mission.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, en cette journée d’hommage national, je voudrais d’abord évoquer la mémoire des treize militaires morts au Mali, dont quatre soldats du quatrième régiment de chasseurs à Gap.
Permettez-moi à présent de saluer le travail des différents rapporteurs des crédits de la mission « Économie » du projet de loi de finances pour 2020. Il s’agit d’un sujet auquel je suis très sensible en tant que membre de la commission des affaires économiques et de la délégation sénatoriale aux entreprises.
Mais c’est surtout la représentante d’un territoire rural et de montagne qui s’exprime devant vous aujourd’hui, car l’économie des territoires est abandonnée par l’État.
Bien entendu, sur le papier, l’économie relève désormais de la compétence des régions. Mais, dans nos communes, dans nos vallées et dans nos campagnes, l’artisanat et les petits commerces sont à la peine, car les régions aident prioritairement des secteurs d’activité stratégiques.
Qui d’autre que l’État peut être garant d’une équité territoriale ?
Selon que vous habitez dans telle ou telle commune, selon que vous êtes en Auvergne-Rhône-Alpes ou en région Sud Provence-Alpes-Côte d’Azur, vous n’aurez pas les mêmes aides et vous ne bénéficierez pas du même dispositif d’accompagnement.
C’est pourquoi il est important que l’État ne se désengage pas de l’économie des territoires au profit des seules régions. Je pourrais aussi évoquer les collectivités « XXL », qui sont plus préoccupées par les métropoles et par les grandes agglomérations et qui doivent être plus attractives pour les investisseurs et plus compétitives pour rivaliser, notamment, avec leurs voisines européennes.
Je ne peux me résoudre à la diminution des crédits du Fisac, que j’avais déjà dénoncée l’an dernier. Le programme Action cœur de ville ne saurait remplacer à lui seul ce fonds d’intervention, qui a permis de sauver de nombreux commerces de proximité et de maintenir un semblant de vie économique dans nos campagnes.
En effet, le programme Action cœur de ville ne concerne que 222 villes et ne cible pas les mêmes opérations. Il concerne des villes, certes « petites » – ce sont d’ailleurs souvent des sous-préfectures –, mais qui ne sont pas confrontées avec la même intensité aux problématiques de désertification commerciale que les petites communes rurales. Ces dernières cumulent les handicaps.
Je voudrais également dénoncer la baisse significative des crédits alloués aux métiers d’art. Alors que nous devons reconstruire Notre-Dame de Paris et qu’une souscription nationale a été lancée, la dotation budgétaire de l’Institut national des métiers d’art (INMA) et de l’Institut supérieur des métiers (ISM) est nulle en 2020. Cette incohérence entre les annonces et les actes doit être soulignée et corrigée.
En effet, au-delà d’un patrimoine immatériel faisant partie de notre culture, les 281 métiers recensés actuellement doivent être encouragés et tout doit être mis en œuvre pour qu’ils puissent recruter de nouveaux talents. Alors que nous avons besoin des savoir-faire et de l’excellence française dans de nombreux domaines d’activité, il n’est pas envisageable de faire des économies au détriment des métiers d’art.
En tant que sénatrice d’un département de 140 000 habitants, je souhaite également évoquer les chambres de commerce et d’industrie, notamment pour tirer la sonnette d’alarme sur l’avenir des CCI hyper-rurales.
La loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi Pacte, a entraîné une transformation du modèle économique des CCI consistant désormais à déployer une démarche commerciale. Mais la baisse de financement ne pourra être que partiellement compensée par le développement de prestations tarifées.
En effet, les entreprises ayant besoin d’un accompagnement ne pouvant pas s’offrir des prestations trop onéreuses, les CCI ne pourront donc proposer que des tarifs peu élevés. Ceux-ci seront insuffisants pour compenser la baisse de taxe pour frais de chambre (TFC).
Dans ce contexte, alors que les TPE et PME sont redevables de la TFC, elles devront désormais payer pour des services qui étaient auparavant gratuits. Certaines entreprises se retrouveront même en concurrence avec les CCI sur des secteurs d’activité, alors qu’elles financent ces CCI par la TFC et que ces dernières pourront proposer des prix plus avantageux. Le réseau ne pourra donc plus remplir ses missions de service public de proximité complet et permanent, rôle essentiel pour le tissu économique local.
Si j’ajoute à tout cela la trop faible part de crédits alloués au plan France Très haut débit, je considère qu’en l’état ce budget ne répond pas aux attentes des entreprises, des artisans et des territoires ruraux.
M. Jean-Michel Houllegatte applaudit.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, cette mission a pour objectif de soutenir les dynamiques économiques du pays et, par voie de conséquence, les dynamiques économiques et sociales des territoires.
De manière globale, sur l’ensemble de la mission, on ne peut que déplorer la baisse du plafond d’emplois, 294 équivalents temps plein étant retirés. Cette baisse de ressources humaines s’inscrit finalement dans la continuité de la politique du Gouvernement, qui vise à réduire le service public.
Il faut s’attacher à regarder les conséquences de ces choix politiques sur l’économie de nos territoires, notamment sur celle de la ruralité. Pour cela, il nous paraît primordial d’étudier les choix faits sur le Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce (Fisac), sur les chambres de commerce et d’industrie et sur le plan France Très haut débit.
Le Programme 134, « Développement des entreprises et régulations », cristallise sensiblement les conséquences des choix budgétaires du Gouvernement en zone rurale. S’il bénéficie d’une hausse de 15 % de son enveloppe, aucun crédit supplémentaire n’est prévu pour la ruralité, ce qui se traduit très concrètement par la disparition du Fisac.
Après avoir subi plusieurs années de baisse de son budget, le Fisac se retrouve désormais fondu dans l’Agence nationale de la cohésion des territoires. Si cette réforme répond à un besoin des collectivités, elle ne leur apporte aucune plus-value financière. En effet, cette nouvelle agence correspond uniquement à une mise en commun de moyens, et non à une politique de redynamisation ambitieuse qui permettrait de valoriser nos territoires, ainsi que les femmes et les hommes qui y travaillent et y vivent.
Finalement, le Gouvernement choisit d’abandonner un dispositif qui fonctionnait bien, démontrant qu’il délaisse nos régions, nos artisans et nos commerçants.
Il en est de même pour les chambres de commerce et d’industrie.
En effet, la mise en place de la loi Pacte, qui devait, selon le ministre de l’économie, « transformer profondément les chambres de commerce et d’industrie », a surtout entraîné une chute de leurs ressources fiscales. En fragilisant les CCI, ces piliers solides sur lesquels nos régions pouvaient s’appuyer, on fragilise l’ensemble du tissu économique. L’État choisit de se retirer inexorablement des politiques économiques de proximité et de laisser peser les dépenses sur les autres collectivités. Pourtant, nos chambres les plus vulnérables se situent en zone rurale.
Ces choix budgétaires sont étonnants, car les CCI assurent un rôle important de formation, de diffusion de l’information et de prévention auprès des TPE et PME. Ce sont des institutions vers lesquelles les entrepreneurs, les commerçants et les artisans peuvent se tourner pour être accompagnés et conseillés efficacement dans leurs démarches.
Or, si, par sa compétence en matière d’économie, la région a un rôle à jouer, les chambres de commerce et d’industrie accomplissent un travail complémentaire de proximité et de soutien des dynamiques économiques, sociales et environnementales des territoires. Leur rôle est d’autant plus important dans les zones rurales. Elles connaissent bien ces hommes et ces femmes qui œuvrent à animer la vie de nos départements ruraux. Ce sont aussi elles qui tissent et entretiennent le maillage territorial, donc animent la vie économique et sociale des départements.
Le groupe socialiste et républicain regrette que l’amendement visant à garantir un plancher de financement, qui aurait pu assurer le maintien des CCI fragilisées, n’ait pas été intégré dans le projet de loi de finances pour 2020.
Madame la secrétaire d’État, au moment de la loi Pacte, vous aviez évoqué une aide pour les structures fragiles, ainsi qu’une nouvelle péréquation en faveur des CCI rurales. Aujourd’hui, une fois de plus, en présentant ce budget, vous ne tenez pas vos promesses. À travers les CCI, c’est l’ensemble du tissu économique des territoires que vous mettez en péril, des territoires qui subissent une dévitalisation et un éloignement accentués par la fracture numérique.
Cela nous amène à notre dernier point : le plan France Très haut débit. On pourrait penser que, avec la hausse des crédits de paiement, le budget alloué à ce plan serait en forte hausse. Malheureusement, cette augmentation ne résulte que des mouvements comptables des années précédentes.
L’investissement dans les réseaux d’initiative publique (RIP) avait été évalué à environ 14 milliards d’euros. L’État s’était engagé à hauteur de 3, 3 milliards d’euros d’ici à 2022, soit la moitié du financement public.
Nous souhaitons vous rappeler l’importance de l’accès au numérique pour les TPE et les PME des territoires ruraux. Ces entreprises ont besoin de ne pas être tenues à l’écart des outils numériques. Il en va de leur efficacité et de leur compétitivité comme de leur développement.
Or, si les opérateurs téléphoniques et l’État préparent actuellement l’arrivée de la 5G, près de 15 % du territoire national n’a toujours pas accès au très haut débit.
Même si nous nous félicitons de leur mise en œuvre, les crédits de paiement alloués à cette mission ne sont pas suffisants pour permettre aux 2 600 communes en zones blanches ou grises d’avoir accès au très haut débit d’ici à 2022. Cette enveloppe ne fera progresser que de 2 % le taux de couverture très haut débit, le faisant passer de 83 % en 2019 à 85 % en 2020. Ce budget n’est donc pas du tout à la hauteur des objectifs annoncés par le Gouvernement d’ici à la fin du quinquennat.
De plus, nous vous rappelons que si le développement de la 5G doit être soutenu, il ne doit pas se faire au détriment de l’arrivée de la 4G dans les territoires ruraux. Le numérique doit être accessible à tous.
Pour conclure, le budget global de cette mission ne répond pas aux réels besoins de développement économique de tous nos territoires. Nous le regrettons, car il risque d’accentuer les inégalités entre ruraux et urbains, tout en délaissant des dispositifs et des institutions qui ont pourtant fait la preuve de leur efficacité.
Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Anne-Catherine Loisier applaudit également.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, ce ne sera pas une surprise, mon propos se concentrera sur les finances concernant le numérique, notamment le très haut débit.
En 2004, notre ancien collègue, Philippe Leroy, disparu cet été, s’était battu avec force pour que les collectivités aient le droit d’intervenir pour aménager numériquement leur territoire.
L’article L. 1425-1 du code général des collectivités territoriales, texte fondateur de l’aménagement numérique du territoire, avait été acquis de haute lutte. Par la suite, et jusqu’à fin 2017, non seulement l’intervention publique s’est retrouvée de moins en moins contestée, mais surtout son opportunité et sa nécessité absolue n’ont jamais été démenties, comme en témoigne le fort soutien de l’État au travers du plan France Très haut débit en 2013.
Aujourd’hui, les réseaux d’initiative publique déploient massivement des prises pourtant trois fois plus longues et complexes à construire que celles de la zone d’initiative privée. Il faut les mêmes ressources humaines, techniques et financières pour déployer une prise en zone publique que trois prises en zone privée. Aujourd’hui, trois départements ont leur zone d’initiative publique complétée ou quasi complétée. En revanche, dans ces mêmes territoires, dont le département de l’Oise, cher à notre ami Jérôme Bascher, les zones privées sont vraiment très loin d’être achevées.
M. Jérôme Bascher acquiesce.
C’est pourtant dans ce contexte que le Gouvernement a décidé, à la fin de l’année 2017, de fermer en catimini le plan France Très haut débit. Au mois d’octobre dernier, sous la pression des territoires et des associations d’élus, au premier rang desquelles l’Association des villes et collectivités pour les communications électroniques et l’audiovisuel (Avicca) et l’Assemblée des départements de France (ADF), le Gouvernement a finalement accepté de le rouvrir. Cette bonne nouvelle aurait être excellente si nous n’avions pas reçu une double douche froide.
Première douche froide, cette réouverture souffre d’un manque criant de nouvelles autorisations de programmes. Comment soutenir que les 140 millions d’euros disponibles pour le guichet 2.0 suffiront, alors qu’il reste un peu plus de 3 millions de foyers à fibrer sur 27 départements, ce qui nécessite environ 600 millions d’euros d’accompagnement de l’État ?
Selon notre estimation, l’ensemble des dossiers prêts à être déposés dès réouverture du guichet représentent près de 462 millions d’euros de demande de Fonds national pour la société numérique (FSN).
Le seul dossier breton nécessite pour ses quatre départements 200 millions d’euros. La régie Auvergne numérique escompte, pour ses quatre départements, un peu plus de 100 millions d’euros. En outre, il reste une douzaine d’autres départements prêts à déposer une demande de FSN…
Pas besoin d’avoir fait l’ENA ou Polytechnique pour comprendre que le compte n’y est pas et que les parlementaires doivent achever le travail dans le cadre de ce projet de loi de finances.
Je me félicite d’ailleurs des nombreuses initiatives transpartisanes, comme des interventions à cette tribune, mais je regrette vivement que d’autres aient manqué de cohérence et voté les amendements déposés à l’Assemblée nationale visant à doter le guichet, non de nouveaux crédits de paiement, mais simplement de nouvelles autorisations de programme. Je rappelle que la proposition de résolution relative à la couverture numérique du territoire de la députée du Jura Marie-Christine Dalloz a été votée à l’unanimité à l’Assemblée nationale le 18 juin dernier.
Seconde douche froide, c’est le changement ou plutôt le bouleversement des conditions d’aide de l’État. Pour valider son propos selon lequel le budget actuel du plan France Très haut débit suffira pour atteindre les 100 % FTTH (Fiber To The Home), le Gouvernement prévoirait d’aider les derniers territoires de manière particulièrement minimaliste, alors même que les 75 premiers départements à être partis sur le 100 % FTTH ont été massivement aidés par l’État, celui-ci étant même parfois le premier cofinanceur des RIP.
Le comble, c’est que le reste à faire est bien plus coûteux que ce qui a déjà été réalisé. Pour illustrer mon propos, à régime d’aide inchangé, la régie Auvergne numérique ne pourrait pas financer le 100 % FTTH et devrait se limiter. C’est donc l’inverse que l’État aurait dû faire !
Pour achever cet assaut d’iniquités entre les départements français, il est question pour l’État d’accompagner uniquement le déploiement jusqu’à 92 % des logements, avec le mythe tenace chez certains décideurs hors sol qu’il ne faut pas financer le fibrage des gîtes de haute montagne. Comme si nous avions en France 8 % de gîtes de haute montagne… Les Bretons apprécieront !
Avec ce principe, nous allons créer une fracture numérique entre les départements qui seront à 100 % et ceux qui atteindront péniblement 40 %.
Le plan France Très haut débit est une réussite exceptionnelle. Ne laissons pas quelques acteurs hors sol, déconnectés des réalités de nos territoires et des attentes de nos concitoyens, décider seuls de ce qui est bon pour eux.
Votons les crédits nécessaires pour assurer une égalité des Français devant l’accès à internet, et une égalité des territoires dans l’accompagnement de la puissance publique.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, ce budget 2020 est un budget de mi-mandat, un moment où l’on peut juger des premiers effets d’une politique. Les résultats de notre politique sont perceptibles.
Dans un contexte international tendu, marqué par la guerre commerciale entre la Chine et les États-Unis et par les incertitudes politiques en Europe, la contribution du commerce extérieur à la croissance du pays est redevenue positive et la France est désormais un territoire très attractif au sein de la zone euro pour les investissements étrangers. Je rappelle que nous sommes en première position pour l’attraction des investissements industriels, grâce à une politique d’attractivité, et pour les investissements en R&D.
Exclamations ironiques sur les travées du groupe CRCE.
La croissance est solide : 1, 4 % en 2019 et 1, 3 % prévu pour l’année prochaine. Les résultats de l’Insee montrent que nous sommes toujours dans cette trajectoire, trimestre après trimestre. L’investissement des entreprises est reparti à la hausse, en progression de 7 milliards d’euros en deux ans, un montant trois fois supérieur à la progression annuelle moyenne des investissements entre 2012 et 2016.
Le niveau de chômage, qui a fortement baissé – j’insiste sur le terme « fortement » –, est au plus bas depuis dix ans. Nous avons créé, depuis deux ans, plus de 500 000 emplois.
Exclamations sur les travées du groupe CRCE.
Au contraire, et je réponds à M. Fabien Gay, ces 500 000 emplois sont beaucoup plus des emplois à durée indéterminée et des emplois durables que dans le passé. Nous avons recréé des emplois industriels, ce qui n’était pas arrivé depuis 2000. Ce sont des faits, bien loin de certaines caricatures. Qui plus est, il est important de rappeler que la réforme de l’allocation chômage prévoit justement un système de bonus-malus visant à réduire le nombre de contrats courts, car c’est bien une réalité inadmissible.
Avec ce budget 2020, nous poursuivons cette politique. Notre premier objectif est bien de soutenir les entreprises françaises, notamment les entreprises industrielles, en améliorant leur compétitivité.
Je rappelle que les impôts baisseront de 1 milliard d’euros en 2020 pour nos entreprises et de 13 milliards d’euros sur l’ensemble du quinquennat. La trajectoire de baisse de l’impôt sur les sociétés, initiée par la loi de finances pour 2018, est poursuivie en 2020, avec pour cible, conformément à l’engagement du Gouvernement, un taux normal de cet impôt abaissé à 25 % pour l’ensemble des entreprises pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2022, soit la moyenne européenne.
Comme vous le savez, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) a été transformé en allégement définitif pour les entreprises. Il me semble donc inutile de revenir sur ce crédit d’impôt que nous avons supprimé, pour le remplacer par des baisses de charges immédiatement liées à l’emploi. Le système est automatique : lorsque vous avez des emplois, vous bénéficiez de la baisse de charges ; lorsque vous n’avez pas d’emplois, vous n’en bénéficiez pas.
Dans le prolongement de ces réformes, nous souhaitons, d’ici au projet de loi de finances pour 2021, travailler sur l’allégement des impôts de production. Ceux-ci représentent 70 milliards d’euros. Ils sont trois fois plus élevés en montant que ceux de l’Allemagne, sept fois plus en pourcentage du PIB. Il s’agit, pour nos entreprises, de rétablir des conditions de concurrence loyale, en luttant contre une pression fiscale qui les pénalise depuis des années.
Nous avons cité la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S), un impôt exclusivement étatique, mais d’autres possibilités existent. J’entends des régions et des collectivités locales qui veulent participer à la trajectoire de baisse des impôts de production ; nous serons évidemment à l’écoute de ces demandes.
Outre ces allégements d’impôts, nous continuons d’assurer un soutien des entreprises et des financements. Madame Espagnac et monsieur Bourquin, vous avez relevé l’effort croissant que nous consacrons à la « compensation carbone ». Ce dispositif, qui permet de compenser le coût des quotas carbone pour les industriels électro-intensifs, vise à accompagner l’adaptation des équipements des entreprises et à protéger les entreprises industrielles concernées de la concurrence des entreprises implantées dans des pays n’ayant pas instauré de taxation carbone de la production d’électricité.
Le financement de la compensation carbone augmente en 2020, en raison de l’augmentation du prix de la tonne de carbone. L’activité de ces entreprises étant délocalisable, il est important que nous consacrions à cette compensation un effort significatif, tout en accompagnant ces industriels dans une meilleure maîtrise de leur utilisation de l’énergie.
Je veux aussi rassurer beaucoup d’entre vous sur la question de l’activité garantie de Bpifrance. C’est un dispositif extrêmement utile et efficace, particulièrement ciblé sur les PME. Bpifrance Financement disposera pour 2020 des ressources financières pour répondre à la demande de garanties sur prêts, même en cas de hausse de cette activité – je suis très claire sur ce point. Les ressources qui peuvent être affectées aux fonds de garantie sont en effet multiples – réaffectation de dividendes, utilisation de reliquats de dotations allouées à certains fonds les années précédentes, produits financiers du fonds de réserve des garanties – et ne nécessitent pas de dotation budgétaire de l’État en 2020.
M. Jérôme Bascher acquiesce.
Votre assemblée, me semble-t-il, ne sera pas contre le fait que nous ayons une gestion pertinente et dynamique des ressources.
Enfin, la taille des fonds de garantie au bilan de Bpifrance Financement montre qu’il n’y a aucun désinvestissement de la part de l’État dans le pilotage de ces fonds. Les octrois de garantie devraient d’ailleurs légèrement augmenter en 2019 par rapport à 2018, sans que la solvabilité de Bpifrance Financement en soit réellement affectée.
De manière générale, sur la politique industrielle, 31 % des concours de Bpifrance sont consacrés aux entreprises industrielles, alors qu’elles ne représentent qu’à peine plus de 10 % de notre économie.
Je rappelle également qu’il y a une politique industrielle dans ce pays.
Elle est fondée sur dix-huit contrats stratégiques de filières, sur un Conseil national de l’industrie, présidé par le Premier ministre, mais aussi sur un dispositif « Territoires d’industrie », vers lequel sont fléchés 1, 3 milliard d’euros de crédits.
Ces dispositifs sont lisibles. Nous accompagnons en particulier la transformation des PME avec le suramortissement, les accélérateurs de Bpifrance et les diagnostics numériques.
Nous soutenons, enfin, la compétitivité des entreprises à l’export. C’est la vocation de la réforme du service public de l’export mise en œuvre par Business France, qui regroupe au sein de la Team France export l’ensemble des acteurs publics et privés pour offrir aux entreprises un accompagnement plus efficient, en phase avec leurs besoins. Le démarrage de ce projet est très satisfaisant.
Le soutien que nous assurons aux entreprises est plus particulièrement orienté vers l’innovation, la politique du Gouvernement en la matière s’inscrivant dans un cadre rénové.
Des mesures de simplification et de rationalisation ont déjà été prises depuis plusieurs années, instituant Bpifrance comme guichet unique pour la grande majorité des dispositifs de soutien à l’innovation. En outre, le Fonds pour l’innovation et l’industrie est désormais pleinement opérationnel.
Par ailleurs, 2020 sera une année charnière pour le plan France Très haut débit. §Je tiens à rappeler que c’est ce gouvernement qui a accéléré le très haut débit en doublant le rythme de déploiement. En deux ans, nous avons déployé 5 millions de prises, là où, en quatre ans et demi, 5 millions de prises équivalentes avaient été déployées. Soyons capables de saluer cet effort majeur du Gouvernement, qui a permis de rattraper une partie de notre retard. En 2020, nous livrerons l’objectif de couverture en bon débit, soit 8 mégabits par seconde, et 30 mégabits en 2022.
Oui, mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons les crédits pour le faire. Je le redis, ce n’est pas sous la pression que nous avons rouvert le guichet, mais pour tirer les enseignements du résultat des appels à manifestation d’engagements locaux (AMEL), intervenu mi-juin 2019.
Nous poursuivons notre action, avec une enveloppe adaptée aux besoins. Celle-ci continuera à être nourrie par une bonne gestion des crédits et par la récupération de près de 400 millions d’euros issus des enveloppes AMEL, ce qui devrait faciliter la réalisation de notre objectif.
Madame Loisier, je peux vous rassurer : les textes relatifs à la 5G sont publiés et celui sur la loi de sécurité du 1er août 2019 est passé en Conseil d’État le 19 novembre dernier.
La situation de Kosc a fait l’objet d’une question orale posée au Sénat. Je vous renvoie à la réponse qui lui a été apportée.
Madame Artigalas, je tiens également à vous rassurer : non seulement les objectifs 5G prévoient un déploiement dans les territoires ruraux, mais ils prennent aussi en compte le New Deal mobile et la 4G. Ils sont donc articulés de manière réaliste, avec une montée en puissance du New Deal 4G jusqu’en 2022, puis un relais pris par la 5G, dont le déploiement s’accélérera à partir de 2023.
Nous sommes, en termes d’exigence de couverture territoriale, le plus avancé des grands pays d’Europe, si l’on compare avec le Royaume-Uni, l’Allemagne, l’Espagne et l’Italie.
Notre action, qui montre son efficacité, se poursuit dans chaque territoire. Nous faisons évoluer nos modalités d’action dans les territoires, ce qui a conduit, depuis 2017, à prévoir une extinction progressive de dispositifs traditionnels comme le Fisac. Toutefois, ces dispositifs sont remplacés. Le Gouvernement a fait le choix, qu’il assume, de renouveler complètement sa façon d’opérer, à travers la mise en place de l’Agence nationale de la cohésion des territoires.
Il est naturel de répondre à vos interpellations sur le sujet, mais aussi de vous rappeler notre détermination sur ce projet. L’Agence commencera à opérer au 1er janvier 2020. Elle portera notamment le programme Petites villes de demain, qui complète le programme Action cœur de ville, une initiative qui s’adresse aux villes de moins de 20 000 habitants.
Dans le cadre de cette évolution, l’État honorera tous les engagements qu’il a pris sur le Fisac. Les appels à projets publiés seront financés. Par ailleurs, je vous rappelle le lancement d’une stratégie nationale pour l’artisanat et le commerce de proximité, destinée spécifiquement aux TPE et PME.
Je rappelle que la baisse du budget des CCI correspond aussi à une diminution des prélèvements obligatoires des entreprises. Cela va donc directement dans la poche des entreprises.
Enfin, je confirme notre attachement aux métiers d’art. Il n’y a pas de baisse des crédits destinés aux métiers d’art en 2020 : c’est un redéploiement entre le ministère de l’économie et celui de la culture.
M. Julien Bargeton applaudit.
Mes chers collègues, en raison de la cérémonie de cet après-midi, le temps est assez contraint.
Il est impératif que nous achevions l’examen des crédits de la mission « Économie » au plus tard à midi, afin de pouvoir examiner la mission « Remboursements et dégrèvements » ce matin. À défaut, nous serions obligés de reporter à vendredi la discussion de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines ».
Je vous invite donc à faire preuve de concision, en particulier lors de la présentation des amendements identiques.
Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Économie », figurant à l’état B.
En euros
Mission
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Économie
Développement des entreprises et régulations
Dont titre 2
383 519 470
383 519 470
Plan “France Très haut débit”
Statistiques et études économiques
Dont titre 2
368 854 451
368 854 451
Stratégie économique et fiscale
Dont titre 2
147 754 575
147 754 575
E n euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Développement des entreprises et régulation
dont titre 2
Plan France Très haut débit
Statistiques et études économiques
dont titre 2
Stratégie économique et fiscale
dont titre 2
TOTAL
SOLDE
La parole est à Mme la rapporteure pour avis, pour présenter l’amendement n° II-401.
Madame la secrétaire d’État, l’an dernier, lors de l’examen du budget, vous déclariez : « Le Gouvernement prend l’engagement d’inscrire dans le budget 2020 les crédits nécessaires. » Or ce budget ne comporte que 3, 3 millions d’euros d’autorisations d’engagement, qui ont vocation à financer les frais de gestion.
Nous nous réjouissons que vous ayez dégagé 140 millions d’euros d’économies grâce à des conditions de marché favorables, mais, si l’on veut respecter le nouvel objectif de généralisation de la fibre jusqu’à l’abonné d’ici à 2025, il est impératif d’ouvrir dès 2020 de nouvelles autorisations d’engagement à hauteur de 322 millions d’euros.
Sans cela, même avec un nouveau cahier des charges plus restrictif et des marchés resserrés, toutes les collectivités ne pourront pas lancer leurs projets et être au rendez-vous de 2025.
Je rappelle qu’il s’agit là d’investir dans des réseaux innovants destinés à favoriser et à dynamiser la croissance et les emplois sur l’ensemble de nos territoires, y compris pour les entreprises qui mettront en œuvre ses travaux. Cela se traduira également par de nouvelles recettes pour l’État.
La parole est à M. Patrick Chaize, pour présenter l’amendement n° II-653.
Il est vrai que ce gouvernement a fait beaucoup pour le plan France Très haut débit. Je le reconnais sans difficulté. En revanche, ce que je ne comprends pas, madame la secrétaire d’État, c’est pourquoi vous ne voulez pas finir le travail.
Ces amendements visent à prévoir des autorisations d’engagement, non des crédits de paiement. J’insiste sur ce point : sans ces AE, on ne peut pas valider les dossiers qui ont été déposés et on bloque tout le système. Parce que nous nous plaçons dans un temps long, nous avons besoin de ces AE pour avancer et permettre à l’ensemble des collectivités de bénéficier du très haut débit.
Notre proposition est faite pour vous aider, madame la secrétaire d’État. Ne refusez pas cette main tendue, qui permettra au plan France Très haut débit d’être une réussite pour tous.
Nous devons rappeler que Mme la secrétaire d’État a tenu son engagement sur les 140 millions d’euros promis l’an dernier.
Ces deux amendements identiques conduiraient malheureusement à siphonner l’ensemble des crédits des actions de la mission au profit du plan France Très haut débit.
Si nous partageons bien évidemment la préoccupation et l’inquiétude de nos collègues de voir, d’ici à 2025, l’ensemble des foyers raccordés à la fibre, l’objectif de raccordement ne doit pas l’emporter indifféremment sur les actions de la mission. Nous pourrions proposer de mener, le cas échéant, une action de contrôle en cours d’année.
Pour l’heure, la commission émet un avis défavorable sur ces amendements identiques.
Le Gouvernement émet également un avis défavorable.
Tout d’abord, nous avons tenu notre engagement de rouvrir le guichet, comme je l’avais indiqué ici même l’an dernier.
Ensuite, nous n’avons pas besoin, dès 2020, des autorisations d’engagement que vous mentionnez. En effet, compte tenu des délais entre autorisations d’engagement et crédits de paiement et du montant des autorisations d’engagement dont nous disposons aujourd’hui, les marges sont importantes. Nous tenons le rythme.
En matière de très haut débit, le blocage tient à la capacité à recruter des personnels qualifiés pour l’installation. Ne nous trompons pas de combat !
Excusez-moi, madame la secrétaire d’État, mais ce que vous dites est totalement faux.
Je suis membre du comité de concertation du plan France Très haut débit. Nous examinons tous les dossiers et nous les proposons à la signature d’un comité d’engagement, présidé par le Premier ministre.
Le dossier de la Bretagne nécessite à lui seul 200 millions d’euros d’autorisations d’engagement. Les 140 millions d’euros que vous avez budgétés ne suffisent donc pas pour ce seul dossier. Il faudra attendre que l’on trouve 60 millions d’euros supplémentaires pour avancer. En procédant ainsi, vous bloquez le système. C’est vraiment regrettable.
Je vous invite donc vraiment à voter cet amendement, mes chers collègues. Ce serait un signal fort pour les collectivités.
On ne va pas se livrer à un combat sémantique, madame la secrétaire d’État, mais vous vous étiez engagée à inscrire les crédits nécessaires, c’est-à-dire 140 millions d’euros plus 322 millions d’euros.
Vos propos nous démontrent que ces crédits sont « sous le pied ». Par conséquent, je ne vois pas en quoi leur inscription en autorisations d’engagement, et non en crédits de paiement, poserait problème. Ce serait un feu vert donné à ces territoires pour engager leurs projets d’infrastructures.
Je le redis, nous tenons nos engagements. Nous avons suffisamment d’argent pour le faire et je trouve un peu détestable de laisser penser que ce n’est pas exact. Nous disposons de plus de 1, 5 milliard d’euros en autorisations d’engagement et de suffisamment de crédits de paiement. C’est une question de sincérité budgétaire. Il faut être raisonnable !
Madame la secrétaire d’État, je pense que vous vous êtes fait berner – et je sais par qui – : ce que vous dites n’est pas exact. Comme Patrick Chaize, c’est un sujet que je connais bien.
Vous oubliez la manière dont fonctionne le système des autorisations d’engagement pour de tels projets. Vous faites vraiment une erreur, car le comité dont fait partie Patrick Chaize n’a effectivement plus la capacité d’engager de nouveaux projets – il n’y a tout simplement plus d’argent, car tout a été préengagé. Allez dire à M. Le Drian que le très haut débit n’est pas nécessaire en Bretagne, madame la secrétaire d’État ! Vous pouvez d’ores et déjà le dire à Dominique de Legge qui vous écoute attentivement et qui est consterné par cette situation.
Je le dis avec d’autant plus de détachement que mon département aura terminé ce processus à la fin de l’année. Je défends donc toute la France !
Je le redis, madame la secrétaire d’État, je pense que vous vous êtes laissé abuser et, si vous n’avez pas la capacité de changer de position aujourd’hui, je suis certain qu’il faudra bien que vous le fassiez prochainement !
J’aimerais à mon tour apporter mon témoignage pour montrer combien les crédits sont rares et insuffisants. En Guadeloupe, nous avons monté un dossier de 181 millions d’euros, dont seulement 19 millions étaient apportés par l’État. Nous avons dû réduire le projet à 151 millions et la participation de l’État est restée au même niveau. Nous avons donc constaté que les crédits étaient insuffisants, alors même qu’il faudrait accélérer les choses dans ce domaine. C’est pourquoi, à titre personnel, je voterai ces amendements identiques.
Je suis l’avis exprimé par Mme la secrétaire d’État. Le Gouvernement s’est engagé sur une enveloppe de 140 millions d’euros.
L’avis de la commission reste donc défavorable.
Je voterai également ces amendements. Les collectivités locales sont, à l’heure actuelle, dans les starting-blocks pour démarrer les projets. Il existe une différence entre autorisation d’engagement et crédit de paiement et nous savons bien que ce type de projets prend du temps.
L’année dernière, on nous a dit qu’il n’y avait pas suffisamment de fibres et que les projets allaient être retardés. En réalité, nous sommes plutôt en surcapacité, notamment grâce à un certain nombre d’entreprises françaises qui ont mis les bouchées doubles. Ces entreprises ont même du mal à écouler leurs produits, parce qu’elles sont confrontées de manière très forte à la concurrence étrangère.
Cette année, on nous dit qu’il y a un problème de formation, alors que, chacun le sait, les acteurs du secteur sont eux aussi dans les starting-blocks.
Ce sujet est essentiel pour notre économie et l’adoption de ces amendements constituerait un signal pour l’ensemble des porteurs de projets et des collectivités.
Je soutiens évidemment la position de la commission des affaires économiques.
Dans un certain nombre de territoires comme l’Orne, le conseil départemental a mis en place d’importants dispositifs financiers sur ce sujet. Sans même parler de très haut débit ou de fibre, certaines zones de mon territoire n’ont pas encore le haut débit ! Les problèmes sont donc bien présents, alors même qu’Orange a toute la fibre qu’il faut. Il faut reconnaître que des efforts ont été faits, mais le compte n’y est pas.
C’est pourquoi je voterai ces amendements identiques.
Bien évidemment, je voterai moi aussi ces amendements identiques.
Madame la secrétaire d’État, ce sujet est une nouvelle illustration du « en même temps »… Le Gouvernement affiche une priorité, les ministres font de jolis discours, mais, quand il faut passer aux actes, les états d’âme se font jour.
Personnellement, je n’ai pas d’état d’âme, parce que je peux témoigner, comme mes collègues, que les collectivités territoriales sont dans les starting-blocks, mais qu’elles hésitent à avancer en raison des incertitudes sur la position du Gouvernement. En votant ces amendements, nous envoyons un message très clair.
Je me permets d’insister : c’est un sujet très important qui est une priorité du Gouvernement.
Pour autant, seulement 37 % des Français y sont connectés. S’il y a bien un sujet sur lequel nous devons nous battre, c’est d’amener les Français à se connecter, et non de nous faire peur collectivement, en arguant du fait qu’il n’y aurait pas assez de crédits. Je redis avec force que ce n’est absolument pas le cas.
Par ailleurs, la question du recrutement est ancienne, j’en ai parlé ici même l’année dernière ; le problème touche notamment l’installation des pylônes et la pose des câbles.
Je me suis permis de revenir sur ce sujet, alors que le temps est compté, parce que je ne peux pas laisser dire des choses inexactes.
Ne vous énervez pas, madame la secrétaire d’État !
Nous sommes avec vous et nous reconnaissons le travail qui a été fait sur le déploiement du très haut débit et de la fibre. Nous ne sommes pas contre vous, mais nous vous disons simplement qu’aujourd’hui il n’y a plus assez d’argent pour que les collectivités territoriales engagent de nouveaux projets. Tout a été dépensé ! C’est d’ailleurs une bonne chose, qu’il faut mettre à votre crédit.
Si vous ne souhaitez pas augmenter le budget, je vous suggère une autre voie : modifiez les règles de la comptabilité publique pour que les collectivités puissent engager des projets sans que les crédits correspondants soient inscrits dans le budget de l’État.
Je le redis, nous ne sommes pas contre vous, madame la secrétaire d’État. Nul besoin de vous énerver !
MM. Jérôme Bascher et Patrick Chaize applaudissent.
Je le redis une dernière fois : aujourd’hui, il y a suffisamment de crédits en autorisations d’engagement. Le budget n’est pas saturé !
Les amendements sont adoptés.
Je suis saisi de trois amendements en discussion commune.
L’amendement n° II-552 rectifié bis n’est pas soutenu.
L’amendement n° II-399, présenté par MM. M. Bourquin et Babary, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
E n euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Développement des entreprises et régulation
dont titre 2
Plan France Très haut débit
Statistiques et études économiques
dont titre 2
Stratégie économique et fiscale
dont titre 2
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
Plus de 60 000 entreprises, dont 90 % sont des TPE, bénéficient chaque année de prêts garantis par Bpifrance pour un montant total d’environ 8, 7 milliards d’euros. Cette garantie comble une faille du marché et assure l’accès au crédit de toutes les entreprises, y compris celles qui sont les plus fragiles et les plus exposées à la concurrence.
Depuis deux ans, le Gouvernement entend assécher complètement le financement de l’activité de garantie de Bpifrance par dotation budgétaire, alors que l’établissement s’appuyait les années précédentes sur une dotation qui oscillait entre 20 et 40 millions d’euros. La suppression de cette dotation budgétaire signerait dès 2021 l’arrêt de mort des activités de garantie.
Madame la secrétaire d’État, je vous assure que, malheureusement, de nombreuses petites entreprises ont du mal à accéder au crédit, même avec la garantie de Bpifrance parfois. Beaucoup d’élus doivent se battre aux côtés de Bpifrance pour que les entreprises, notamment les TPE, obtiennent un prêt.
Pour cette raison, nous proposons d’inscrire un budget de 20 millions d’euros. La commission des finances a proposé, de son côté, un montant de 10 millions ; je pense que nous pourrons nous mettre d’accord. En tout cas, nous ne devons pas laisser tomber les TPE et PME qui se sentent aujourd’hui abandonnées.
L’amendement n° II-12, présenté par M. Lalande et Mme Espagnac, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
E n euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Développement des entreprises et régulation
dont titre 2
Plan France Très haut débit
Statistiques et études économiques
dont titre 2
Stratégie économique et fiscale
dont titre 2
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. le rapporteur spécial.
Cet amendement vise à porter à 10 millions d’euros la ligne budgétaire allouée aux garanties accordées par Bpifrance.
Il s’agit non pas de remettre en cause le travail de Bpifrance, mais d’améliorer la lisibilité budgétaire sur ce sujet. La Cour des comptes a d’ailleurs critiqué cette débudgétisation au sein du programme 134, qui prive le Parlement de son pouvoir financier. Je ne suis pas nécessairement opposé au fait de recycler les dividendes de Bpifrance pour accorder des garanties, mais cela conditionne le dispositif à des discussions permanentes et limite la possibilité pour le Parlement d’apprécier le travail qui est réalisé.
C’est pourquoi la commission des finances propose d’inscrire 10 millions d’euros supplémentaires sur le programme 134, « Développement des entreprises et régulation ». Voyant bien que cette ligne du programme allait disparaître, l’Assemblée nationale y a inscrit un montant, symbolique, de 10 000 euros, ce que le Gouvernement a accepté. Nous espérons qu’il en fera de même avec notre amendement.
Enfin, je propose à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques de se rallier à notre amendement.
Monsieur le rapporteur pour avis, l’amendement n° II-399 est-il maintenu ?
Non, je le retire au profit de l’amendement n° II–12, monsieur le président.
Le Gouvernement demande le retrait de l’amendement n° II-12.
En effet, le budget de Bpifrance lui permet largement de continuer en 2020 à financer l’activité de garantie. Il faut savoir qu’en 2019 – l’année n’est pas tout à fait terminée, mais nous avons des estimations fiables – cette activité devrait croître.
Pour des raisons de transparence et afin de répondre à une éventuelle crise qui surviendrait en cours d’année et qui nous obligerait à ouvrir de nouveaux crédits, l’Assemblée nationale a inscrit un montant de 10 000 euros sur le programme 134, ce que le Gouvernement a accepté. Reste qu’une enveloppe de 10 millions n’apporterait pas grand-chose de plus à ce geste et à notre capacité d’intervenir rapidement, dans le cas où le phénomène que nous avons connu en 2009 se reproduirait, ce qu’évidemment je ne souhaite pas.
Une fois n’est pas coutume, je soutiendrai la position du Gouvernement.
Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.
En tant que représentant du Sénat au conseil de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations, j’ai pu examiner le plan stratégique de Bpifrance, ses comptes et ses projets et je peux dire que l’établissement dispose, pour l’année prochaine, de l’argent nécessaire à sa mission de garantie.
L ’ amendement est adopté.
Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° II-692, présenté par M. Labbé, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
E n euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Développement des entreprises et régulation
dont titre 2
Plan France Très haut débit
Statistiques et études économiques
dont titre 2
Stratégie économique et fiscale
dont titre 2
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. Joël Labbé.
Cet amendement vise à établir les crédits du Fisac à hauteur de 36 millions d’euros en autorisations d’engagement et 30 millions en crédits de paiement.
Je soutiendrai bien évidemment les amendements proposés par la commission des finances et par la commission des affaires économiques en faveur de ce fonds, mais notre amendement, qui s’inscrit dans la droite ligne de la proposition de loi du groupe RDSE visant à lutter contre la désertification bancaire dans les territoires ruraux, adoptée par le Sénat en 2018, va un peu plus loin.
Entre 2010 et 2018, la dotation du Fisac est passée de 64 millions à 16 millions d’euros, soit une baisse de 80 %. À partir de 2019, ce fonds a été placé en « gestion extinctive ». Malgré la mobilisation, l’année dernière, de parlementaires appartenant à tous les groupes politiques pour préserver cet outil précieux dans la lutte contre la désertification des territoires, le Gouvernement a décidé de le supprimer.
De nombreux territoires ruraux sont en difficulté. Supprimer des outils qui ont fait leurs preuves dans les territoires nous paraît donc incohérent. C’est pourquoi cet amendement tend non seulement à rétablir le Fisac, mais aussi à porter sa dotation à 36 millions d’euros. Il n’est tout simplement pas possible de mener des politiques crédibles avec des montants plus modestes.
Les trois amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° II-13 est présenté par M. Lalande et Mme Espagnac, au nom de la commission des finances.
L’amendement n° II-397 rectifié est présenté par M. Babary, au nom de la commission des affaires économiques.
L’amendement n° II-515 est présenté par M. Reichardt, au nom de la commission des lois.
Ces amendements sont ainsi libellés :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
E n euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Développement des entreprises et régulation
dont titre 2
Plan France Très haut débit
Statistiques et études économiques
dont titre 2
Stratégie économique et fiscale
dont titre 2
TOTAL
SOLDE
La parole est à Mme la rapporteure spéciale, pour présenter l’amendement n° II-13 et pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° II-692.
Nous partageons pleinement l’intention de l’auteur de l’amendement qui vient d’être présenté.
Comme cela a été dit, la dotation du Fisac est passée de 64 millions à 16 millions d’euros entre 2010 et 2018, soit une baisse de 80 %, et le fonds est placé en « gestion extinctive » depuis le mois de janvier 2019. Nous nous étions tous battus – je vous en remercie, mes chers collègues – pour essayer de préserver ce fonds et faire en sorte que le Gouvernement nous entende sur ce dossier.
Il n’est tout simplement pas possible de mener une politique ambitieuse de lutte contre la désertification et la dévitalisation des territoires sans disposer d’un outil comme le Fisac, d’autant que les communes rurales ne sont pas concernées par le programme Action cœur de ville, qui bénéficie en général aux préfectures et sous-préfectures. Dans un département comme le mien qui compte 547 communes, il n’est pas acceptable d’aider seulement deux communes !
La commission demande donc le retrait de l’amendement n° II-692 au profit des trois amendements identiques déposés par la commission des finances et les deux commissions saisies pour avis, qui tendent à rétablir les crédits du Fisac à hauteur de 30 millions d’euros. Cette proposition me semble faire l’objet d’un consensus au sein de notre assemblée.
La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter l’amendement n° II-397 rectifié.
Il s’agit en effet d’abonder le Fisac d’une somme de 30 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 27 millions en crédits de paiement.
L’amendement n° II-515 n’est pas soutenu.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Le Gouvernement a fait le choix d’accompagner les PME, TPE, artisans et commerçants des petits bourgs ruraux au travers de l’Agence nationale de la cohésion des territoires.
Un premier programme a été lancé, le plan Action cœur de ville, qui concerne des villes de taille moyenne. Un deuxième programme sera lancé prochainement pour plus de 1 000 villes de moins de 20 000 habitants – mesdames, messieurs les sénateurs, vous examinerez dans le cadre de ce projet de loi de finances des dispositifs spécifiques d’exonération au titre de la cotisation foncière des entreprises (CFE) pour l’installation de nouveaux commerçants et artisans en zone rurale.
Nous avons donc mis en place une stratégie différente, qui ne passe pas par le Fisac, mais qui vise les mêmes objectifs. Je rappelle qu’une enveloppe de 5 milliards d’euros sur cinq ans est prévue pour le programme Action cœur de ville, 700 millions d’euros sont d’ores et déjà engagés. On ne peut pas dire que c’est une somme modique.
C’est pourquoi le Gouvernement demande le retrait de ces amendements ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
M. Joël Labbé. Non, je le retire, monsieur le président, par recherche de consensus…
Sourires.
L’amendement n° II-692 est retiré.
La parole est à M. Jean-Pierre Grand, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Grand. Madame la secrétaire d’État, permettez-moi de m’adresser à vous. Samedi après samedi, les centres-villes sont sinistrés par les « gilets jaunes » qui tuent l’économie, sapent le travail de nos commerçants et artisans et dévastent notre territoire.
Murmures sur les travées du groupe CRCE.
Si le Gouvernement faisait ce geste de 30 millions d’euros, ce qui n’est quand même pas une somme très importante, ce serait un message de soutien, de compréhension et de solidarité de la part de l’État. Voilà pourquoi je crois que vous devez revoir votre position. Vous en serez remerciée !
Nous tenons à ces amendements identiques pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, madame la secrétaire d’État, vous avez évoqué le programme Petites villes de demain. Certes, il toucherait entre 8 000 et 10 000 petites communes, mais aucun crédit n’est prévu à ce stade dans le projet de loi de finances pour 2020.
Ensuite, l’article 47 du projet de loi de finances pour 2020 concerne en effet les zones de revitalisation des commerces en milieu rural dans les communes de moins de 3 500 habitants qui ont moins de onze commerces. Je souhaite, madame la secrétaire d’État, vous alerter sur un point. Vous savez qu’avec Mme Gourault et M. Lecornu nous avons obtenu un moratoire d’un an sur les zones de revitalisation rurale (ZRR). Si nous n’arrivons pas à stabiliser ce dispositif l’année prochaine, cela pourrait être une double peine pour l’accompagnement des petits commerces et de l’artisanat dans notre territoire. En effet, la compensation accordée aux collectivités n’atteint qu’un tiers des sommes en jeu, le reste étant à leur charge.
J’en appelle donc à votre appui et à votre bienveillance : il faut maintenir les ZRR et les dispositifs d’exonération fiscale dédiés à la création des petits commerces et à l’installation des artisans.
Je le redis pour conclure : nous tenons tous beaucoup au Fisac que nous avons expérimenté sur chacun de nos territoires. C’est un dispositif complémentaire à ce que vous proposez et il est indispensable de le préserver. Pour cette raison, nous maintenons notre amendement.
L’extension impressionnante du commerce électronique et l’ouverture de l’ensemble des grandes surfaces le dimanche nous inquiètent fortement, car ces phénomènes mettent nos centres-villes et nos centres-bourgs à rude épreuve.
L’année dernière, on nous avait promis, lors de l’examen de la loi 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite loi ÉLAN, que le nombre de villes concernées par le programme Action cœur de ville irait au-delà des 222 communes prévues ; nous n’en trouvons pas trace dans ce projet de loi de finances. On nous avait dit aussi que les centres-villes et centres-bourgs seraient concernés, vous venez de nous en parler, madame la secrétaire d’État, mais il n’y en a pas non plus trace dans ce budget.
J’ai l’impression que l’on est en train de laisser tomber nos centres-villes et centres-bourgs. C’est pour cela que le Fisac, même recentré comme il l’a été sur les questions commerciales, est un outil indispensable. Dans l’ensemble des départements, il y a de vrais problèmes pour mettre en place la politique que vous avez annoncée ; qui plus est, nous n’en voyons pas vraiment la trace dans le budget.
Pour ces raisons, il faut défendre ces amendements identiques.
Je prolonge les propos de Martial Bourquin : nous sommes bien en train d’assister à une évolution extrêmement importante du commerce. Plutôt que de combattre cette évolution, il nous faut l’accompagner et identifier les opportunités que nos territoires peuvent en tirer. Le commerce électronique peut aussi être une chance pour les zones rurales et, si nous savons l’utiliser, il pourra contribuer à leur revitalisation.
Madame la secrétaire d’État, 30 millions d’euros ne représentent pas grand-chose pour l’État, surtout en comparaison des 5 milliards dont vous avez parlé, mais ils sont tellement importants pour les territoires ruraux. Si vous ne les trouvez pas dans le budget, ce que je peux comprendre, prenez-les sur l’enveloppe de 5 milliards ! Ce sera un signal extrêmement fort pour les petites communes.
Je rappelle tout d’abord que nous mettons en place l’Agence nationale de la cohésion des territoires, qui lancera prochainement le programme Petites villes de demain.
Je rappelle ensuite que l’État est intervenu, dès le 26 novembre 2018, pour aider les commerçants et artisans à faire face à l’impact du mouvement des « gilets jaunes » – l’Assemblée nationale et le Sénat ont travaillé sur cette question. Ainsi, nous avons autorisé le report de charges sociales à hauteur de 300 millions d’euros et de certaines échéances fiscales pour 100 millions d’euros. Nous avons aussi débloqué une enveloppe de 6 millions d’euros pour relancer le commerce local. Vous le voyez, ce n’est pas parce qu’il n’y a pas de Fisac que nous ne pouvons pas intervenir pour aider les commerçants et les artisans.
Par ailleurs, dans le prolongement de ce que vient de dire Mme Primas, la stratégie nationale pour l’artisanat et le commerce de proximité comporte un volet numérique. Vous avez raison de dire, madame Primas, que le numérique est une technologie ; tout dépend donc de ce que l’on en fait. Si les choses sont subies, l’effet est dramatique, mais si on s’en saisit, on peut élargir, souvent à peu de frais, le cercle de ses clients. Le numérique peut donc constituer une chance pour nos petits commerçants et pour nos artisans.
Madame la rapporteure spéciale, vous avez soulevé la question des ZRR. Nous avons en effet décidé de nous donner le temps de faire le bilan de ce dispositif, d’en mesurer les mérites et d’évaluer la meilleure manière de le prolonger. Une mission va être lancée en ce sens par l’inspection générale des finances et le commissariat général à l’égalité des territoires. Je vous donne donc rendez-vous en 2021.
En effet, l’accompagnement des artisans et commerçants est également assuré via des crédits portés par le commissariat général à l’égalité des territoires. Tout n’est donc pas compris dans le programme 134 de la mission « Économie ».
Le Sénat a examiné au mois de septembre dernier le projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire qui nous engage vers de nouveaux modes de consommation. Il me semble que nous entendons de cette façon tourner le dos à la consommation de masse et à la dématérialisation, même s’il ne faut pas jeter la pierre aux nouvelles technologies.
Ainsi, le retrait en magasin est une opportunité pour le petit commerce. Je constate dans mon territoire que cela fonctionne bien : le commerçant est en mesure d’apporter un conseil, par exemple sur le recyclage, la performance et la durée de vie du produit ou encore le développement durable.
À ce titre, le Fisac peut encourager nos petits commerçants à utiliser le mieux possible internet et les nouvelles technologies.
Je mets aux voix les amendements identiques n° II-13 et II-397 rectifié.
Les amendements sont adoptés.
L’amendement n° II-652, présenté par M. M. Bourquin, Mmes Artigalas et Conconne, MM. Courteau, Daunis et Duran, Mme Guillemot, MM. Montaugé, Tissot, Kanner et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
E n euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Développement des entreprises et régulation
dont titre 2
Plan France Très haut débit
Statistiques et études économiques
dont titre 2
Stratégie économique et fiscale
dont titre 2
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. Martial Bourquin.
Cet amendement tend à rétablir au même niveau que l’an dernier les crédits centrés sur l’animation et la gouvernance des pôles de compétitivité qui permettent à l’État de cofinancer avec les régions le fonctionnement de ces pôles. Le rôle de ces pôles est en effet essentiel.
La baisse des crédits est incohérente avec les objectifs du Gouvernement en matière de développement industriel et d’innovation annoncés dans le pacte productif.
Ces pôles de compétitivité visent à la mise en place de clusters. Ces écosystèmes productifs doivent permettre de constituer autour de grands groupes de véritables filières auxquelles sont associés les sous-traitants, notamment les PME et TPE. Le ministre de l’économie et des finances Bruno Le Maire nous a dit que les régions piloteraient et animeraient ces pôles de compétitivité, mais il faut leur transférer les fonds nécessaires pour cela. Tel est l’objet de cet amendement.
Le programme 134 concentrera, à partir de 2020, l’ensemble des crédits affectés aux pôles de compétitivité. Cependant, ces crédits sont largement insuffisants pour permettre une véritable dynamique à même de renforcer l’attractivité des pôles existants. Par ailleurs, ces crédits ont vocation à baisser progressivement au cours des prochaines années, puisqu’il faudra laisser la place aux régions qui disposent de la compétence de développement économique.
C’est pourquoi la commission demande l’avis du Gouvernement sur cet amendement.
Depuis 2009, l’un des objectifs fixés aux pôles de compétitivité a été d’accroître leur autofinancement et de trouver un équilibre entre les ressources publiques et privées afin de créer les conditions d’un financement privé majoritaire et réduire progressivement le montant global du financement public.
Nous estimons que cette dynamique était tout à fait logique et nous nous sommes inscrits dans cette voie. La phase IV poursuit donc cet objectif. Afin de donner de la visibilité à ces pôles, le cahier des charges de l’appel à candidatures fixe la trajectoire des crédits de l’État consacrés au financement du fonctionnement des pôles jusqu’en 2022. Je ne crois pas que les pôles soient moins dynamiques aujourd’hui qu’il y a dix ans.
Lors de son discours du 1er octobre 2019 au 15e congrès des régions de France, le Premier ministre a confirmé le transfert des crédits de l’État aux régions dès 2020. Cela répond à une demande des régions qui estiment que les pôles de compétitivité entrent dans le champ de leurs compétences en matière de développement économique. Il est logique d’aller au bout de cette décentralisation et de confier aux régions cet outil avec les crédits qui l’accompagnent et dont nous avons annoncé la trajectoire.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° II-398, présenté par M. Babary, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
E n euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Développement des entreprises et régulation
dont titre 2
Plan France Très haut débit
Statistiques et études économiques
dont titre 2
Stratégie économique et fiscale
dont titre 2
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
Cet amendement vise à abonder les crédits destinés au soutien et à la promotion des métiers d’art afin qu’ils atteignent 2, 25 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement. Ces crédits financeront essentiellement l’action de l’Institut national des métiers d’art (INMA) et de l’Institut supérieur des métiers (ISM). Le projet de loi de finances pour 2020 ne prévoit en effet aucun crédit pour ces instituts, alors que 2, 25 millions d’euros étaient inscrits en loi de finances initiale pour 2019.
Certes, il est prévu que l’INMA reprenne certaines des missions de l’ISM, comme le secrétariat de la Commission nationale des entreprises du patrimoine vivant, ce qui rend légitime une évolution de la dotation budgétaire, mais la direction générale des entreprises (DGE) nous indique viser un autofinancement total de l’action d’ici à 2022. Dans ce cas, pourquoi tarir ce financement dès 2020 ?
L’INMA et l’ISM sont actuellement en cours de rapprochement pour former l’Agence française des métiers d’art, instance unique en charge de la mise en œuvre des politiques publiques dans le domaine des métiers d’art. D’après les informations qui nous ont été transmises, la disparition de la dotation budgétaire sur le programme 134 ne devrait pas remettre en cause le financement de l’agence en 2020.
Je vous confirme que l’objectif est d’arriver à un autofinancement à horizon 2022, ce qui justifie que, dans le projet de loi de finances pour 2020, la fusion des instituts soit financée grâce au maintien de la dotation. C’est le cas à hauteur de 2 millions d’euros.
Toutefois, ces crédits ne figurent pas dans cette mission. Une subvention du ministère de l’économie et des finances sera versée sur des crédits 2019 pour 1, 2 million d’euros. Par ailleurs, un soutien financier du ministère de la culture sur le programme 131, « Création », complétera le besoin de financement pour 2020 à hauteur de 0, 8 million d’euros.
Par conséquent, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement.
Monsieur le rapporteur pour avis, l’amendement n° II-398 rectifié est-il maintenu ?
L’amendement n° II-398 rectifié est retiré.
L’amendement n° II-651, présenté par M. M. Bourquin, Mmes Artigalas et Conconne, MM. Courteau, Daunis et Duran, Mme Guillemot, MM. Montaugé, Tissot, Kanner et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
E n euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Développement des entreprises et régulation
dont titre 2
Plan France Très haut débit
Statistiques et études économiques
dont titre 2
Stratégie économique et fiscale
dont titre 2
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.
M. Martial Bourquin. Madame la secrétaire d’État, peu de moyens – un euro
Exclamations amusées
Cet amendement vise à alerter le Gouvernement sur la dégradation de notre industrie, notamment après la vente d’Alstom à General Electric (GE), menée par celui qui est aujourd’hui Président de la République.
Dans cette affaire, le Gouvernement a commis d’énormes erreurs. D’abord, il n’a pas levé les options d’achat détenues par le groupe Bouygues, privant ainsi l’État d’un bénéfice de l’ordre de 350 millions d’euros au minimum. Ensuite, il a refusé de sanctionner General Electric pour le non-respect de l’accord du 4 novembre 2014, que l’entreprise a signé avec l’État et dans lequel elle s’engageait notamment, avec l’acquisition de la branche énergie d’Alstom, à créer 1 000 emplois supplémentaires. Au contraire, ce sont des milliers de suppressions d’emplois qui ont été annoncées.
Imaginez qu’un groupe français fasse la même chose aux États-Unis : c’est la prison assurée et des milliards d’amende !
Cet exemple est symptomatique de l’absence de véritable politique industrielle de ce gouvernement. Nous le déplorons. Nous avons besoin d’un État stratège, qui innove, sauvegarde les emplois et sache faire respecter les accords conclus.
Cet amendement n’a d’amendement que le nom. Il a été l’occasion, pour notre collègue Martial Bourquin, de faire une intervention sur la politique industrielle de l’État.
Compte tenu du montant en cause, la commission émet un avis de sagesse.
Monsieur Bourquin, permettez-moi de revenir sur la réalité de ce dossier, que vous qualifiez de symbolique.
D’abord, GE a racheté une des branches d’Alstom, mais l’usine qui a fait d’objet d’une annonce de projet de plan social était détenue par GE depuis 1999. C’est précisément parce que nous avions un accord sur l’achat de 2014 que nous avons été en situation de négocier, et même d’imposer une amélioration du plan de sauvegarde de l’emploi (PSE). Sans cet accord, nous n’aurions pas eu les moyens d’intervenir auprès de GE, qui détenait les brevets de l’usine qu’elle avait achetée en 1999, contrairement à ce que l’on a pu entendre parfois.
C’est grâce à la mobilisation du Gouvernement que ce PSE a été réduit de près de 300 départs. Je ne dis pas que c’est satisfaisant, mais force est de constater qu’il y a eu un « avant » et un « après » l’intervention du Gouvernement aux côtés des représentants du personnel.
Il y a eu une baisse du marché des turbines à gaz, qui s’est traduite par une division par deux du nombre de turbines fabriquées dans cette usine. La taille étant différente, il ne s’agit pas exactement d’une division par deux, mais je n’entre pas dans les détails. C’est la réalité du marché. L’important pour nous a été de faire en sorte que les effectifs d’ingénierie restent suffisamment importants pour accompagner un redéveloppement si la dynamique du marché des turbines à gaz reprenait à un rythme plus soutenu, ce que l’on peut imaginer s’agissant d’un marché cyclique. En d’autres termes, il fallait préserver ce centre d’excellence.
De manière plus générale, il est important d’avoir en tête quelques chiffres sur notre industrie. Notre pays a recréé des emplois industriels en 2017, 2018 et 2019, ce qui n’était pas jamais arrivé entre 2000 et 2016. L’action menée par le Gouvernement témoigne ainsi de son efficacité. Il ne s’agit pas d’être dans l’autosatisfaction, puisque 2020 sera marquée par un ralentissement économique aux États-Unis, en Chine, chez des voisins avec qui nous avons des relations fortes, tels que l’Allemagne, l’Italie ou le Royaume-Uni.
Soyons vigilants, la politique industrielle est plus que jamais importante. Je crois tout de même que vous pouvez saluer ce qui a été fait par ce gouvernement, qui a obtenu, et c’est nouveau, des résultats mesurables en la matière.
Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
Madame la secrétaire d’État, il faut surtout saluer la mobilisation des Francs-Comtois, qui ont manifesté par dizaines de milliers !
Les salariés ont pu compter sur une intersyndicale de très haut niveau, qui a été force de proposition pour faire en sorte que ce conflit débouche sur une véritable solution.
Chose incroyable, l’accord ne nous a pas été communiqué, mais nous savions par le ministre de l’époque, Arnaud Montebourg, qu’il stipulait que Belfort devait être le centre mondial de l’énergie, avec la création de 1 000 emplois. Nous n’avions rien vu, madame la secrétaire d’État ; ne l’oubliez pas !
Laissez-moi souligner d’un mot l’importance des turbines à gaz dans la transition énergétique. Nous parlerons tout à l’heure du diesel, du plastique, etc. Sachez que les turbines à gaz ont un rôle à jouer dans le mix énergétique futur. Faisons en sorte de ne pas jeter aux orties ce qui sera très utile demain. Vous l’aurez certainement remarqué : le cycle des commandes commence déjà à remonter très fortement.
La politique industrielle demande de la maîtrise. N’hésitons pas à faire comme les États-Unis et la Chine : défendons notre industrie, y compris face à des géants industriels et à de grands États. Or, sur ce dossier, cela n’a pas été fait.
L ’ amendement est adopté.
Sourires.
Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Économie », figurant à l’état B.
Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits, modifiés.
Les crédits sont adoptés.
J’appelle en discussion l’article 76 sexies, qui est rattaché pour son examen aux crédits de la mission « Économie ».
Économie
Le Gouvernement dépose au Parlement, avant le 31 mars 2020, un rapport sur la gestion et l’évolution des garanties publiques à l’export. Ce rapport comporte notamment les éléments suivants :
1° Une analyse des modalités de gestion de ces garanties, présentant un état détaillé de l’activité de la commission des garanties et du crédit au commerce extérieur (sur les cinq dernières années, nombre de dossiers traités, nombre de dossiers refusés ou ajournés et délais moyens pour les dossiers traités entre leur dépôt par les entreprises et la décision finale), un rappel comparatif des modalités de gestion des dispositifs analogues chez nos principaux partenaires européens et les évolutions envisageables ;
2° Une analyse sur l’évolution du nombre d’entreprises couvertes en assurance prospection et sur les mesures envisageables afin que ce dispositif puisse concourir à l’objectif de décompter 200 000 entreprises françaises exportatrices ;
3° Une analyse de l’équilibre technique à long terme de l’assurance-crédit, présentant notamment ses soldes annuels depuis vingt ans et les conséquences que le Gouvernement entend en tirer ;
4° La présentation des mesures prises ou envisagées afin que l’assurance-crédit contribue mieux à nos engagements internationaux en matière de changement climatique, d’environnement et de développement ;
5° Une analyse de la contribution des garanties publiques au développement des exportations libellées en euros et la présentation des mesures qui permettraient de les mobiliser pour la promotion du rôle international de l’euro.
L’amendement n° II-716, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Remplacer la date :
31 mars 2020
par la date :
30 septembre 2020
La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Cet amendement vise simplement à décaler de six mois la remise d’un rapport, qui couvre un champ extrêmement large et s’ajoute au rapport demandé à l’article 68.
La multiplication des informations à fournir et des savoirs à développer rend difficile de produire au 31 mars prochain ce document. Nous proposons de le remettre au plus tard le 30 septembre 2020.
L ’ amendement est adopté.
L ’ article 76 sexies est adopté.
L’amendement n° II-400, présenté par M. M. Bourquin, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Après l’article 76 sexies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de quatre mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport portant sur les dispositifs fiscaux et budgétaires destinés à accompagner la transition environnementale de la filière de la plasturgie.
Ce rapport comporte une évaluation des dispositifs existants pouvant accompagner l’innovation et la transformation de l’outil industriel, notamment le crédit d’impôt recherche, le financement des centres techniques industriels ou les dispositifs de suramortissement pour l’investissement industriel, et de leur application au secteur de la plasturgie.
Il présente également les mesures fiscales et budgétaires envisagées afin d’améliorer l’accompagnement de la transition du secteur, au regard des objectifs nationaux et européens relatifs aux produits plastiques ainsi que des objectifs relatifs à l’emploi et à l’industrialisation des territoires français.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
Il s’agit de donner aux petites et moyennes entreprises industrielles engagées en faveur de l’amélioration de la performance environnementale et de leur outil de production les moyens de faire face au mur d’investissements auquel elles sont confrontées.
Par exemple, le plastique à usage unique va être supprimé, avec des pertes de milliers d’emplois à la clé. Nous devons faire en sorte, grâce à un crédit d’impôt, que les TPE et PME soient aidées.
Nous demandons donc un rapport au Gouvernement sur les solutions envisageables pour remédier à ce problème.
Bien évidemment, la transition environnementale, qui est transversale, est indispensable. En revanche, nous nous inquiétons de voir des demandes de rapport apparaître pour tous les secteurs d’activité. Il nous semble préférable d’avoir une vision globale de cette transition pour toute notre économie.
C’est pourquoi la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Il est difficile de s’opposer à une demande d’information du Sénat. J’émets donc un avis de sagesse, mais je rejoins la position du rapporteur spécial : évitons de multiplier les rapports, ou nous passerons plus de temps à les rédiger qu’à travailler le fond des sujets.
Monsieur le rapporteur pour avis, l’amendement n° II-400 est-il maintenu ?
Non, je le retire, monsieur le président.
Cependant, madame la secrétaire d’État, soyez consciente que des milliers d’entreprises sont concernées par la transition environnementale, notamment dans les secteurs du plastique et du diesel. Faites en sorte d’informer régulièrement nos assemblées pour que nous puissions délibérer en connaissance de cause.
Nous allons procéder à l’examen des crédits du compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés », figurant à l’état D.
En euros
Mission
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés
Prêts et avances pour le logement des agents de l’État
Prêts pour le développement économique et social
Prêts et avances pour le développement du commerce avec l’Iran
Prêts à la société concessionnaire de la liaison express entre Paris et l’aéroport Paris-Charles de Gaulle
Prêts octroyés dans le cadre des programmes d’investissements d’avenir
ligne nouvelle
L’amendement n° II-654, présenté par Mme Létard, MM. Longeot, Henno et Lafon, Mmes Joissains, Saint-Pé et Vullien, MM. Janssens, Moga, Delcros et Kern, Mmes Férat, Guidez et de la Provôté, M. P. Martin et Mme Dindar, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
E n euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Prêts et avances pour le logement des agents de l’État
Prêts pour le développement économique et social
Prêts et avances pour le développement du commerce avec l’Iran
Prêts à la société concessionnaire de la liaison express entre Paris et l’aéroport Paris-Charles de Gaulle
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. Jean-Pierre Moga.
Le programme 862, « Prêts pour le développement économique et social », permet à l’État d’octroyer des prêts ponctuels aux entreprises en restructuration rencontrant des difficultés à accéder au marché du crédit, via le fonds pour le développement économique et social (FDES). L’intervention de l’État en faveur d’entreprises structurellement viables, mais confrontées à des difficultés temporaires d’accès au crédit, est indispensable pour certains secteurs d’activités en difficulté et pour certains territoires particulièrement touchés par la désindustrialisation.
Dans le cadre de la loi de finances pour 2019, le Gouvernement a divisé par deux le montant réservé au FDES, le faisant passer de 100 millions d’euros à 50 millions d’euros. Pourtant, le Sénat, de façon transpartisane, avait voté un amendement rétablissant le montant de 100 millions d’euros.
Avec cet amendement, nous proposons de revaloriser les crédits de paiement du programme 862 de 25 millions d’euros afin de rétablir le montant budgétaire d’avant 2019.
Si les prêts accordés dans le cadre du FDES sont subsidiaires d’un financement global, ils n’en restent pas moins déterminants pour l’obtention d’un accord collectif. Ils sont de nature à provoquer un fort effet de levier sur les financements privés, de même qu’une dynamique collective vertueuse.
C’est précisément la raison d’être de cet amendement, qui s’appuie sur la capacité d’intervention substantielle de l’État en la matière. Cette mesure ne mettra pas en péril les finances de l’État : elle montrera juste que celui-ci est au rendez-vous pour accompagner les projets industriels.
Avec cet amendement, vous proposez de transférer 50 millions d’euros du programme de prêts à la société concessionnaire de la liaison express entre Paris et l’aéroport Paris-Charles de Gaulle vers le FDES. Un tel transfert remettrait en cause les engagements de l’État et retarderait encore la réalisation de cette infrastructure de transport. Par ailleurs, les crédits du FDES sont très largement sous-utilisés chaque année. Il ne paraît donc pas nécessaire de les augmenter.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur cet amendement.
L’enveloppe du FDES prévue pour l’année prochaine semble suffisante au regard des besoins, même s’il est difficile de les anticiper. Je rappelle que l’enveloppe de 100 millions d’euros s’inscrivait dans un contexte particulier, à savoir la situation de Presstalis. Cela ne sera pas le cas en 2020 ; un budget de 50 millions d’euros devrait donc être suffisant.
Non, au regard des explications qui viennent d’être apportées, je le retire, monsieur le président.
L’amendement n° II-654 est retiré.
Nous allons procéder au vote des crédits du compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés », figurant à l’état D.
Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits.
Les crédits sont adoptés.
J’appelle en discussion l’article 85, qui est rattaché pour son examen aux crédits du compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés ».
Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés
Le I de l’article 8 de la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La gestion des fonds ouverts sur les comptes de concours financiers mentionnés aux III et V de l’article 46 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006 dans le cadre du programme d’investissements peut être confiée aux personnes mentionnées aux deux premiers alinéas du présent I. » –
L ’ article 85 est adopté.
Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Économie » et du compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés ».
Le Sénat va examiner les crédits des missions « Remboursements et dégrèvements » (et articles 78 decies et 78 undecies) et « Engagements financiers de l’État », des comptes d’affectation spéciale « Participation de la France au désendettement de la Grèce » et « Participations financières de l’État », des comptes de concours financiers « Accords monétaires internationaux » et « Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics », ainsi que de la mission « Investissements d’avenir ».
La parole est à M. le rapporteur spécial.
La mission « Remboursements et dégrèvements » retrace les dépenses budgétaires résultant de l’application des dispositions fiscales prévoyant des dégrèvements, des remboursements ou des restitutions d’impôt. Compte tenu du caractère mécanique de ces dépenses, les crédits de cette mission sont évaluatifs, c’est-à-dire qu’ils ne constituent pas un plafond, à la différence des crédits des autres missions budgétaires.
La mission est composée de deux programmes, l’un consacré aux remboursements et dégrèvements d’impôts d’État, l’autre aux remboursements et dégrèvements d’impôts directs locaux.
Pour 2020, 141 milliards d’euros de crédits sont demandés au titre de la présente mission, en augmentation de 5 milliards d’euros par rapport à la loi de finances pour 2019. L’augmentation des impôts d’État s’explique notamment par la mise en œuvre du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu, mais également par la hausse des restitutions de TVA et d’importants contentieux fiscaux. La hausse des impôts locaux s’explique principalement par le coût croissant du dégrèvement de la taxe d’habitation en faveur de 80 % des ménages.
Pour 2020, les remboursements et dégrèvements d’impôts d’État sont évalués à 118 milliards d’euros, en augmentation de près de 2 milliards d’euros par rapport à 2019. Leur hausse est quasi ininterrompue depuis 2010.
D’abord, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) continue de peser sur la mission. Le coût prévu du dispositif pour 2020 est cependant en forte baisse. Alors qu’il atteignait presque 20 milliards d’euros en 2019, la prévision pour 2020 est de 9 milliards d’euros.
Nous sommes devant le tour de passe-passe évoqué au début de l’examen de ce projet de loi de finances, puisque le dispositif a été transformé en réductions de cotisations sociales employeur, qui ne sont plus retracées au sein de la mission, mais n’en représentent pas moins un coût important pour les finances publiques. Or que venons-nous d’apprendre ? Selon le rapport de la Cour des comptes, la fraude aux cotisations sociales est peu contrôlée. Par ailleurs, j’ai pu lire que le taux de recouvrement serait très faible.
Nous aimerions entendre le Gouvernement sur ces deux points.
Je me suis tout particulièrement intéressé à la question des remboursements et dégrèvements de TVA. Le ministre de l’action et des comptes publics nous a indiqué, au mois de mai dernier, lors d’un débat organisé au Sénat, que la fraude à la TVA représentait chaque année entre 18 milliards et 22 milliards d’euros. Nous sommes tous d’accord pour renforcer la lutte contre la fraude fiscale. Pour cela, l’information doit être décloisonnée et les services doivent travailler de façon coordonnée, aux échelons tant national qu’européen et international. Je considère en outre que les moyens humains doivent être renforcés et mieux spécialisés. Telles sont d’ailleurs les conclusions qu’a tirées la Cour des comptes dans son référé du mois de décembre 2018.
J’étais de ceux qui avaient qualifié la France de paradis fiscal et j’apprends aujourd’hui que les sommes recouvrées en 2018 sont deux fois moins importantes qu’en Allemagne et au Royaume-Uni.
Comme ces repères ont été pris tout à l’heure, allons jusqu’au bout de la comparaison. Là aussi, nous aurons besoin d’explications de la part du Gouvernement.
La lutte contre la fraude doit ainsi permettre de dégager de nouvelles ressources publiques afin de mieux répartir la charge de la TVA en révisant les taux d’imposition des produits et des services de première nécessité qui contribuent au maintien de la dignité des personnes. Nous avons déjà eu ce débat dans l’hémicycle.
Je sais que les taux réduits font l’objet d’un encadrement strict par le droit de l’Union européenne. C’est pourquoi je demande que la France défende l’extension des taux réduits et super-réduits à l’échelon européen. En 2015, une initiative sénatoriale transpartisane a permis de réduire à 5, 5 % le taux de TVA applicable aux protections hygiéniques féminines. Il faut poursuivre l’extension de ce taux réduit ; le Sénat l’a fait pour les protections hygiéniques pour les personnes âgées, mais l’Assemblée nationale s’y est opposée, au motif que c’était contraire au droit européen. Je laisserai nos concitoyens être juges-arbitres, sachant que le budget moyen pour une personne âgée s’établit à 150 euros mensuels : ce n’est pas rien quand on est au minimum vieillesse ou quand on vit avec une petite retraite – par exemple quand on est agricultrice ou de conjointe d’agriculteur, puisque cette retraite n’est même pas revalorisée.
Enfin, comme chaque année, le montant des remboursements et dégrèvements d’impôts locaux atteint un nouveau record. Ce sont ainsi 23 milliards d’euros qui sont demandés pour 2020, soit une augmentation de 16 %.
Ce projet de loi de finances prévoit une exonération généralisée qui se traduira par un nouveau cadeau fiscal pour – devinez qui ? – les plus riches : 7, 8 milliards d’euros d’ici à 2023 selon la direction générale des finances publiques.
Je citerai à cet égard Michel Audiard : « Les conneries, c’est comme les impôts, on finit toujours par les payer ! »
M. Philippe Dallier rit.
En conclusion, j’évoquerai la réforme de la fiscalité locale, qui me paraît dangereuse. Le Sénat a obtenu des améliorations sur ce point, notamment pour les départements, mais qu’en restera-t-il à l’Assemblée nationale ?
Cependant, la mission « Remboursements et dégrèvements » retraçant simplement l’évaluation des montants résultant des différentes règles fiscales, la commission des finances propose d’adopter la mission sans modification, dans la joie et la bonne humeur.
Applaudissements sur les travées du groupe CRCE. – M. Jérôme Bascher applaudit également.
Applaudissements sur les travées du groupe UC.
Rires.
… mais mon père : « Il vaut mieux devoir que ne pas pouvoir rendre ». En effet, quand vous devez, il reste un espoir…
En regardant les engagements financiers de l’État, j’ai malheureusement l’impression que nous ne prenons pas le chemin des remboursements.
La charge de la dette s’élève à 38 milliards d’euros, ce qui est l’équivalent du budget de la défense nationale – notre collègue Dominique de Legge, rapporteur spécial pour la mission « Défense », est là. C’est tout de même assez spectaculaire !
C’est donc la troisième mission en volume du budget général. Les plus optimistes pensent que la situation s’améliore, car la charge de la dette diminue de 6 % entre 2019 et 2020, mais c’est moins grâce à nos efforts qu’à la diminution des taux d’intérêt, lesquels peuvent même être négatifs. À titre personnel, je fais plutôt partie des sceptiques. J’observe que notre encours de dette négociable non seulement ne faiblit pas, mais devrait encore augmenter de 4, 5 %.
La dette publique devrait prospérer pour atteindre 98, 7 % du PIB à la fin de l’année. Nous continuons ainsi à imposer à nos enfants une charge considérable et nous ne savons même pas s’ils pourront un jour la rembourser.
Le poids de la dette nous éloigne encore un peu plus de nos partenaires européens. Incapables de tenir nos engagements, nous devons continuellement nous justifier auprès des institutions européennes.
Ces premiers éléments ne sont pas réjouissants et je regrette presque de commencer mon intervention en rappelant des faits aussi alarmants. Je ne peux m’empêcher de penser cette fois, non pas à Michel Audiard, mais à Philippe Marini, …
M. Vincent Éblé, président de la commission des finances. C’est presque pareil !
Rires.
C’est pourtant bien de cela qu’il s’agit aujourd’hui.
On nous accuse souvent de jouer les Cassandre en alertant sur le risque d’une remontée des taux qui ne s’est pas matérialisée et qui a de grandes chances de ne pas se concrétiser ces prochaines années. Pour autant, je considère que nous devons préparer cette remontée et retrouver des marges de manœuvre. Pour affronter une possible prochaine crise financière, nous devrons être en mesure d’agir sans risque de surendettement.
C’est vrai, les taux bas ont un effet anesthésiant. Néanmoins, ma responsabilité est d’appeler votre attention sur un réveil qui pourrait être douloureux. Notre collègue Philippe Dallier avait proposé à la commission des finances d’élaborer des scenarii de remontée des taux, de façon à pouvoir alerter nos concitoyens sur les effets à attendre pour chacun des contribuables.
Or les diverses institutions se sont repassé la patate chaude et personne n’a voulu se lancer dans ces évaluations. Nous allons nous y atteler l’année prochaine dans le cadre de notre devoir de contrôle, car c’est très important.
En ce qui me concerne, je ne suis pas sûre qu’une petite remontée des taux – même si elle était infime – soit soutenable pour nos finances publiques, d’autant que nous venons d’apprendre la reprise de la dette hospitalière. C’est pourquoi j’aimerais avoir des renseignements sur cette reprise. Va-t-elle se faire sur le schéma de la SNCF ou selon d’autres modalités ? On parle tout de même de 10 milliards d’euros au doigt mouillé.
Pour résumer, nous avons besoin de scenarii en cas d’augmentation des taux. Comment le Gouvernement va-t-il s’y prendre pour imputer la dette hospitalière ?
De toute évidence, l’État doit respecter ses obligations.
Au regard du contexte actuel, la commission a décidé de proposer l’adoption sans modification des crédits de cette mission et des comptes d’affectation spéciale qui y sont attachés.
Nous sommes dans des figures imposées : la marge de manœuvre des rapporteurs spéciaux est extrêmement faible. Néanmoins, je tiens à insister sur les doutes et les craintes que nous avons quant à l’effet anesthésiant de la dette. Encore une fois, la commission des finances dont je suis l’un des membres n’appartient au camp de ceux qui considèrent qu’il est bon de s’endetter quand cela ne coûte pas cher. À un moment ou à un autre, il faudra payer !
Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Indépendants. – M. le président de la commission des finances applaudit également.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons un vecteur budgétaire quelque peu baroque. Deux éléments motivent cette appréciation.
En premier lieu, la lisibilité du compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État » est fortement réduite par la largeur de son périmètre. En 2018, plus du quart des dépenses de ce compte n’avaient aucun lien avec l’État actionnaire.
En second lieu, la capacité d’action du Parlement est foulée aux pieds par la confidentialité des opérations de cessions. Faire examiner au Parlement un montant conventionnel de crédits et attendre la loi de règlement pour constater leur exécution a posteriori revient à reléguer la représentation nationale à une chambre d’enregistrement. Nous ne sommes pas des poinçonneurs, mes chers collègues !
Des propositions existent pour définir un meilleur équilibre des pouvoirs dans l’examen de ce compte. J’ai moi-même eu l’occasion d’en formuler l’an dernier.
Ces réserves préliminaires exposées, j’en viens à la présentation des crédits de ce compte pour 2020. Cette année sera marquée par la concrétisation de la loi Pacte et des deux cessions qu’elle a autorisées : celle de la Française des jeux et celle d’Aéroports de Paris.
L’intense campagne de publicité conduite par le Gouvernement vous aura permis, monsieur le ministre, de ne pas passer à côté de la privatisation de la Française des jeux. Pour Aéroports de Paris, en revanche, le Gouvernement se fait plus discret sur le processus de recueil des soutiens à la proposition de loi déposée en application de l’article 11 de la Constitution. Engagé le 13 juin dernier, ce processus doit se poursuivre jusqu’à la mi-mars 2020, le projet de cession étant entre-temps suspendu.
Le Sénat a exprimé son opposition à ces deux cessions. Au-delà des débats relatifs au caractère stratégique de ces actifs, laissez-moi vous faire part des conséquences budgétaires qu’auraient ces cessions. Les dividendes seront perdus, à hauteur d’environ 200 millions d’euros chaque année. Voilà qui renforcera une tendance de fond : entre 2012 et 2019, les dividendes perçus par l’État ont été divisés par deux.
Surtout, ces cessions réduiront fortement les marges de manœuvre de l’État actionnaire. Depuis son entrée en fonction, le Gouvernement a asséché de 60 % le solde de ce compte.
L’exécutif semble avoir oublié que le b.a.-ba de tout gestionnaire d’actif est la diversification de son portefeuille. Pour qualifier sa stratégie, le Gouvernement convoque un élément de langage : il parle de « respiration » du portefeuille. Pardonnez ma brutalité, mais j’y vois plutôt le dernier souffle de l’État actionnaire !
Pourtant, les défis à relever sont nombreux et cruciaux pour l’avenir de notre pays : je pense en particulier à la transition énergétique et à ses conséquences pour EDF.
De ce point de vue, je ne peux cautionner le choix qu’a fait le Gouvernement de mobiliser ce compte pour le désendettement de l’État.
Le symbole ne doit pas s’opérer à rebours des intérêts patrimoniaux de l’État, alors que les conditions de marché sont exceptionnelles. Permettez-moi de citer un ancien ministre, qui indiquait en 2016 devant la commission des finances que « patrimonialement, ce serait se tirer une balle dans le pied que d’utiliser le capital du compte d’affectation spéciale pour se désendetter ». Entre-temps, l’ancien ministre a quitté Bercy pour l’Élysée et son regard semble avoir changé, alors que le contexte macroéconomique demeure similaire.
Quel est le risque ? C’est que ce compte soit utilisé de manière opportuniste, en faisant fi des considérations patrimoniales. La dette publique tutoie désormais le seuil hautement symbolique des 100 % du PIB. La contribution au désendettement prévue explique à elle seule le reflux de 0, 1 point de PIB du ratio qu’escompte le Gouvernement en 2020. C’est pour dénoncer ce tour de passe-passe que la commission des finances vous proposera, sur mon initiative, d’adopter l’amendement n° II-14.
Je terminerai mon propos par quelques remarques au sujet du fonds pour l’innovation et l’industrie.
Vous êtes nombreux, dans cet hémicycle, à avoir parcouru ce projet de loi de finances à la recherche du « budget vert ». Je dois vous concéder, mes chers collègues, que je ne saurais vous éclairer sur ce point. En revanche, je suis en mesure de vous faire part de l’usine à gaz budgétaire que met en œuvre le Gouvernement.
L’enrobage est volontiers moderniste : on convoque nombre d’anglicismes pour étayer ce qui reste une opération de débudgétisation, qui s’effectue au détriment des capacités d’analyse du Parlement.
Les conséquences à moyen terme des modalités de rémunération de ce fonds pour les finances publiques doivent nous préoccuper. La rémunération prévue par voie réglementaire, à un taux de 2, 5 %, est nettement supérieure aux taux d’intérêt actuels. Son actualisation est prévue à l’échéance pour le moins opportune du 1er janvier 2023. La révision éventuelle serait effectuée à la fois pour l’avenir et pour le passé : le trop versé pourrait être répercuté sur la rémunération ultérieure.
Il s’agit d’une bombe à retardement laissée à la prochaine mandature, pour un montant qui pourrait aller jusqu’à 400 millions d’euros. Il faudra rembourser !
Cela dit, sous réserve de l’adoption de l’amendement que j’ai mentionné, la commission des finances propose l’adoption des crédits de ce compte d’affectation spéciale.
Mme le rapporteur spécial applaudit.
La parole est à Mme Christine Lavarde, au nom de la commission des finances.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me fais le porte-parole de Jean Bizet, qui a pris ma suite comme rapporteur spécial pour les crédits de la mission « Investissements d’avenir ».
Je suis heureuse de constater que les crédits demandés pour 2020 s’élèvent à 2 milliards d’euros, soit près du double du montant qui a été voté l’année dernière. Cela témoigne incontestablement de la montée en puissance du troisième programme d’investissements d’avenir, le PIA 3. La nouvelle programmation triennale prévoit ensuite une stabilisation autour de 2 milliards d’euros en 2021 et 2022.
Au-delà de cette augmentation des crédits, nous pouvons affirmer qu’après un démarrage relativement poussif le PIA 3 est désormais pleinement mis en œuvre. Quatre chiffres en témoignent : 90 % des autorisations sont consommées, 26 conventions État-opérateurs ont été signées sur 27, 820 projets sont aujourd’hui en phase active, donnant lieu à un investissement de 1, 7 milliard d’euros.
Le PIA 3 est composé d’un nombre important d’actions qui permettent le financement de très nombreux projets. Il me sera donc impossible de les évoquer un par un. Je peux en revanche remarquer que la majorité des actions du PIA 3 ont pour objet de soutenir la recherche et de la valoriser.
Jean Bizet tenait à s’arrêter sur l’action « Programmes prioritaires de recherche », qui illustre bien les forces et les faiblesses du modèle des programmes d’investissements d’avenir. Dotée de 400 millions d’euros, cette action traduit bien l’esprit des PIA : l’État stratège fixe le cap en matière de recherche fondamentale, en définissant les principaux chantiers qui seront éligibles à un financement ; l’Agence nationale de la recherche (ANR) est l’opérateur chargé de mettre en œuvre cette ambition.
Nous nous félicitons que figure le chantier de l’intelligence artificielle. L’Europe et la France ont accumulé trop de retard dans ce domaine ; le concours de 75 millions d’euros apporté par le PIA 3 à la constitution des nouveaux instituts interdisciplinaires d’intelligence artificielle (3IA) n’est donc pas de trop. Une certaine dispersion – pour ne pas dire un saupoudrage – des fonds publics en faveur de l’intelligence artificielle peut toutefois être déplorée.
Nous sommes plus dubitatifs quant à la thématique « Recherche dans le domaine du sport de très haute performance », qui se voit dotée de 20 millions d’euros au sein de cette même action. Ce domaine ne semble pas parfaitement intégré aux objectifs du PIA.
Il en va de même, cette fois dans le domaine culturel, du projet, repoussé mais pas enterré, de financer la rénovation du Grand Palais par les crédits du PIA. La commission des finances est vivement opposée à ce type de détournements.
Il ne s’agit pas de remettre en cause le bien-fondé d’un soutien public à de telles initiatives ; nous constatons simplement que les actions du PIA 3 ne constituent pas l’instrument adapté. Rappelons que les PIA ont été instaurés de manière à accroître le potentiel de croissance de l’économie française en investissant dans des chantiers prioritaires définis par un État stratège, et non pour concourir au financement d’événements ponctuels ou à la rénovation de notre patrimoine.
L’année 2020 marquera le dixième anniversaire du premier PIA ; il est donc l’heure d’en tirer un premier bilan. Celui-ci nécessite une évaluation minutieuse et complexe.
En 2010, le PIA 1 avait été présenté comme une initiative exceptionnelle, un grand emprunt visant à investir dans l’avenir et à tourner la page de la crise. Dix ans et deux PIA plus tard, on pourrait craindre une certaine forme de banalisation de l’exceptionnel. Le secrétariat général pour l’investissement, ainsi que les opérateurs, tendent au contraire à considérer que c’est précisément cette stabilité qui fait la force du dispositif : elle contribue à faire du label PIA un repère que les agents économiques se sont approprié et qui tend à apporter de la crédibilité au soutien public à l’innovation de long terme. C’est ce débat qu’il faudra trancher.
En l’état, la commission vous propose d’adopter sans modification les crédits de cette mission.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
La parole est à Mme Sophie Primas, au nom de la commission des affaires économiques.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je serai bien moins agréable que mes collègues. L’an dernier, dans l’attente de nos débats sur la loi Pacte, la commission des affaires économiques avait émis un avis de sagesse sur les crédits du compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État ». De nombreuses interrogations avaient alors été exprimées, qui persistent toutefois. Dès lors, la commission a émis un avis défavorable sur les crédits de ce compte cette année. Deux raisons principales président à ce choix.
La première raison est de forme. L’information fournie au Parlement est toujours aussi lacunaire. Nous n’avons pas d’informations sur les moyens de fonctionnement de l’Agence des participations de l’État et d’importantes masses financières sans lien avec l’action de l’APE transitent par ce compte, comme la recapitalisation des banques multilatérales de développement.
Par ailleurs, les crédits qui figurent dans ce compte sont présentés de façon notionnelle, autrement dit fictive, pour des raisons de confidentialité. Si nous comprenons la nécessité de la confidentialité, nous souhaiterions tout de même que l’information du Parlement se fasse, d’une façon ou d’une autre.
La seconde raison est de fond. L’atrophie progressive du portefeuille de l’APE est inquiétante. L’État opère actuellement un recentrage de son portefeuille sur un nombre très réduit d’actifs : EDF représente aujourd’hui la moitié de la valeur de son portefeuille. Or cela prive l’État de marges de manœuvre dans le cas où des liquidités seraient requises de façon urgente pour protéger une entreprise fragile ou menacée.
Surtout, le fameux fonds pour l’innovation et l’industrie, qui est alimenté par le produit des cessions et doit générer un rendement de 250 millions d’euros par an, se révèle de plus en plus un tour de passe-passe budgétaire. Les 10 milliards d’euros résultant de ces cessions seront placés en bons du Trésor : les 250 millions d’euros en question seront donc, de fait, versés par l’État lui-même, à un taux bien supérieur à celui du marché, alors qu’il perd de l’autre côté les dividendes des entreprises privatisées.
En outre, M. le ministre de l’économie et des finances nous expliquait, au cours de nos débats sur la loi Pacte, que le financement de l’innovation serait ainsi plus stable que ne le permettrait un financement par les dividendes. Or il est maintenant prévu pour 2023 une clause de revoyure qui permettra de diminuer le rendement de ce fonds s’il se révèle supérieur à celui du marché, ce qui est plutôt de bonne gestion, mais ne manquera pas d’arriver. Même la stabilité du financement n’est donc à ce jour plus garantie.
Entre temps, le Parlement perd son pouvoir de contrôle, puisque les subventions budgétaires à l’innovation diminuent au profit de ce fonds, qui échappe pour sa part totalement à notre contrôle.
Telles sont, mes chers collègues, les raisons qui ont conduit la commission des affaires économiques à émettre un avis défavorable à l’approbation de ce compte.
Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque unité de discussion comprend le temps de l’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de dix minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Franck Menonville.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons à présent les crédits de trois missions distinctes : « Remboursements et dégrèvements », « Engagements financiers de l’État » et « Investissements d’avenir ».
Derrière ces noms austères, au-delà des chiffres froids, nous devons lire les grandes orientations choisies par le Gouvernement pour 2020 et, sans doute, pour les années qui suivront. Notre discussion d’aujourd’hui est beaucoup plus politique qu’il n’y paraît : il s’agit de définir, par le truchement de la dette et de la créance, le rôle de l’État en tant qu’actionnaire et en tant qu’investisseur.
L’exercice n’est pas simple : il nous revient d’établir une stratégie pour l’avenir en tenant compte des engagements passés. C’est toutefois l’apanage de l’État que de garantir la stabilité dans le temps.
Commençons par le passé. Le programme 117, « Charge de la dette et trésorerie de l’État », a pour objet les engagements financiers de l’État, c’est-à-dire la charge de la dette, le coût que nous supportons aujourd’hui pour assumer les décisions d’hier. Il s’agit d’une ligne incontournable de notre budget : le montant de ses crédits de paiement est le troisième plus important de notre budget. Ce n’est pas sans cause : notre pays a usé et, sans doute, abusé de la dette depuis plusieurs décennies.
Pourtant, en valeur absolue, notre dette continue d’augmenter, même si cette augmentation se fait plus lentement qu’auparavant. Néanmoins, la charge de la dette, quant à elle, diminue, compte tenu des taux extrêmement bas.
Certains affirment qu’il faudrait en profiter pour s’endetter plus encore, que nous serions mal avisés de ne pas saisir l’opportunité de taux si bas. Or c’est précisément parce que nous avons trop longtemps cédé aux sirènes de la dette que nous ne pouvons pas saisir cette opportunité.
Nous avons trop longtemps repoussé les réformes structurelles engagées aujourd’hui. C’est parce que nous avons manqué de sérieux budgétaire que nous avons moins de marges de manœuvre. En laissant filer notre dette, nous avons aussi un peu renoncé à notre liberté d’action.
Il y va de la résilience de notre pays face aux aléas économiques et géopolitiques. Que se passera-t-il quand les taux remonteront ? Certes, le choc sera certainement moins brutal que ce qu’annoncent les crieurs d’apocalypse, mais il est inévitable dans le temps. Il importe donc de se prémunir contre ces incertitudes qui hypothèquent notre avenir.
C’est pourquoi l’augmentation de 5 milliards d’euros des crédits alloués aux dégrèvements ne constitue pas vraiment une bonne nouvelle, quand bien même il s’agit de crédits évaluatifs, et non de plafonds de dépenses.
Il paraît crucial d’accélérer le désendettement de l’État. Les cessions d’actifs décidées par le Gouvernement et actées dans le cadre de la loi Pacte devraient y contribuer. Si le doute est permis et même requis lorsque l’État se désengage d’entreprises aussi performantes et stratégiques que celles-ci, le choix de réorienter les moyens qui seront ainsi obtenus vers le financement de l’innovation me semble néanmoins judicieux.
C’est dans cette lignée que s’inscrivent les crédits alloués au programme d’investissements d’avenir : 35 milliards d’euros avaient été investis dans le cadre du premier programme, en 2010, 12 milliards d’euros dans le deuxième, en 2014 ; ce sont à présent 10 milliards d’euros qui seront investis dans ce troisième programme. Ce choix permet d’articuler obligation de responsabilité budgétaire et nécessité d’investir dans le futur.
Il est sans doute trop facile de regretter, en même temps, que le désendettement de l’État et sa stratégie d’investissements soient trop peu ambitieux. Pour le groupe Les Indépendants, il s’agit plutôt là d’alléger le poids du passé sans obérer l’avenir.
Nous soutenons la mobilisation de fonds visant à financer l’innovation de rupture afin de préparer notre pays aux enjeux de demain. Nous encourageons vivement le Gouvernement à poursuivre ses efforts pour maîtriser la dépense publique, car nous sommes encore bien loin de l’équilibre.
Nous voterons donc les crédits de ces missions.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants. – Mme le rapporteur spécial applaudit également.
Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les contraintes de l’ordre du jour nous obligent à examiner en une seule et même discussion les crédits de trois missions qui touchent à des sujets différents et dont les budgets additionnés s’élèvent à près de 200 milliards d’euros.
J’observe d’ailleurs que l’Assemblée nationale a retenu un découpage différent, ce qui témoigne de la porosité de cette discussion avec celle que nous venons d’avoir sur les crédits de la mission « Économie » et celle qui suivra sur le budget des administrations de Bercy et le patrimoine immobilier de l’État.
Voici, en résumé, ce qui caractérisera ces différentes missions en 2020 : une hausse marquée des restitutions d’impôts aux particuliers et aux entreprises dans la mission « Remboursements et dégrèvements », une baisse significative de la charge de la dette dans la mission « Engagements financiers de l’État », la poursuite du Grand plan d’investissement dans la mission « Investissements d’avenir ».
En 2020, la mission « Remboursements et dégrèvements » concernera, d’une part, les restitutions d’impôts d’État, à hauteur de 118 milliards d’euros, d’autre part, les restitutions d’impôts locaux, pour 23 milliards d’euros.
Bien qu’il ne s’agisse que de crédits évaluatifs, le montant total, de l’ordre de 141 milliards d’euros, est très important. Cela est d’autant plus étonnant que ce montant n’a pas toujours été retracé dans les documents de présentation du projet de loi de finances transmis au début du mois d’octobre, même s’il est vrai que ce n’est pas à proprement parler une politique publique.
Les remboursements et dégrèvements sont en hausse continue depuis plusieurs années ; l’année prochaine ne fera pas exception. Comment comprendre cette évolution ? Est-elle due à un nombre croissant d’erreurs dans le recouvrement de l’impôt ou bien à de mauvaises déclarations par les contribuables ?
Notons en particulier le montant des restitutions pour le prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu : 10 à 15 milliards d’euros ! Les restitutions portant sur la taxe d’habitation connaissent quant à elles la plus forte hausse – 28 % –, ce qui a d’ailleurs été souligné dans les médias au mois de septembre dernier. Faut-il y voir une conséquence directe de la réforme de la taxe d’habitation ?
Enfin, je suis frappé par le montant des remboursements de crédits de TVA, qui représentent la majeure partie de ce budget. Il est vrai que la TVA est la plus importante ressource de l’État.
Ces remarques émises, je ne vois pas de raison de nous opposer à l’adoption de ces crédits, puisqu’ils ne sont qu’évaluatifs, mais je serais heureux de recevoir quelques éclaircissements sur les points que je viens d’évoquer. Je n’ai pas d’observations particulières à formuler sur les articles rattachés, qui prévoient simplement la remise de rapports.
En ce qui concerne la mission « Engagements financiers de l’État », la charge de la dette, portée par le programme 117, s’établit à 38, 1 milliards d’euros, soit 4 milliards d’euros de moins que l’an dernier. Le passage sous la barre symbolique des 40 milliards d’euros est une bonne nouvelle de ce projet de loi de finances, sinon la seule. On ne peut toutefois pas parler de cagnotte, dans la mesure où le budget reste en déficit, et ce malgré des besoins réels dans certains domaines.
Conséquence de la situation monétaire favorable, l’endettement se stabiliserait à 98, 7 % du PIB, comme en 2019. C’est la première fois depuis la crise de 2008 que l’on constate une stabilisation, même si le niveau d’endettement reste élevé.
Aussi, le besoin de financement de l’État progressera encore en 2020, mais davantage pour rembourser les intérêts de la dette passée que pour financer le déficit.
Voilà donc quelques éléments d’amélioration, dans ce qui reste néanmoins le deuxième ou troisième poste de dépense.
Parmi les autres budgets notables attachés à cette mission, je relève le fonds de soutien aux collectivités ayant contracté des emprunts toxiques, la participation au mécanisme européen de stabilité et les quelque 264 millions d’euros versés sur le compte d’affectation spéciale « Participation de la France au désendettement de la Grèce » ; autant de dispositifs dont les effets mériteraient d’être éclaircis dans un contexte de taux d’intérêt négatifs.
Le compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État » sera marqué par les privatisations approuvées dans la loi Pacte, dont nous connaissons tous les enjeux. Après des cessions d’un montant de 8 à 10 milliards d’euros, le portefeuille de l’État actionnaire sera sensiblement réduit.
L’enjeu majeur est désormais le financement et le bon fonctionnement du fonds pour l’innovation de rupture, devenu fonds pour l’innovation et l’industrie. Placé sous l’autorité de Bpifrance, il doit apporter un soutien aux projets innovants, à hauteur de 250 millions d’euros par an. Continuer à investir tout en se désendettant, voilà l’équation difficile que doit résoudre le Gouvernement.
J’en viens justement à la mission « Investissements d’avenir ». Depuis le lancement du premier PIA, voilà une décennie, par la commission Juppé-Rocard, 46 milliards d’euros ont été investis et plus de 6 000 projets ont été soutenus. Il me semble pertinent de continuer à soutenir ce budget qui finance des projets innovants, d’autant que l’investissement représente globalement une part réduite du budget de l’État.
Il faut, en particulier, améliorer l’effet de levier du PIA 3, afin de le rapprocher de celui du Plan d’investissement pour l’Europe lancé par l’ancien président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, qui a obtenu des résultats très positifs.
J’ai formulé un certain nombre de remarques et d’interrogations au sujet desquelles je serais heureux d’obtenir des éclaircissements de la part du Gouvernement. Cela étant, en principe, mon groupe devrait approuver les crédits de ces différentes missions, à moins qu’ils ne soient profondément modifiés par l’adoption d’amendements.
Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous devons aujourd’hui étudier les crédits de plusieurs missions et comptes spéciaux. Je ne pourrai donc être exhaustif, mais j’insisterai sur plusieurs points.
La mission « Investissements d’avenir » contient des crédits qui viennent soutenir la vision d’un État stratège. Elle porte des engagements qui dépassent les clivages partisans, tant les enjeux qu’elle sous-tend sont structurants pour la croissance à venir de notre pays.
Le programme d’investissements d’avenir, acté en 2010, a été relancé en 2014, puis en 2017, pour un total de 57 milliards d’euros en autorisations d’engagement. Il a cependant évolué : tandis que sa première incarnation identifiait six axes stratégiques à travers une gestion extrabudgétaire, le PIA 3 a fait l’objet de la création de la mission que nous étudions, composée de trois programmes : « Soutien des progrès de l’enseignement supérieur et de la recherche », « Valorisation de la recherche » et « Accélération de la modernisation des entreprises ».
Il faut se féliciter de ce que les gouvernements successifs aient maintenu leurs engagements à ce titre, mais aussi du fait que les crédits de paiement ouverts pour 2020 soient supérieurs aux engagements prévus en loi de programmation. Le PIA 3 est désormais intégré dans le Grand plan d’investissement présenté au mois de septembre dernier, avec pour objectif de créer un choc d’offre et de doper la croissance du PIB.
Il faut s’en féliciter au regard des justifications économiques des interventions de l’État dans la structuration de filières. Je pense notamment à leur effet d’entraînement – spill over – sur l’ensemble de l’économie, mais aussi au rôle de palliatif qu’elles jouent vis-à-vis des asymétries d’informations entre prêteurs et emprunteurs, qui peuvent empêcher des investissements privés de long terme et qui expliquent que certains secteurs ne parviennent pas à financer des projets de long terme pourtant viables du point de vue économique. Pour le dire autrement, mes chers collègues, le marché ne peut pas tout et l’intervention de l’État a, économiquement, toute sa place.
Je crois d’ailleurs que le choix qui a été fait, dans le PIA 3, de structurer les priorités de l’amont vers l’aval de la chaîne de production, à partir de l’enseignement et de la recherche, et en direction de l’innovation et du développement des entreprises, se révèle utile, tant il est difficile d’identifier les nouveaux produits ou les nouvelles technologies qui émergeront à l’avenir.
L’État doit organiser le cadre du développement des entreprises et mettre en place une gouvernance adaptée pour soutenir les meilleurs projets. C’est tout l’objet de ce programme, aux côtés des opérateurs chargés de sa mise en œuvre : la Caisse des dépôts et consignations, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), Bpifrance et l’Agence nationale de la recherche.
Cette intervention a d’autant plus de sens que les taux d’intérêt sont faibles. Ce n’est pas moi qui le dis, mais les économistes de toutes chapelles, notamment Laurence Boone, cheffe économiste de l’OCDE.
Cette faiblesse des taux d’intérêt est retracée dans le programme 117 de la mission « Engagements financiers de l’État ». Selon moi, si tous les groupes politiques partagent le même souci de bonne tenue des finances publiques, nous pouvons nous réjouir que les crédits alloués à la charge de la dette et à la trésorerie de l’État aient diminué entre la loi de finances pour 2019 et le projet de loi de finances pour 2020, passant de 42 milliards d’euros à 38 milliards d’euros. Rappelons que c’est le niveau prévisionnel le plus faible depuis 2002, alors même que l’État assume cette année la reprise de la dette de SNCF Réseau.
Je crois que nous pouvons d’ailleurs, sans l’écarter pour autant, minorer le risque qu’une hausse des taux pourrait faire peser sur la soutenabilité de la dette publique. En effet, la France a profité de la faiblesse des taux d’intérêt pour allonger l’échéance de sa dette : parce que la dette publique présente aujourd’hui une maturité assez longue, une hausse des taux d’intérêt ne devrait pas se traduire immédiatement par une hausse des intérêts à verser.
À ce titre, les études menées sur le Japon par Olivier Blanchard, ancien chef économiste au FMI, nous rassurent.
Ce serait d’ailleurs un bon signe que les taux d’intérêt remontent, car cela signifierait que la croissance et l’inflation augmentent similairement. L’accroissement du PIB nominal réduirait alors mécaniquement les ratios d’endettement.
Toutefois, je partage votre demande, madame le rapporteur spécial : le Parlement pourrait bénéficier d’une information budgétaire plus claire, en particulier sur le calcul de la dette. Vous soulignez que le programme 117 ne reflète pas l’ensemble de la charge de la dette que doit gérer chaque année l’Agence France Trésor (AFT). Ainsi, la charge de la dette reprise de SNCF Réseau figure sur une autre ligne budgétaire.
Le Gouvernement gagnerait en pédagogie s’il avait l’appui du Parlement sur ces questions. Le travail très intelligent qu’accomplit l’Agence France Trésor pour gérer la dette de l’État ne s’en trouverait pas pour autant remis en cause.
Dans le domaine européen, il est évident que certains sujets sont toujours d’actualité, en premier lieu la mutualisation d’une partie de la dette des États membres de la zone euro. Une telle mutualisation permettrait d’éviter tout écart entre les taux de croissance et les taux d’intérêt de la Banque centrale européenne.
Je conclurai, mes chers collègues, en rappelant qu’il est nécessaire d’investir de façon massive en faveur de la transition écologique. À cet égard, on ne peut que saluer la décision de la Banque européenne d’investissement de renoncer au financement d’énergies fossiles et espérer qu’elle parvienne, comme elle le souhaite, à débloquer 1 000 milliards d’euros d’investissements en faveur du climat et du développement durable au cours de la prochaine décennie. Il a beaucoup été question, au cours de l’examen de ce projet de loi de finances, de l’affectation de recettes à la transition écologique : les investissements structurels doivent être à la hauteur des enjeux.
Notre groupe votera sans réserve les crédits de ces trois missions et de ces douze programmes.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est complexe d’évoquer en cinq minutes les impôts locaux, la taxe d’habitation, la retenue à la source, les crédits d’impôt, l’État actionnaire et les investissements d’avenir ! Je concentrerai donc mon propos sur l’État actionnaire.
Comme cela a été souligné dans de nombreux rapports parlementaires récemment, le compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État » témoigne d’un retrait de l’État actionnaire et de la réduction de son portefeuille à un nombre limité d’actifs. Un tel programme de cessions, stratégiques à plusieurs titres, soulève de nombreuses questions et démontre que le Gouvernement considère que l’État est un actionnaire comme un autre et qu’il fait ainsi fi d’un héritage ancien.
Or, comme le soulignait la Cour des comptes en 2017, « l’État n’est pas un actionnaire comme un autre », car ses motifs de politique économique ou sociale ou de souveraineté « dépassent les seules dimensions patrimoniales ». Elle indiquait également que « la multiplicité des objectifs poursuivis, souvent contradictoires, caractérise l’État actionnaire ».
Ces contradictions sont le propre de l’État. Vouloir faire de l’État un opérateur commun, c’est dénaturer sa participation dans l’économie et la financiariser. Pour notre part, nous ne pensons pas que les entreprises publiques doivent être des entreprises comme les autres, car elles sont un levier majeur pour transformer l’économie et répondre aux exigences en matière d’environnement et de justice sociale.
Nous ne sommes pas les seuls à le penser. Dans son rapport pour avis, Alain Chatillon rappelle que le portefeuille de l’État est avant tout un « instrument au service de la politique stratégique de l’État » : « Les mouvements de capitaux, en particulier les cessions, ne sauraient servir simplement de variable d’ajustement à la politique budgétaire conduite par le Gouvernement : la prise en compte d’enjeux industriels, de compétitivité et de souveraineté économique doit toujours primer sur la logique budgétaire. » Nous ne pourrons peser face aux multinationales « qu’à partir d’une politique industrielle française stratégique, dont les participations financières de l’État sont une des déclinaisons ».
Dès lors, la privatisation de la deuxième loterie européenne et quatrième loterie mondiale, d’un groupe qui se porte bien, dont le chiffre d’affaires s’élève à 1, 9 milliard d’euros et la marge opérationnelle à 19 % – ils sont peu nombreux dans ce cas –, est tout à fait incompréhensible.
Parler d’un engouement populaire, c’est aller un peu vite en besogne ! L’argument est fallacieux… Ce sont les plus aisés et les plus diplômés – cadres, professionnels libéraux, indépendants, retraités – qui placeront leur épargne en actions. À cet égard, la privatisation de la Française des jeux (FDJ) ne fait pas exception à la règle. Ce sont les gens modestes et les moins diplômés qui consacrent aux jeux de hasard la part la plus importante de leurs revenus, comme le souligne avec justesse le journaliste Jean-Michel Bezat. Les addictions risquent de croître. Vous le savez pertinemment : augmenter le chiffre d’affaires, c’est aussi augmenter les dépenses des joueurs, donc leur addiction !
Il en va de même de la privatisation d’Aéroport de Paris (ADP), qui reste un actif stratégique, quoi qu’en pense le Gouvernement. Je rappelle que la valorisation boursière de ce groupe a été multipliée par quatre en dix ans, dans un contexte où le transport aérien devrait encore fortement croître au cours des prochaines années. Groupe ADP a versé à l’État un dividende de 132 millions d’euros en 2017.
Quant à l’argument du désendettement avancé ce matin, il ne nous convainc guère, pas plus que celui de la nécessité de mettre en place un Fond pour l’innovation et l’industrie. La Cour des comptes a d’ailleurs largement critiqué cet outil qualifié de tuyauterie budgétaire « inutilement complexe », alors qu’il aurait suffi de financer ce fonds sur une ligne budgétaire dédiée, à hauteur de 250 millions d’euros.
Enfin, nous partageons les conclusions du rapporteur spécial : du fait de la cession massive de ses participations et du recentrage de son portefeuille, l’État actionnaire et stratège devient un État gestionnaire.
Le pire est que le Parlement est dessaisi : il n’intervient pas sur l’évolution de ce portefeuille. Certes, il doit se prononcer sur les privatisations en tant que telles, mais il ne peut pas participer à la définition de la stratégie actionnariale de l’État. De même, il ne peut se prononcer sur les mouvements financiers, en d’autres termes les achats et les ventes de titres.
Comme le soulignait la rapporteure à l’Assemblée nationale, le Parlement n’a aucun pouvoir non plus sur l’affectation des dividendes issus des participations de l’État, parce que ceux-ci sont versés non à l’Agence des participations de l’État, mais directement au budget général.
Bref, vous l’aurez compris, nous voterons contre les crédits du compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État », qui affiche des recettes de cessions de 11 milliards d’euros, alors même que la privatisation de la FDJ est en cours, que celle d’Engie n’est pas à l’ordre du jour et que celle d’ADP est aujourd’hui suspendue. Nous sommes en effet résolument opposés à ces privatisations et au retrait de l’État de la sphère économique.
Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.
Applaudissements sur les travées du groupe UC.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la discussion budgétaire qui nous réunit en cette fin de matinée porte sur les missions « Remboursements et dégrèvements », « Engagements financiers de l’État » et « Investissements d’avenir » pour l’année 2020.
La mission « Remboursements et dégrèvements » constitue, en volume, la plus importante du budget général de l’État : les crédits ouverts s’établiront à 141 milliards d’euros en 2020, soit le tiers des recettes fiscales brutes et près de la moitié des recettes nettes. Ils représentent une hausse de 6 milliards d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2019.
Dans les grandes masses, cette augmentation s’explique, malgré le recul des dépenses contentieuses, par la mise en œuvre du prélèvement à la source, du dégrèvement de taxe d’habitation pour 80 % des ménages, ainsi que par la suppression du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), dont le coût en matière de remboursements et dégrèvements avoisine les 10 milliards d’euros, malgré la transformation du dispositif en réductions de charges sociales.
Monsieur le ministre, cette nouvelle augmentation de près de 4 % des crédits de la mission n’est-elle pas la conséquence d’une politique fiscale construite avec délice sur la multiplication de dérogations foisonnantes, qui la rendent souvent illisible et injuste ?
J’en viens aux crédits de la mission « Engagements financiers de l’État », destinés à assurer le financement de l’État en toutes circonstances, à garantir ses positions liées au développement international de l’économie française et à favoriser les politiques d’épargne. Cette mission couvre presque exclusivement la charge de la dette publique, qui représente 99 % de ses crédits. La dette française atteindrait ainsi 98, 7 % du PIB à la fin 2020, soit plus de 40 points de plus que l’Allemagne l’an prochain et près de 40 points de plus que notre propre ratio voilà seulement douze ans.
Je tiens ici à saluer le rapport spécial de Nathalie Goulet. Certes, il est très alarmant, mais parfaitement lucide, car solidement étayé.
Nous pourrions nous féliciter de la baisse des crédits de la mission, qui sont en reflux de 4 milliards d’euros, d’autant plus qu’elle résulte principalement de la diminution de la charge de la dette. Cependant, celle-ci n’est que la conséquence de taux d’intérêt extrêmement favorables, nullement le fruit d’efforts consentis par notre pays en faveur de la réduction de la dépense et du désendettement publics.
D’ailleurs, la dette de l’État, en valeur nominale, est en nette augmentation, puisqu’elle devrait passer de 1 806 milliards d’euros en 2019 à 1 891 milliards d’euros en 2020. C’est une charge terrible qui est ainsi transmise aux générations futures, sur les épaules desquelles va peser le fardeau d’une dette à laquelle elles n’auront jamais consenti.
Il faut en effet avoir à l’esprit que, en 2020 encore, sur quatre euros de dépense publique, un euro sera financé par la dette. Cela signifie concrètement que l’impôt aujourd’hui sert non pas à résorber l’endettement de l’État, mais à financer de nouvelles dépenses, en plus de celles qui sont déjà prévues.
Non seulement nous vivons à crédit, sur les dépenses des générations futures, mais, au surplus, nous obérons notre capacité d’investissement public. Dans un contexte marqué par l’incertitude géoéconomique et géostratégique et par des perspectives de croissance pour le moins dégradées, il est urgent d’engager un réel effort structurel de désendettement, afin que soit tenu l’objectif fixé par le Gouvernement d’une réduction de la dette publique à hauteur de 5 points de PIB.
Il s’agit tout à la fois de nous préserver de toute difficulté en cas de remontée soudaine des taux d’intérêt, de nous ménager d’indispensables marges de manœuvre et, de façon moins anecdotique qu’on ne le croit, de respecter les engagements pris devant les Français par le Président de la République au début du quinquennat.
Je dirai enfin un mot sur la mission « Investissements d’avenir ». Le programme d’investissements d’avenir, qui est aujourd’hui en phase 3, constitue un soutien public de 10 milliards d’euros à l’enseignement supérieur, à la recherche et à la modernisation des entreprises. Si nous ne pouvons que nous réjouir de l’objectif affiché, nous demeurons vigilants, je tiens à le redire ici, sur les évaluations qui doivent être conduites en la matière.
Quoi qu’il en soit, suivant les avis de la commission des finances, le groupe Union Centriste adoptera les crédits de ces trois missions.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi de paraphraser Corneille – pas le chanteur ! – et la tirade de Don Diègue, acte I scène IV du Cid, car j’ai l’impression qu’Emmanuel Macron est un peu le Don Diègue de la dette :
« La dette, qu’avec respect tout le marché admire,
« La dette, qui a tant de fois sauvé cet empire,
« Trahit donc ma querelle, et ne fait rien pour moi ? »
Sourires.
Voilà ce qui risque d’arriver si nous continuons à nous endetter de manière inconsidérée, monsieur le ministre. La dette de la France représente aujourd’hui 100 % du PIB, contre 60 % il y a dix ans, avant la crise de 2008, même si la charge de notre dette a diminué, la rendant totalement indolore, mais également « non bankable », comme on dit sur les marchés.
Qui peut en effet admettre que la France émette l’année prochaine autant de dettes que l’Italie, soit plus de 210 milliards d’euros ? Or l’Italie, que l’on moquait parce que sa dette atteignait 130 % de son PIB et qui était le mauvais élève de l’Union européenne, sans gouvernement stable – à cet égard, la tradition n’a pas changé – est petit à petit redevenue crédible.
Pour notre part, nous n’avons plus de marges de manœuvre. Nous nous félicitons des taux négatifs, mais pour de mauvaises raisons, car on ignore bien souvent les mécanismes des taux – j’ai d’ailleurs entendu à l’instant proférer des erreurs économiques majeures. Il est important de dire qu’il n’existe pas de macro-économie qui supporte des taux d’intérêt négatifs, qu’il n’y a pas de macro-économie positive, pas de croissance avec des taux d’intérêt négatifs. Cela n’existe pas dans l’histoire économique ! Peut-être est-ce cela le « nouveau monde » : une nouvelle magie financière ? Pour ma part, je n’y crois pas.
Je m’étonne que notre déficit structurel soit exactement égal à notre déficit conjoncturel. Alors que l’output gap est fermé, notre déficit devrait être à zéro, monsieur le ministre. Voilà la vérité ! Or nous continuons de nous endetter, ce qui constitue une erreur majeure.
Certes, nous faisons des tours de passe-passe, mais leur effet sur la dette publique est neutre. La reprise de la dette des hôpitaux, c’est de la dette publique ! Quand on comble le déficit de l’École nationale d’administration (ENA), qui est un organisme divers d’administration centrale (ODAC), c’est aussi de la dette publique ! La reprise de la dette de SNCF Réseau, c’est encore de la dette publique ! Tout cela, c’est de la dette, que nous paierons demain avec les impôts, si nous en avons les moyens.
Les tours de passe-passe ne fonctionnent pas en économie. Il n’y a pas d’argent magique. Cela n’existe pas !
Si nous étions une collectivité locale, nous nous endetterions pour investir, mais nous aurions des actifs productifs. Tel n’est pas le cas de l’État, monsieur le ministre. L’État s’endette, lui, pour payer les charges courantes, et c’est bien le problème. Il n’investit pas, à part dans les programmes d’investissements d’avenir. C’est de la débudgétisation pure et simple. Pendant ce temps, nous privatisons et nous perdons des actifs productifs. Dans une entreprise, un tel bilan serait catastrophique – le dépôt de bilan serait bien évidemment assuré.
Si nous n’en sommes pas là, c’est parce que la croissance est un peu là, mais, en cas de véritable retournement, nous n’aurons plus la capacité de faire face à l’avenir, monsieur le ministre.
Rappelez-vous comment finit Don Diègue : il meurt !
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi de faire une observation liminaire sur la mission « Remboursements et dégrèvements ». Ses crédits s’élèvent à 141 milliards d’euros, soit une augmentation de plus de 5 milliards d’euros par rapport à l’année précédente. La tendance haussière se poursuit donc depuis 2010.
J’en viens maintenant aux crédits des trois missions.
Les crédits du programme 200, « Remboursements et dégrèvements d’impôts d’État », augmentent de 1, 5 milliard d’euros. Cette hausse globale de 1, 68 % recouvre des variations, dont les causes sont diverses. Vos explications seraient les bienvenues à cet égard, monsieur le ministre.
Toutefois, les indicateurs peuvent être questionnés. La cible, concernant les demandes de remboursements de crédits de TVA et de restitutions de trop-versé d’impôt sur les sociétés, est fixée à 80 %. Or cette cible, qui était de 89, 9 % en 2017 et de 88, 3 % en 2018, est en nette diminution. On peut donc s’interroger sur la validité du taux retenu, sur un sujet qui pourrait entraîner des tensions sur la trésorerie des entreprises.
Par ailleurs, les crédits du programme 201, « Remboursements et dégrèvements d’impôts locaux », augmentent une nouvelle fois de près de 3, 2 milliards d’euros, ce qui représente une progression de plus de 16 %. Les remboursements et dégrèvements liés à la taxe d’habitation, qui s’élèvent désormais à 14, 7 milliards d’euros, constituent la majeure partie de la dépense, manifestement du fait de la réforme de la taxe d’habitation.
Ainsi, ces remboursements et dégrèvements devraient représenter un tiers environ des recettes fiscales brutes correspondantes. Cette proportion, en constante augmentation, met en évidence que la politique fiscale repose essentiellement sur des décisions de nature à grever les ressources de l’État et à entraver ses marges d’action. Un réexamen des choix politiques qui sous-tendent ces évolutions nous semble d’évidence justifié.
Au regard de ces éléments globaux et malgré les réticences que je viens d’exprimer concernant notamment les orientations politiques du Gouvernement, le groupe socialiste et républicain votera en faveur de l’adoption des crédits de cette mission.
Les crédits de la mission « Engagements financiers de l’État » diminuent de 9, 36 %, passant de 42, 3 milliards à 38, 3 milliards d’euros. Le programme 117, « Charge de la dette et trésorerie de l’État », représente 99, 5 % des crédits à lui seul, avec un total de 38 145 milliards d’euros pour 2020, soit une baisse de 9, 3 %. Cette situation s’explique mécaniquement par la baisse des taux d’intérêt et par les taux négatifs, qui allègent la charge de la dette pour l’année 2020.
Bien qu’il y ait évidemment lieu de se réjouir de cet état de fait positif pour les finances publiques, nous ne devons pas nous laisser gagner par une euphorie anesthésiante ! Vous le savez, mes chers collègues, la faiblesse actuelle des taux est atypique et nul ne peut raisonnablement prédire combien de temps elle durera.
Les engagements hors bilan et les engagements implicites de l’État présentent également des risques. Les premiers ont été multipliés par trois ces quinze dernières années. Les moyens de contrôle du Parlement sur ces engagements sont très limités. Le Gouvernement doit donc fournir les informations nécessaires au Parlement afin de lui permettre d’apprécier pleinement la situation, s’agissant en particulier de la dette de l’État. J’ai d’ailleurs interrogé à ce sujet le rapporteur général de la commission des finances du Sénat.
Pour autant, le groupe socialiste et républicain votera les crédits de cette mission.
La mission « Investissements d’avenir » retrace les crédits du troisième programme d’investissement (PIA 3), adopté en 2017 et doté de 10 milliards d’euros pour la période 2018-2022.
Pour 2020, les crédits demandés s’élèvent à 2, 18 milliards d’euros, alors que le montant initialement inscrit était de 1, 88 milliard d’euros. Le Gouvernement s’écarte donc de la trajectoire budgétaire du PIA 3, puisqu’il dépasse le plafond de 4 milliards d’euros prévu sur la période triennale 2018-2020.
D’une part, le programme 421, « Soutien des progrès de l’enseignement et de la recherche », est doté de 435 millions d’euros de crédits de paiement pour 2020. D’autre part, le programme 422, « Valorisation de la recherche », est doté de 620 millions d’euros en crédits de paiement.
En dépit d’une hausse apparente de plus de 43 % du programme, les crédits de paiement à destination des opérateurs de l’État sont néanmoins en baisse. En effet, l’Agence nationale de la recherche a reçu 185 millions d’euros en 2019, alors que 115 millions d’euros sont prévus pour 2020. L’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) est également affectée, le projet de loi de finances pour 2020 prévoyant de lui accorder 37 millions d’euros en crédits de paiement, contre 40 millions d’euros antérieurement.
Les deux opérateurs chargés d’atteindre les deux objectifs du programme – faciliter l’approche de l’innovation et soutenir les investissements concourant au renforcement de la performance environnementale dans le parc industriel – voient leurs moyens diminuer par rapport à l’exercice antérieur. Nous regrettons fortement ces baisses sans justification apparente, alors que les enjeux sont particulièrement stratégiques.
Compte tenu de ces éléments, le groupe socialiste et républicain s’abstiendra sur les crédits de cette mission.
Monsieur le ministre, nous pourrions avoir le sentiment de discuter de sujets sans lien les uns avec les autres, mais tel n’est pas tout à fait le cas.
Le compte d’affectation spéciale (CAS) « Participations financières de l’État » contribue à la mise en œuvre opérationnelle des investissements d’avenir. En recettes, le CAS est abondé à hauteur de 1, 2 milliard d’euros en 2020 à partir du budget général. Les prises de participation dans les entreprises retenues au titre des appels à projets lancés dans le cadre du programme d’investissements d’avenir se traduisent par des dépenses du CAS.
La séparation entre le fonds pour l’innovation et l’industrie (FII) et le PIA 3 demeure floue, ces deux outils étant rattachés à deux missions différentes. En 2020, le FII investira 70 millions d’euros dans les start-up de la Deep Tech, 120 millions d’euros dans les grands défis de l’innovation de rupture et 60 millions d’euros dans les filières stratégiques, notamment dans le plan Nano 2022 et dans le plan batteries électriques). Or, dans le PIA 3, on trouve 4, 8 milliards d’euros pour le plan Nano 2022 et des financements pour le plan batteries électriques.
Enfin, le CAS « Participations financières de l’État » contribue au désendettement à hauteur de 2 milliards d’euros, soit une goutte d’eau au regard des besoins. D’ailleurs, notre rapporteur spécial estime que cet argent pourrait être mieux utilisé pour soutenir les entreprises du portefeuille de l’État.
Ces trois missions et le CAS présentent des défauts communs, notamment en matière de contrôle du Parlement.
La programmation dans le projet de loi de finances du CAS « Participations financières de l’État » est fixée de manière conventionnelle afin de préserver la confidentialité des opérations. Ce n’est qu’au moment de l’examen du projet de loi de règlement que le Parlement est réellement informé.
Le programme 117, « Charge de la dette et trésorerie de l’État », et le programme 731, « Opérations en capital intéressant les participations financières de l’État », contribuent tous deux à alimenter le fonds pour l’innovation et l’industrie. Le contrôle du Parlement sur ce fonds est faible, ce dernier étant géré par le Conseil de l’innovation. La Cour des comptes a d’ailleurs formulé des critiques justifiées dans une note d’exécution budgétaire récente : ce fonds permet « une affectation directe, en dehors du budget de l’État, de recettes de cessions de titres et de dividendes pour réaliser des actions qui auraient pu être financées par des programmes budgétaires ». Les 25 millions d’euros versés par fonds de concours au programme 120 dans le projet de loi de finances pour 2020 lui donnent raison.
Les crédits du PIA sont difficiles à suivre, car ils sont ventilés sur un grand nombre d’actions, ces dernières étant mises en œuvre par quatre opérateurs.
Le Parlement dispose également de peu de moyens pour contrôler les engagements hors bilan, dont le volume a été multiplié par trois ces dernières années.
Depuis 2013, les restitutions de TVA ont augmenté de plus de 11 milliards d’euros. Le mouvement se poursuit en 2020, les restitutions prévisionnelles étant supérieures de 3, 5 % au montant de 2019 actualisé. Le Parlement demande à être mieux informé sur le niveau de la fraude à la TVA, compte tenu de l’enjeu pour les finances publiques. Dans son référé du mois de décembre 2018, la Cour des comptes relevait que les indicateurs spécifiques à la délinquance économique et financière, qui figuraient dans les projets et les rapports annuels de performance des programmes 152, « Gendarmerie nationale », et 176, « Police nationale », de la mission « Sécurités », avaient disparu depuis 2014.
Ces missions et ce CAS présentent des zones de risques. Les conditions de rémunération de la dotation en numéraire du fonds pour l’innovation et l’industrie sont strictement supérieures à ce qui s’observe sur les marchés, ce qui laisse augurer des lendemains douloureux lors de la clause de revoyure fixée à 2023.
Par ailleurs, année après année, les prévisions du programme 200, « Remboursements et dégrèvements d’impôts d’État », demeurent inférieures aux coûts potentiels des contentieux de droit de l’Union européenne, lesquels se chiffrent à plus de 10 milliards d’euros.
Enfin, l’encours de dette négociable est en hausse constante ces dix dernières années. Cet accroissement traduit l’incapacité de l’État à assainir ses finances publiques. En cas de remontée des taux, la charge de la dette pourrait être multipliée par 1, 5 en moins de dix ans.
Le groupe Les Républicains votera les crédits de ces missions et du compte d’affectation spéciale, mais il restera vigilant pour les années à venir.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, il me revient d’essayer de répondre en quelques minutes aux différents intervenants sur ces missions.
J’évoquerai tout d’abord la mission « Engagements financiers de l’État ». Comme l’ont notamment souligné Mme le rapporteur spécial et M. Menonville, la faiblesse des taux d’intérêt réduit la charge de la dette, mais cela ne doit pas nous empêcher de rester vigilants – Mme Vermeillet ou M. Bascher l’ont indiqué.
Ainsi, le scénario de taux retenu pour le chiffrage de la charge de la dette, qui reste prudent, anticipe des conditions de financement encore favorables en 2020, pour les taux à moyen et à long terme comme pour les taux bas.
La prévision pour 2020 fait l’hypothèse – prudente – que le taux à 10 ans est amené à rebondir légèrement, depuis les plus bas historiques atteints à l’été 2019. Le taux à 10 ans s’élèverait à 0, 20 % à la fin 2019 et à 0, 70 % à la fin 2020.
Dans l’hypothèse où les taux directeurs se maintiendraient à un niveau bas pendant une période prolongée, le taux à trois mois s’élèverait à - 0, 50 % à la fin 2019 et à la fin 2020.
Compte tenu de ces hypothèses, la charge de la dette atteindrait 38, 6 milliards d’euros en 2020, soit un niveau inférieur de 1, 9 milliard d’euros à la prévision actualisée pour 2019, comme l’a notamment souligné Guillaume Arnell.
Toutefois, il nous faut rester extrêmement vigilants, comme nous y a invités Christine Lavarde. Un choc de 1 %, soit 100 points de base, sur l’ensemble des taux, au-delà du scénario de base retenu par le ministère, provoquerait une augmentation de la charge de 2 milliards d’euros la première année, puis de 4, 8 milliards d’euros et de 7, 3 milliards d’euros les deux années suivantes.
Pour continuer de bénéficier de taux d’intérêt favorables, il est important de garder la confiance des investisseurs en ne déviant pas de la trajectoire de consolidation des finances publiques. Cette situation doit nous inviter à poursuivre les réformes structurelles pour maîtriser les déficits publics. À cet égard, le Gouvernement est résolu à maîtriser la dépense publique, dont le poids passera de 53, 8 % du PIB en 2019 à 53, 4 % du PIB en 2020.
Pour cela, le ministère de l’économie et des finances a conduit des réformes structurantes.
Pour répondre aux différents défis posés par les mutations de l’économie, tout en contribuant au nécessaire assainissement de nos finances publiques, nous devons aussi transformer nos modalités d’action pour accroître l’efficacité des politiques mises en œuvre par le ministère. C’est l’un de nos objectifs. C’est ainsi que 282 suppressions d’emplois sont prévues en 2020, hors opérateurs, au sein du ministère de l’économie et des finances. La profonde modernisation engagée au sein de la direction générale des entreprises permettra en particulier d’économiser 152 emplois.
Hors charge de la dette, les autres engagements financiers de l’État sont maîtrisés, grâce à des actions engagées par le ministère.
Je citerai ici l’assurance prospection. Géré depuis 2017 par Bpifrance Assurance Export, et réformé en 2018, ce dispositif offre aujourd’hui à 11 000 PME une assurance contre le risque d’échec des actions de prospection à l’étranger, en prenant en charge une part des frais non amortis par un chiffre d’affaires suffisant sur la zone concernée.
Madame le rapporteur spécial, pour ce qui concerne la dotation en capital du mécanisme européen de stabilité, le projet de loi de finances ne prévoit aucune rétrocession. En effet, d’après nos projections, le taux de facilité de dépôt, dont l’évolution dépend de la BCE, restera positif pendant toute l’année 2020. Naturellement, si un besoin se faisait jour, nous nous donnerions les moyens de respecter l’engagement de la France pour la rétrocession des intérêts perçus sur le capital placé auprès des institutions européennes.
La programmation retenue pour le compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État » témoigne, elle aussi, de notre volonté de maîtriser les finances publiques tout en disposant de marges de manœuvre pour soutenir l’innovation.
Tout d’abord, pour répondre à M. Victorin Lurel et à M. Alain Chatillon, qui s’est exprimé par la voix de Mme Sophie Primas, je tiens à apporter une précision : si la plupart de ces crédits sont notionnels, c’est pour éviter de donner un signal aux marchés quant aux recettes. C’est également du fait de l’impossibilité de connaître le détail, le nombre et le montant de l’ensemble des opérations d’investissement susceptibles d’intervenir.
En effet, le Gouvernement est soumis à une double obligation : d’une part, le devoir d’information et de transparence à l’égard du Parlement ; d’autre part, la nécessité de gérer au mieux les deniers publics, donc de défendre les intérêts du contribuable, ce qui suppose de ne pas révéler aux marchés les intentions de l’État. C’est la tension entre ces deux impératifs qui justifie l’inscription de crédits notionnels.
Les réflexions actuelles portant sur les modalités de mise en œuvre de la LOLF conduiront vraisemblablement à revisiter la construction et le suivi des indicateurs de performance associés aux différentes politiques publiques. Dans ce cadre, le ministère saisira toute occasion de répondre à votre légitime demande d’un échange plus documenté sur ce CAS, qui est désormais un outil de transformation puissant.
La programmation de ce compte d’affectation spéciale à hauteur de 12, 18 milliards d’euros en recettes et en dépenses doit permettre l’abondement à hauteur de 8, 4 milliards d’euros du fonds pour l’innovation et l’industrie, les investissements en fonds propres au titre du troisième programme d’investissements d’avenir, le PIA 3, à hauteur de 1, 18 milliard d’euros et une contribution au désendettement de l’État à hauteur et de 2 milliards d’euros. Dans le même temps, il laisse une latitude pour toute autre dépense au titre du programme 731.
Monsieur Lurel, pour les raisons que j’ai déjà évoquées, il ne me semble pas opportun de diminuer la contribution au désendettement de l’État.
Le FII est un outil complémentaire essentiel pour financer plus spécifiquement des programmes de soutien aux innovations de rupture. Par sa stabilité dans le temps, par l’ampleur des montants distribués à travers lui et par ses conditions de mise en œuvre, il offre des modalités de soutien uniques. La réintégration du FII dans le budget général n’est pas pertinente à ce stade : il convient de garantir la stabilité des dispositifs, gage de confiance pour les acteurs économiques, et leur souplesse d’utilisation, qui est essentielle à une mise en œuvre efficace des actions proposées.
Je terminerai en abordant les questions qui ne relèvent pas directement du ministère de l’économie et des finances.
Monsieur Savoldelli, l’évolution des demandes de remboursement de TVA déposées par les entreprises auprès des services de la direction générale des finances publiques est liée à celle de certains agrégats macroéconomiques. Ainsi, lorsque leurs investissements ou leurs consommations intermédiaires s’accroissent, les entreprises sont davantage en situation de crédit.
Par ailleurs, le coût des contentieux fiscaux est, pour une part, le reflet de la sollicitation accrue des tribunaux par les contribuables et du développement de contentieux de masse. Il résulte également de la complexité de la norme fiscale.
Ces constats doivent nous conduire, collectivement, à être plus vigilants quant à la qualité de la norme lors de l’élaboration de la loi fiscale – il faut veiller à la fois à son intelligibilité et à sa régularité au regard des normes de rang supérieur. De même, il faut garantir la stabilité du droit : non seulement cette dernière favorise l’attractivité économique, mais elle tempère le risque de contentieux.
Au sujet du PIA, je souhaite répondre à M. Bizet, qui s’est exprimé par la voix de Mme Lavarde, ainsi qu’à M. Lurel.
Le PIA a pour but de renforcer la croissance potentielle de la France en misant sur l’économie de l’intelligence – enseignement, recherche, innovations économiques et sociales. Il s’agit de consacrer un effort d’investissement exceptionnel, ciblé sur les projets les plus structurants et prometteurs, au-delà des actions poursuivies par les ministères dans le cadre budgétaire habituel.
Le fonctionnement de ce programme repose sur des procédures de sélection ouvertes et compétitives, au moyen d’une stratégie interministérielle et transparente. Aujourd’hui, les objectifs de délais pour formaliser l’engagement de l’État à la suite du dépôt d’un dossier, puis pour contractualiser avec les lauréats, sont majoritairement respectés. Ces délais sont, pour chacune des deux étapes, de l’ordre de trois mois. Toutefois – j’en conviens pleinement –, il faut encore renforcer la démarche de simplification continue afin d’améliorer la qualité du service.
Monsieur Lurel, la gestion budgétaire spécifique du PIA a été instaurée de façon à préserver la vocation pluriannuelle de ce dispositif : les interventions publiques ainsi financées ne doivent pas être soumises aux contraintes politiques et administratives de court terme. Au demeurant, l’aspect dérogatoire du PIA doit être nuancé. Les principes budgétaires d’annualité et d’universalité ont été respectés. De plus, la trajectoire de paiements définie en 2017, puis actualisée en 2019, tient compte des contraintes des opérateurs, qui, à ce jour, n’ont pas fait part de difficulté majeure en gestion ou en trésorerie.
Le rapport de la Cour des comptes relatif à la fraude a également été mentionné.
En la matière, le Gouvernement est pleinement mobilisé : la loi du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude en est un exemple. Les mesures adoptées ont permis d’encaisser 5, 6 milliards d’euros au cours des neuf premiers mois de l’année 2019, …
… contre 4 milliards d’euros au titre de l’année 2018.
Certaines des mesures préconisées par la Cour des comptes sont déjà mises en œuvre. Ainsi, l’évaluation de la fraude fiscale doit être confiée à un organisme indépendant…
… et les plateformes numériques seront plus fortement responsabilisées, conformément au projet de loi de finances pour 2020.
La liste des paradis fiscaux va être mise à jour et, toujours en vertu du présent texte, le rôle des lanceurs d’alerte fiscale sera étendu. De surcroît, en matière de finances publiques, le Gouvernement travaille à plusieurs projets visant à améliorer l’efficacité de la réponse pénale.
La question de l’information du Parlement par l’APE a également été évoquée. Cette agence répond à toutes les questions que lui adressent les parlementaires, qu’elles portent sur des données financières ou humaines. En outre, le rapport de l’État actionnaire est joint au projet annuel de performance.
Au total, 88 entreprises relèvent de l’APE, pour un montant total d’environ 73 milliards d’euros. Sur les cinq dernières années, la performance du portefeuille s’établit à 3, 9 %, contre 3, 3 % pour le CAC 40. Hors énergie, la valeur du portefeuille coté a progressé de 113 % entre 2010 et 2019.
Enfin, monsieur Arnell, je vous le confirme : l’augmentation des montants des remboursements et dégrèvements s’explique par les compensations opérées par l’État au profit des collectivités territoriales, au titre de la réforme de la taxe d’habitation. À cet égard, l’État est bel et bien au rendez-vous de ses engagements.
Mesdames, messieurs les sénateurs, tels sont les éléments de réponse que je souhaitais vous apporter, en vous priant de bien vouloir voter ces crédits !
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à dix-huit heures.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à treize heures trente-cinq, est reprise à dix-huit heures, sous la présidence de Mme Catherine Troendlé.