Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je remercie le Sénat de son analyse approfondie des crédits des missions relevant du ministère de l’action et des comptes publics et des différentes remarques et propositions formulées par les orateurs.
Je ne m’engagerai pas dans une discussion sur la réforme des retraites, bien qu’elle ait été abondamment abordée. Elle est au cœur de l’actualité et des débats, mais le sera davantage encore au cours des prochaines semaines.
Le ministère de l’action et des comptes publics poursuivra l’année prochaine la transformation de son action et de son fonctionnement, avec un certain nombre de réformes structurelles. Nous nous modernisons et travaillons à revoir nos process, notamment pour dégager un certain nombre d’économies d’échelle ou de marges de manœuvre, ce qui fait de notre ministère le premier contributeur à l’effort gouvernemental de réduction des emplois publics. À l’échelle du quinquennat, 10 000 agents environ ne seront pas remplacés après leur départ à la retraite, dont 1 653 en 2020 – 1 666 si l’on compte les opérateurs, comme l’ont souligné les rapporteurs spéciaux, MM. Nougein et Carcenac.
À la suite de sa mise en œuvre réussie, le prélèvement à la source poursuit son déploiement, parallèlement à d’autres projets de transformations majeurs tels que la suppression définitive de la taxe d’habitation, la fin du paiement en numéraire et la déclaration tacite.
Comme les rapporteurs spéciaux l’ont souligné, nous avons fait le choix d’investir dans la transformation numérique des missions. Cela nécessite un effort, que nous accomplissons et qui devra perdurer, en matière de modernisation informatique, tant de nos logiciels que de nos process.
Nous allons aussi mettre à profit 2020 pour mener des travaux de modernisation de la gestion budgétaire et comptable, renforcer la performance des chaînes d’achats et de dépenses. L’expérimentation d’unification de la chaîne de la dépense, engagée cette année pour les services d’administration regroupant le centre de services partagés et le service facturier, en constitue une illustration. Au cours du débat sur les amendements, j’aurai peut-être l’occasion d’aborder aussi l’unification du recouvrement, en application des préconisations du rapport dit Gardette.
Ces réformes sont conduites en prenant en compte plusieurs priorités.
Notre objectif premier sera de renforcer la présence et l’accessibilité des services publics sur le territoire. Nous avons proposé une réforme de l’organisation territoriale de la DGFiP, avec la volonté d’augmenter de 30 % le nombre de lieux d’accueil offerts par cette direction. Nous voulons changer de méthode, car, pendant longtemps, alors que les plans annuels de réorganisation du réseau ont conduit à la fermeture de 1 200 perceptions depuis 2010, les engagements pris d’une année sur l’autre n’étaient pas nécessairement tenus. Nous souhaitons aboutir à des cartes cibles et des conventions pluriannuelles, pour que la présence de l’État dans les territoires à travers la DGFiP soit stabilisée et qu’une lisibilité soit offerte aux élus, aux agents, aux organisations syndicales et aux territoires.
Nous nous appuierons évidemment sur le réseau des maisons France services : plus de 450 ont été labellisées, et nous tiendrons l’objectif de 2 000 d’ici à la fin du quinquennat. Nous prendrons appui aussi sur d’autres formes de présence, comme des permanences arrêtées de manière pluriannuelle dans les différents territoires.
Nous devons prêter une attention particulière à la question de l’accès aux services numériques, en ayant à l’esprit que 13 millions de nos concitoyens en sont éloignés, faute soit de réseau soit de pratique. D’où l’importance d’une présence humaine et du maintien d’une médiation pour garantir l’accès aux services.
Nous travaillons aussi sur une autre forme de présence : il s’agit de renforcer notre déploiement territorial via le réseau des débitants de tabac. Comme vous le savez, nous sommes en train de conclure un accord avec les buralistes pour rendre possible le recouvrement d’impôts et taxes par leur intermédiaire, de manière évidemment anonyme et en protégeant les données fiscales.
Un fonds de modernisation leur est consacré depuis 2018, qui sera doté de 80 millions d’euros pour la période 2019-2022 : il vise à accompagner les 25 000 points de vente du premier réseau de commerce de proximité en France, notamment pour aider les buralistes à diversifier leur offre.
La déconcentration des services a été évoquée. À cet égard, nous avons identifié 6 000 emplois de l’État qui pourront être délocalisés dans différents territoires : pour environ 3 000 d’entre eux, les ministères travaillent avec des cibles géographiques et des potentialités identifiées ; pour les 3 000 autres emplois, ceux qui relèvent du ministère de l’action et des comptes publics, nous avons ouvert un appel à projets, comme les rapporteurs spéciaux l’ont expliqué. À ce jour, entre 225 et 230 collectivités territoriales ont déposé leur candidature, et nous devrons rapidement mettre en place un comité de sélection pour déterminer les meilleures implantations possible et les meilleures conditions pour les agents comme pour l’État, en liaison avec les projets des territoires.
Par ailleurs, d’importants moyens ont été alloués à la direction générale des douanes et des droits indirects pour préparer le Brexit. Ainsi, 700 emplois supplémentaires ont été créés : 250 l’ont été en 2018, 350 en 2019 et 100 le seront en 2020. Hors crédits de personnel, 20 millions d’euros ont été alloués sur la période 2018-2022 pour l’équipement des nouveaux agents et les évolutions informatiques et immobilières rendues indispensables par le rétablissement de la frontière.
En ce qui concerne le fonctionnement interne du ministère, nous souhaitons préserver nos capacités à accompagner la transformation et à moderniser nos outils de travail. De ce point de vue, nous partageons la nécessité, soulignée par les deux rapporteurs spéciaux, MM. Nougein et Carcenac, d’être attentif aux attentes du personnel. C’est le sens de la consultation que nous avons lancée auprès des agents pour élaborer une feuille de route en matière de simplification et d’amélioration des conditions de vie au travail, donc aussi de l’efficacité des services.
Entre autres outils destinés à améliorer la qualité de vie au travail, nous avons décidé d’une préservation des crédits de la direction générale des douanes et des droits indirects et d’une augmentation de ceux de la DGFiP pour faire face aux besoins de couverture de la dette technique. Je confirme l’appréciation des rapporteurs spéciaux sur la pertinence de cette hausse.
Au-delà de ses besoins propres, le ministère de l’action et des comptes publics pilote l’accompagnement de la transformation des autres ministères.
Mme la rapporteure pour avis a mentionné la loi de transformation de la fonction publique : celle-ci apportera très certainement de nombreuses réponses aux attentes du sénateur Delahaye, notamment en matière de possibilités de recrutement de contractuels et de respect du temps de travail de 1 607 heures annuelles dans les trois versants de la fonction publique.
La mise en œuvre opérationnelle de cette loi par la direction générale de l’administration et de la fonction publique est en cours, et nous respecterons les dates arrêtées par le Parlement, puisque l’ensemble des mesures applicables en 2020 feront l’objet de décrets d’application au plus tard à la fin du mois de janvier prochain, en tenant compte du rythme d’instruction de ces différents textes. Les ordonnances seront évidemment élaborées dans les temps, et les mesures prévues pour 2021 feront l’objet de décrets d’application au cours de l’année 2020.
Nous sommes déterminés à poursuivre la réforme et à veiller à ce que la loi que vous avez adoptée soit pleinement appliquée.
Nous disposons aussi d’outils financiers, comme le Fonds pour la transformation de l’action publique. En écho aux interrogations des rapporteurs, je confirme ce qu’a indiqué M. Bargeton : 32 projets ont été sélectionnés en 2018 et sont entrés en phase de réalisation ; 16 lauréats ont été sélectionnés à la fin du mois de juin de cette année et 16 en septembre dernier.
Nous avons engagé 350 millions d’euros sur les 700 millions d’euros prévus à l’échelle du quinquennat. Je confirme que la totalité des crédits pour 2019 ne seront pas engagés, mais nous avons relancé l’appel à projets pour 2020, de manière à sélectionner de nouveaux projets de transformation. Nous avons d’ailleurs adapté les critères de retour sur investissement pour favoriser la modernisation par rapport aux retours à court terme, qui ont pu être privilégiés pour les premiers projets.
À titre complémentaire, le Fonds pour l’accélération du financement des start-up d’État finance le développement de produits et services numériques innovants. Nous continuerons de le mobiliser en 2020, pour réussir le passage à l’échelle de cette dynamique nouvelle.
Par ailleurs, le fonds d’accompagnement interministériel des ressources humaines, doté de 50 millions d’euros, vise à accompagner les administrations qui devront se moderniser, leur restructuration, leur réorganisation et la mobilité de leurs agents. Nous veillerons à ce que la future agence de reconversion et de reclassement puisse le mobiliser plus aisément.
Enfin, pour répondre à l’une des interrogations de MM. les rapporteurs spéciaux, je précise que nous avons un plan de 1 milliard d’euros sur cinq ans en faveur de la rénovation des cités administratives. Trente-neuf projets sont concrètement lancés : ils sont entrés en phase opérationnelle à la fin de cette année ou y entreront l’année prochaine – j’ai à l’esprit les projets d’Orléans, Colmar, Mâcon, Tulle, Alençon, ou encore Albi. Notre objectif est de privilégier la rénovation thermique, les économies d’énergie et la qualité de vie au travail de nos agents.
Cela dit, mesdames, messieurs les sénateurs, je compléterai mes réponses à l’occasion de la discussion des amendements.