Intervention de Monique Lubin

Réunion du 2 décembre 2019 à 18h00
Loi de finances pour 2020 — Compte d'affectation spéciale : pensions

Photo de Monique LubinMonique Lubin :

De plus, les réformes successives ont contribué à la banalisation de ces régimes spéciaux, pour les adapter aux nécessités de la société contemporaine. Ainsi, je rappelle que la dernière réforme des retraites, celle de Marisol Touraine, touche aussi ces régimes spéciaux, puisque le nombre d’annuités est passé à quarante-trois pour tout le monde pour la génération 1973. De fait, cette réforme joue sur l’augmentation de la durée de cotisation pour tous les salariés, quel que soit leur régime : désormais, pour les générations nées à partir de 1958, ce paramètre augmentera d’un trimestre tous les trois ans à partir de 2020, pour atteindre quarante-trois ans en 2035.

Par ailleurs, les travailleurs entrant dans la vie active et encore susceptibles de bénéficier de ces régimes spéciaux ne dérogent pas à la règle commune. Ils entrent eux aussi plus tard dans la vie active : le bénéfice qu’ils tirent du système actuel s’éteindra donc rapidement.

En réalité, ce sont les caractéristiques propres de ces régimes qui intéressent le Gouvernement, à des fins d’instrumentalisation. Pourtant, chacun d’entre eux est le fruit de luttes et de négociations liées à des conditions de travail particulières. Ils font partie d’un édifice social que certains se plaisent à décrire comme baroque, mais qui trouve son sens au regard de l’histoire et des conditions de travail de leurs bénéficiaires.

En tout état de cause, passer à un système à points n’éteindrait pas du jour au lendemain les régimes spéciaux concernés, et l’État devrait continuer à débourser des sommes importantes pendant un certain temps.

Dans son entreprise radicale de réforme, l’exécutif a sollicité le Conseil d’orientation des retraites (COR) : le Premier ministre lui a demandé de lui fournir un état de la situation financière de l’actuel système de retraite à l’horizon de 2030 et d’éclairer les voies et moyens d’un équilibrage financier en 2025. L’espoir du Gouvernement était de voir établir que des mesures de correction s’imposeraient avant 2025, date envisagée pour la mise en œuvre de la retraite par points.

Or, dans l’introduction de son étude, le COR précise bien : « Le fait que ce rapport présente l’impact chiffré de potentielles mesures ne signifie pas que celles-ci soient considérées comme opportunes par tous. » Alors que la nouvelle concertation devait s’appuyer sur son rapport, cet organisme a fait l’objet d’une attaque en règle par le président de l’Assemblée nationale, lequel s’est permis ce propos fort contestable : « Le COR, c’est quand même un drôle d’organisme »…

J’insiste aussi sur l’avertissement que le COR n’a pas manqué de lancer dès l’introduction de ce rapport publié à la demande expresse du Gouvernement : il se livre à une prospective, fondée sur pas moins de trois conventions comptables qui, elles-mêmes, déclinent différents scenarii. En d’autres termes, quelle que soit sa rigueur, extrême, cet organisme ne peut pas prédire l’avenir ; la finesse de ses projections et leur diversité ne peuvent être assimilées à une capacité de divination. On lui demande de soumettre des hypothèses, c’est ce qu’il fait.

Quoi qu’il en soit, si le système par points est présenté comme plus lisible que l’actuel, il n’est pas pour autant porteur en lui-même d’une promesse de pérennité. En effet, lui aussi sera lié à des contraintes démographiques et économiques, dont on ne maîtrise pas forcément l’évolution. On peut donc se poser la question du remplacement d’un système complexe, mais qui fonctionne, par un autre, en apparence plus simple, mais dont les effets demeurent largement méconnus.

Ce propos ne procède pas d’une volonté de ne jamais rien changer : nous demeurons mobilisés pour la mise en place du système le moins producteur d’inégalités possible. Mais nous ne sommes pas prêts à donner un blanc-seing au Gouvernement sur un projet qui plonge la société française dans un climat anxiogène dont elle n’a pas besoin !

Au regard de ces remarques et de celles qui ont déjà été présentées sur la gestion de la fonction publique d’État, mon groupe votera contre ces crédits.

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