Voilà ce qui risque d’arriver si nous continuons à nous endetter de manière inconsidérée, monsieur le ministre. La dette de la France représente aujourd’hui 100 % du PIB, contre 60 % il y a dix ans, avant la crise de 2008, même si la charge de notre dette a diminué, la rendant totalement indolore, mais également « non bankable », comme on dit sur les marchés.
Qui peut en effet admettre que la France émette l’année prochaine autant de dettes que l’Italie, soit plus de 210 milliards d’euros ? Or l’Italie, que l’on moquait parce que sa dette atteignait 130 % de son PIB et qui était le mauvais élève de l’Union européenne, sans gouvernement stable – à cet égard, la tradition n’a pas changé – est petit à petit redevenue crédible.
Pour notre part, nous n’avons plus de marges de manœuvre. Nous nous félicitons des taux négatifs, mais pour de mauvaises raisons, car on ignore bien souvent les mécanismes des taux – j’ai d’ailleurs entendu à l’instant proférer des erreurs économiques majeures. Il est important de dire qu’il n’existe pas de macro-économie qui supporte des taux d’intérêt négatifs, qu’il n’y a pas de macro-économie positive, pas de croissance avec des taux d’intérêt négatifs. Cela n’existe pas dans l’histoire économique ! Peut-être est-ce cela le « nouveau monde » : une nouvelle magie financière ? Pour ma part, je n’y crois pas.
Je m’étonne que notre déficit structurel soit exactement égal à notre déficit conjoncturel. Alors que l’output gap est fermé, notre déficit devrait être à zéro, monsieur le ministre. Voilà la vérité ! Or nous continuons de nous endetter, ce qui constitue une erreur majeure.
Certes, nous faisons des tours de passe-passe, mais leur effet sur la dette publique est neutre. La reprise de la dette des hôpitaux, c’est de la dette publique ! Quand on comble le déficit de l’École nationale d’administration (ENA), qui est un organisme divers d’administration centrale (ODAC), c’est aussi de la dette publique ! La reprise de la dette de SNCF Réseau, c’est encore de la dette publique ! Tout cela, c’est de la dette, que nous paierons demain avec les impôts, si nous en avons les moyens.
Les tours de passe-passe ne fonctionnent pas en économie. Il n’y a pas d’argent magique. Cela n’existe pas !
Si nous étions une collectivité locale, nous nous endetterions pour investir, mais nous aurions des actifs productifs. Tel n’est pas le cas de l’État, monsieur le ministre. L’État s’endette, lui, pour payer les charges courantes, et c’est bien le problème. Il n’investit pas, à part dans les programmes d’investissements d’avenir. C’est de la débudgétisation pure et simple. Pendant ce temps, nous privatisons et nous perdons des actifs productifs. Dans une entreprise, un tel bilan serait catastrophique – le dépôt de bilan serait bien évidemment assuré.
Si nous n’en sommes pas là, c’est parce que la croissance est un peu là, mais, en cas de véritable retournement, nous n’aurons plus la capacité de faire face à l’avenir, monsieur le ministre.
Rappelez-vous comment finit Don Diègue : il meurt !