Intervention de Ronan Le Gleut

Réunion du 2 décembre 2019 à 21h45
Loi de finances pour 2020 — Défense

Photo de Ronan Le GleutRonan Le Gleut :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, tout d’abord, je veux rendre un hommage appuyé à nos treize héros morts pour la France. Je pense à leurs familles, aux treize orphelins, aux proches et aux frères d’armes des treize soldats tombés au combat, au Mali, lundi dernier. Au nom du groupe Les Républicains du Sénat, je veux redire à quel point nous saluons leur courage de chaque instant et leur professionnalisme. Aujourd’hui, mais pas seulement, nos pensées les accompagnent.

Face à leur engagement jusqu’au sacrifice ultime, nous devons les assurer de notre soutien indéfectible et de notre profonde compassion. La Nation doit être au rendez-vous et soudée derrière ses soldats et héros de la lutte mondiale contre le terrorisme, tant à l’étranger que sur le territoire national. Oui, la paix, ici et en Europe, se joue là-bas.

Madame la ministre, le budget que vous nous soumettez respecte la trajectoire tracée par la LPM, pour laquelle nous nous sommes tous beaucoup investis. C’est donc avec satisfaction que nous constatons que, en 2020, le budget de la défense atteindra 37, 6 milliards d’euros, ce qui représente une hausse de 1, 7 milliard d’euros. Ce budget comporte des avancées qu’il convient de souligner.

Concernant les équipements, les efforts en termes de matériel étaient très attendus. Il y va de la sécurité de nos soldats. Cette année est marquée par la poursuite de la modernisation des équipements conventionnels, avec une hausse de 1, 3 milliard d’euros, qui se traduit notamment par la livraison du premier sous-marin nucléaire d’attaque de nouvelle génération, le Suffren.

L’année 2020 verra également le déploiement du programme Scorpion, avec la livraison de blindés multi-rôles, tels que les Griffon. À cela s’ajoute la livraison d’un avion ravitailleur MRTT supplémentaire, permettant de renforcer nos capacités, jusque-là critiques, de ravitaillement en vol.

Cette modernisation se caractérise aussi par le lancement d’études sur le sous-marin nucléaire lanceur d’engins de troisième génération, et réaffirme la crédibilité de la dissuasion nucléaire française dans ses deux composantes. Ces efforts sont indispensables pour la France, en tant que membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU et membre de l’OTAN.

Si la livraison de nouveaux matériels est importante, l’autre chantier relatif aux équipements est celui de la mise en place d’une politique de maintien en condition opérationnelle (MCO) rénovée, intégrant les spécificités de nos opérations extérieures. Le groupe Les Républicains est très attentif à la gestion du surcoût des OPEX, qui atteint 1, 1 milliard d’euros, en particulier du fait de la fin du financement interministériel. La prise en charge par la solidarité nationale a un sens ; c’est une participation à l’effort de sécurité. Le rappeler et l’expliquer est important.

Après le drame survenu lundi dernier, les citoyens doivent être informés et conscients du tribut payé par la défense pour leur sécurité. Si nous ne voulons pas nous retrouver dans la situation des Britanniques après leurs interventions simultanées et prolongées en Afghanistan et en Irak, l’amélioration de l’efficacité du maintien en condition opérationnelle n’est pas négociable.

Le rapport de Dominique de Legge relatif à la disponibilité des hélicoptères constituait un excellent exemple. La réforme engagée est un signe positif, mais la baisse de 3, 72 % des crédits dédiés à l’entretien programmé du matériel ne laisse plus aucune marge de manœuvre.

Il faut donc rester extrêmement vigilant, car les conséquences sur l’activité et l’entraînement des forces sont immédiates. Le nombre d’heures d’entraînement pour les personnels est un gage autant de professionnalisme que de sécurité.

Cependant, préserver nos capacités matérielles exige une politique soutenue en matière d’innovation. Les investissements en termes de recherche et développement sont le préalable indispensable à une base industrielle et technologique de défense solide et pérenne. Il importe de nous prémunir contre tout décrochage technologique, qui anéantirait les efforts consentis jusqu’à présent.

À ce titre, la part relative aux études amont, via le programme 144, représente un défi. Cela doit amorcer la montée en puissance de l’Agence de l’innovation de défense. Intelligence artificielle, informatique quantique, hypervélocité, cybersécurité, spatial et neurosciences sont des domaines totalement intégrés à toute politique de défense.

Néanmoins, chacun est conscient qu’il ne peut y avoir de défense sans les hommes et les femmes, des soldats qui ont des familles, dont nous devons aussi nous préoccuper. Dans ce cadre, le plan Famille est un élément essentiel. Il constitue un bon point de départ pour l’amélioration de la condition militaire ; nous devons cependant aller plus loin. Nous connaissons votre implication personnelle sur ce sujet, madame la ministre. Vous pourrez compter sur nous.

Cela me conduit à aborder la question des ressources humaines. La professionnalisation des armées a profondément affecté la structure même du ministère. La fidélisation est un défi qu’il faudra relever. Cela ne peut s’envisager sans une amélioration de la gestion des carrières, avec une vision à long terme. Cette tâche immense exige un alignement sur les rémunérations du domaine civil.

L’armée doit séduire et recruter auprès des jeunes, qui suivent un enseignement et des formations de qualité au sein de la défense. Il importe que la défense puisse avoir un retour sur cet investissement.

J’en viens au service national universel (SNU), qui peut potentiellement avoir un effet sur les recrutements. Les membres de la commission des affaires étrangères seront intraitables sur le financement, qui doit faire l’objet de ressources ad hoc. Il y va du respect de la loi de programmation militaire. Que l’armée prenne sa part, et seulement sa part.

À ce stade, le SNU n’a pas de conséquence sur les crédits de la défense. Cependant, la formation des éducateurs et animateurs est assurée par des personnels de la défense, ce qui joue sur la disponibilité des personnes.

Madame la ministre, le groupe Les Républicains votera les crédits de la mission « Défense ». Toutefois, ce vote favorable s’accompagne d’une extrême vigilance quant au strict respect de la loi de programmation militaire, gage du respect que nous devons à toutes les femmes et à tous les hommes engagés au service de la défense. Nous leur sommes quotidiennement reconnaissants.

Pour conclure, je vous livre cette citation du général de Gaulle, dans ses Mémoires de guerre : « Dans le mouvement incessant du monde, toutes les doctrines, toutes les écoles, toutes les révoltes, n’ont qu’un temps. […] Mais la France ne passera pas. »

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