Intervention de Marc Fesneau

Réunion du 2 décembre 2019 à 10h00
Loi de finances pour 2020 — Investissements d'avenir

Marc Fesneau :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, il me revient d’essayer de répondre en quelques minutes aux différents intervenants sur ces missions.

J’évoquerai tout d’abord la mission « Engagements financiers de l’État ». Comme l’ont notamment souligné Mme le rapporteur spécial et M. Menonville, la faiblesse des taux d’intérêt réduit la charge de la dette, mais cela ne doit pas nous empêcher de rester vigilants – Mme Vermeillet ou M. Bascher l’ont indiqué.

Ainsi, le scénario de taux retenu pour le chiffrage de la charge de la dette, qui reste prudent, anticipe des conditions de financement encore favorables en 2020, pour les taux à moyen et à long terme comme pour les taux bas.

La prévision pour 2020 fait l’hypothèse – prudente – que le taux à 10 ans est amené à rebondir légèrement, depuis les plus bas historiques atteints à l’été 2019. Le taux à 10 ans s’élèverait à 0, 20 % à la fin 2019 et à 0, 70 % à la fin 2020.

Dans l’hypothèse où les taux directeurs se maintiendraient à un niveau bas pendant une période prolongée, le taux à trois mois s’élèverait à - 0, 50 % à la fin 2019 et à la fin 2020.

Compte tenu de ces hypothèses, la charge de la dette atteindrait 38, 6 milliards d’euros en 2020, soit un niveau inférieur de 1, 9 milliard d’euros à la prévision actualisée pour 2019, comme l’a notamment souligné Guillaume Arnell.

Toutefois, il nous faut rester extrêmement vigilants, comme nous y a invités Christine Lavarde. Un choc de 1 %, soit 100 points de base, sur l’ensemble des taux, au-delà du scénario de base retenu par le ministère, provoquerait une augmentation de la charge de 2 milliards d’euros la première année, puis de 4, 8 milliards d’euros et de 7, 3 milliards d’euros les deux années suivantes.

Pour continuer de bénéficier de taux d’intérêt favorables, il est important de garder la confiance des investisseurs en ne déviant pas de la trajectoire de consolidation des finances publiques. Cette situation doit nous inviter à poursuivre les réformes structurelles pour maîtriser les déficits publics. À cet égard, le Gouvernement est résolu à maîtriser la dépense publique, dont le poids passera de 53, 8 % du PIB en 2019 à 53, 4 % du PIB en 2020.

Pour cela, le ministère de l’économie et des finances a conduit des réformes structurantes.

Pour répondre aux différents défis posés par les mutations de l’économie, tout en contribuant au nécessaire assainissement de nos finances publiques, nous devons aussi transformer nos modalités d’action pour accroître l’efficacité des politiques mises en œuvre par le ministère. C’est l’un de nos objectifs. C’est ainsi que 282 suppressions d’emplois sont prévues en 2020, hors opérateurs, au sein du ministère de l’économie et des finances. La profonde modernisation engagée au sein de la direction générale des entreprises permettra en particulier d’économiser 152 emplois.

Hors charge de la dette, les autres engagements financiers de l’État sont maîtrisés, grâce à des actions engagées par le ministère.

Je citerai ici l’assurance prospection. Géré depuis 2017 par Bpifrance Assurance Export, et réformé en 2018, ce dispositif offre aujourd’hui à 11 000 PME une assurance contre le risque d’échec des actions de prospection à l’étranger, en prenant en charge une part des frais non amortis par un chiffre d’affaires suffisant sur la zone concernée.

Madame le rapporteur spécial, pour ce qui concerne la dotation en capital du mécanisme européen de stabilité, le projet de loi de finances ne prévoit aucune rétrocession. En effet, d’après nos projections, le taux de facilité de dépôt, dont l’évolution dépend de la BCE, restera positif pendant toute l’année 2020. Naturellement, si un besoin se faisait jour, nous nous donnerions les moyens de respecter l’engagement de la France pour la rétrocession des intérêts perçus sur le capital placé auprès des institutions européennes.

La programmation retenue pour le compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État » témoigne, elle aussi, de notre volonté de maîtriser les finances publiques tout en disposant de marges de manœuvre pour soutenir l’innovation.

Tout d’abord, pour répondre à M. Victorin Lurel et à M. Alain Chatillon, qui s’est exprimé par la voix de Mme Sophie Primas, je tiens à apporter une précision : si la plupart de ces crédits sont notionnels, c’est pour éviter de donner un signal aux marchés quant aux recettes. C’est également du fait de l’impossibilité de connaître le détail, le nombre et le montant de l’ensemble des opérations d’investissement susceptibles d’intervenir.

En effet, le Gouvernement est soumis à une double obligation : d’une part, le devoir d’information et de transparence à l’égard du Parlement ; d’autre part, la nécessité de gérer au mieux les deniers publics, donc de défendre les intérêts du contribuable, ce qui suppose de ne pas révéler aux marchés les intentions de l’État. C’est la tension entre ces deux impératifs qui justifie l’inscription de crédits notionnels.

Les réflexions actuelles portant sur les modalités de mise en œuvre de la LOLF conduiront vraisemblablement à revisiter la construction et le suivi des indicateurs de performance associés aux différentes politiques publiques. Dans ce cadre, le ministère saisira toute occasion de répondre à votre légitime demande d’un échange plus documenté sur ce CAS, qui est désormais un outil de transformation puissant.

La programmation de ce compte d’affectation spéciale à hauteur de 12, 18 milliards d’euros en recettes et en dépenses doit permettre l’abondement à hauteur de 8, 4 milliards d’euros du fonds pour l’innovation et l’industrie, les investissements en fonds propres au titre du troisième programme d’investissements d’avenir, le PIA 3, à hauteur de 1, 18 milliard d’euros et une contribution au désendettement de l’État à hauteur et de 2 milliards d’euros. Dans le même temps, il laisse une latitude pour toute autre dépense au titre du programme 731.

Monsieur Lurel, pour les raisons que j’ai déjà évoquées, il ne me semble pas opportun de diminuer la contribution au désendettement de l’État.

Le FII est un outil complémentaire essentiel pour financer plus spécifiquement des programmes de soutien aux innovations de rupture. Par sa stabilité dans le temps, par l’ampleur des montants distribués à travers lui et par ses conditions de mise en œuvre, il offre des modalités de soutien uniques. La réintégration du FII dans le budget général n’est pas pertinente à ce stade : il convient de garantir la stabilité des dispositifs, gage de confiance pour les acteurs économiques, et leur souplesse d’utilisation, qui est essentielle à une mise en œuvre efficace des actions proposées.

Je terminerai en abordant les questions qui ne relèvent pas directement du ministère de l’économie et des finances.

Monsieur Savoldelli, l’évolution des demandes de remboursement de TVA déposées par les entreprises auprès des services de la direction générale des finances publiques est liée à celle de certains agrégats macroéconomiques. Ainsi, lorsque leurs investissements ou leurs consommations intermédiaires s’accroissent, les entreprises sont davantage en situation de crédit.

Par ailleurs, le coût des contentieux fiscaux est, pour une part, le reflet de la sollicitation accrue des tribunaux par les contribuables et du développement de contentieux de masse. Il résulte également de la complexité de la norme fiscale.

Ces constats doivent nous conduire, collectivement, à être plus vigilants quant à la qualité de la norme lors de l’élaboration de la loi fiscale – il faut veiller à la fois à son intelligibilité et à sa régularité au regard des normes de rang supérieur. De même, il faut garantir la stabilité du droit : non seulement cette dernière favorise l’attractivité économique, mais elle tempère le risque de contentieux.

Au sujet du PIA, je souhaite répondre à M. Bizet, qui s’est exprimé par la voix de Mme Lavarde, ainsi qu’à M. Lurel.

Le PIA a pour but de renforcer la croissance potentielle de la France en misant sur l’économie de l’intelligence – enseignement, recherche, innovations économiques et sociales. Il s’agit de consacrer un effort d’investissement exceptionnel, ciblé sur les projets les plus structurants et prometteurs, au-delà des actions poursuivies par les ministères dans le cadre budgétaire habituel.

Le fonctionnement de ce programme repose sur des procédures de sélection ouvertes et compétitives, au moyen d’une stratégie interministérielle et transparente. Aujourd’hui, les objectifs de délais pour formaliser l’engagement de l’État à la suite du dépôt d’un dossier, puis pour contractualiser avec les lauréats, sont majoritairement respectés. Ces délais sont, pour chacune des deux étapes, de l’ordre de trois mois. Toutefois – j’en conviens pleinement –, il faut encore renforcer la démarche de simplification continue afin d’améliorer la qualité du service.

Monsieur Lurel, la gestion budgétaire spécifique du PIA a été instaurée de façon à préserver la vocation pluriannuelle de ce dispositif : les interventions publiques ainsi financées ne doivent pas être soumises aux contraintes politiques et administratives de court terme. Au demeurant, l’aspect dérogatoire du PIA doit être nuancé. Les principes budgétaires d’annualité et d’universalité ont été respectés. De plus, la trajectoire de paiements définie en 2017, puis actualisée en 2019, tient compte des contraintes des opérateurs, qui, à ce jour, n’ont pas fait part de difficulté majeure en gestion ou en trésorerie.

Le rapport de la Cour des comptes relatif à la fraude a également été mentionné.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion