Intervention de Victorin Lurel

Réunion du 2 décembre 2019 à 10h00
Loi de finances pour 2020 — Investissements d'avenir, amendement 14

Photo de Victorin LurelVictorin Lurel :

L’intense campagne de publicité conduite par le Gouvernement vous aura permis, monsieur le ministre, de ne pas passer à côté de la privatisation de la Française des jeux. Pour Aéroports de Paris, en revanche, le Gouvernement se fait plus discret sur le processus de recueil des soutiens à la proposition de loi déposée en application de l’article 11 de la Constitution. Engagé le 13 juin dernier, ce processus doit se poursuivre jusqu’à la mi-mars 2020, le projet de cession étant entre-temps suspendu.

Le Sénat a exprimé son opposition à ces deux cessions. Au-delà des débats relatifs au caractère stratégique de ces actifs, laissez-moi vous faire part des conséquences budgétaires qu’auraient ces cessions. Les dividendes seront perdus, à hauteur d’environ 200 millions d’euros chaque année. Voilà qui renforcera une tendance de fond : entre 2012 et 2019, les dividendes perçus par l’État ont été divisés par deux.

Surtout, ces cessions réduiront fortement les marges de manœuvre de l’État actionnaire. Depuis son entrée en fonction, le Gouvernement a asséché de 60 % le solde de ce compte.

L’exécutif semble avoir oublié que le b.a.-ba de tout gestionnaire d’actif est la diversification de son portefeuille. Pour qualifier sa stratégie, le Gouvernement convoque un élément de langage : il parle de « respiration » du portefeuille. Pardonnez ma brutalité, mais j’y vois plutôt le dernier souffle de l’État actionnaire !

Pourtant, les défis à relever sont nombreux et cruciaux pour l’avenir de notre pays : je pense en particulier à la transition énergétique et à ses conséquences pour EDF.

De ce point de vue, je ne peux cautionner le choix qu’a fait le Gouvernement de mobiliser ce compte pour le désendettement de l’État.

Le symbole ne doit pas s’opérer à rebours des intérêts patrimoniaux de l’État, alors que les conditions de marché sont exceptionnelles. Permettez-moi de citer un ancien ministre, qui indiquait en 2016 devant la commission des finances que « patrimonialement, ce serait se tirer une balle dans le pied que d’utiliser le capital du compte d’affectation spéciale pour se désendetter ». Entre-temps, l’ancien ministre a quitté Bercy pour l’Élysée et son regard semble avoir changé, alors que le contexte macroéconomique demeure similaire.

Quel est le risque ? C’est que ce compte soit utilisé de manière opportuniste, en faisant fi des considérations patrimoniales. La dette publique tutoie désormais le seuil hautement symbolique des 100 % du PIB. La contribution au désendettement prévue explique à elle seule le reflux de 0, 1 point de PIB du ratio qu’escompte le Gouvernement en 2020. C’est pour dénoncer ce tour de passe-passe que la commission des finances vous proposera, sur mon initiative, d’adopter l’amendement n° II-14.

Je terminerai mon propos par quelques remarques au sujet du fonds pour l’innovation et l’industrie.

Vous êtes nombreux, dans cet hémicycle, à avoir parcouru ce projet de loi de finances à la recherche du « budget vert ». Je dois vous concéder, mes chers collègues, que je ne saurais vous éclairer sur ce point. En revanche, je suis en mesure de vous faire part de l’usine à gaz budgétaire que met en œuvre le Gouvernement.

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