Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le tragique accident survenu au Mali, le 25 novembre dernier, et l’hommage national que nous avons rendu aujourd’hui à nos soldats morts pour la France nous rappellent la cruauté du monde dans lequel nous vivons et l’adversité à laquelle doivent faire face nos militaires. Mon groupe s’incline devant le courage de ces hommes et face à la douleur des familles qui ont perdu un être cher.
Que ce soit dans la bande sahélo-saharienne, au Levant ou ailleurs, les crises se multiplient à l’échelle internationale, leur intensité va croissante et leur nature même évolue.
Madame la ministre, les échanges que nous avons eus à l’occasion du Forum de Dakar ont tous sans exception rappelé la nécessité de notre engagement au Mali, comme, plus généralement, en Afrique de l’Ouest. En outre, sur notre territoire, la menace terroriste demeure prégnante et ne saurait souffrir le moindre relâchement.
Dans ce contexte, le niveau d’engagement de nos armées est particulièrement soutenu depuis plusieurs années et ne devrait pas être amené à fléchir.
Répondant à ces besoins importants et croissants, fidèle à la trajectoire budgétaire tracée par la loi de programmation militaire, le budget que nous examinons aujourd’hui est au rendez-vous des engagements qui ont été pris, et nous ne pouvons, madame la ministre, que saluer votre détermination.
Ce budget prévoit, en effet, une augmentation de 1, 7 milliard d’euros des moyens accordés à la défense, avec des crédits de paiement en hausse de 4, 5 %, s’établissant à 37, 5 milliards d’euros. C’est pour nous une grande satisfaction !
Nous nous félicitons que ce budget de remontée en puissance et de modernisation permette tout d’abord de continuer le renouvellement des capacités opérationnelles de nos armées. Je pense à la livraison, prévue en 2020, d’un sous-marin d’attaque de nouvelle génération, le Suffren, de 128 blindés Griffon, de 4 blindés Jaguar, ou encore d’un avion ravitailleur MRTT supplémentaire.
Cette arrivée de matériels témoigne des efforts et des progrès effectués en termes d’innovation. Nous en avions besoin !
Cet accent mis sur l’innovation se traduit également par la prise en compte des nouveaux champs de conflictualité que sont le cyber, l’intelligence artificielle et le renseignement.
L’affectation dans ces domaines de 300 postes créés cette année et les 821 millions d’euros spécifiquement dédiés aux crédits d’études amont, afin de concevoir de nouvelles technologies adaptées aux conflits futurs, en attestent.
Par ailleurs, ce budget pour 2020 est tout particulièrement remarquable par son effort de sincérisation, qui se traduit par l’inscription, au titre des crédits alloués aux missions intérieures et aux opérations extérieures, d’un montant de 1, 1 milliard d’euros, contre 850 millions en 2019.
Cela permettra, notamment, une amélioration dans l’exécution des crédits votés, ainsi que des débats plus apaisés, nous l’espérons, sur la fin d’exécution budgétaire. Restons néanmoins vigilants, car le coût des OPEX pour les crédits du programme 178 demeure sous-évalué à ce jour. La question de la prise en charge de l’intégralité des surcoûts risque donc encore de se poser.
C’est pourquoi le maintien du principe de la solidarité financière interministérielle, inscrit dans la loi de programmation militaire sur l’initiative du Sénat, nous semble essentiel.
Vous aurez compris, madame la ministre, la satisfaction que nous ressentons à la lecture de ce budget. Mais, vous le savez, nous sommes d’éternels insatisfaits… J’attirerai donc votre attention sur quelques points de vigilance.
Le premier point concerne le maintien en condition opérationnelle des matériels et la préparation opérationnelle.
En effet, le niveau de sollicitation de certains équipements au cours de ces dernières années a été bien supérieur à ce que prévoyaient les contrats opérationnels. De plus, la technologie de nos équipements modernes nécessite une main-d’œuvre et des infrastructures bien plus coûteuses que celles de nos équipements précédents. En conséquence, la disponibilité technique opérationnelle et, plus encore, la disponibilité technique de nos matériels ont dangereusement chuté, et ce dans les trois armées.
Ce fait pose de lourds problèmes pour les entraînements ou les déploiements d’urgence, avec un risque de baisse de qualité de nos forces.
Nous nous inquiétons donc de voir les crédits alloués à l’entretien programmé des matériels diminuer de 3, 72 %. C’est pour le moins un mauvais signal !
Par ailleurs, nous nous inquiétons de la stagnation de la préparation opérationnelle depuis 2018.
La mobilisation induite par l’opération Sentinelle ainsi que le nombre important d’OPEX sont notamment à l’origine des difficultés de réalisation des formations ou exercices prévus.
Ces entraînements constituent un pilier des compétences, de l’efficacité et de la sécurité des personnels. Ils restent pourtant inférieurs, de près de 10 %, aux objectifs fixés.
Le maintien en condition opérationnelle et la préparation opérationnelle de nos forces sont trop importants pour que cette situation se pérennise.
Il nous semble primordial d’accorder davantage d’attention à ces sujets, afin de préserver la capacité de nos armées à répondre aux sollicitations futures, sur des théâtres d’opérations toujours plus nombreux.
Le deuxième point concerne la fidélisation de nos forces.
Plusieurs chantiers déterminants restent à achever, concernant la qualité du soutien santé, la politique de rémunération, ou encore la réforme des retraites. Le plan Famille, lancé voilà deux ans, dont les crédits représentent 80 millions d’euros pour l’année à venir, est également essentiel à cette démarche de fidélisation.
Si certaines de ces mesures sont perçues de façon très positive par les militaires – je pense au déploiement du wifi en garnison ou à la facilitation des démarches de déménagement –, des avis plus contrastés ont été exprimés sur la situation du logement et les conditions d’hébergement dans les enceintes militaires, dont l’amélioration se fait quelque peu attendre.
Le troisième point, enfin, concerne la coopération avec nos partenaires européens.
Alors qu’approche le dixième anniversaire des accords de Lancaster House, le contexte encore flou du Brexit chez nos voisins britanniques rend crucial le besoin de réaffirmer et d’entretenir une coopération bilatérale solide et une capacité à travailler en interopérabilité.
Le projet du SCAF conduit avec l’Allemagne connaît des avancées, mais il doit cependant toujours faire face à d’importants obstacles, notamment industriels. Des divergences essentielles existent à propos de la propriété intellectuelle, ou encore du choix des motoristes.
Au vu de l’importance d’une telle entreprise, espérons que ces obstacles seront rapidement surmontés.
Ces remarques se veulent constructives, madame la ministre. Elles ne sauraient remettre en cause le soutien que nous vous apportons sur ce budget pour 2020. Ainsi, en ce jour anniversaire de la bataille d’Austerlitz, le groupe Union Centriste votera unanimement les crédits de la mission « Défense ».