Intervention de René-Paul Savary

Délégation sénatoriale à la prospective — Réunion du 28 novembre 2019 à 8h35
Examen du rapport d'information sur robotisation et emplois de service

Photo de René-Paul SavaryRené-Paul Savary, rapporteur :

Aucun pays n'a mis en place de véritable taxation des robots aujourd'hui. C'est une piste que nous ne retenons pas. En revanche, nous préconisons une régulation sociale : l'utilisation des robots devrait être incluse dans les négociations sociales obligatoires car l'automatisation impacte fortement les conditions de travail et peut conduire à des transformations d'emploi très importantes. L'automatisation ne doit pas être considérée uniquement comme un choix technique mais doit faire l'objet d'une discussion au sein des entreprises, des organisations, pour bien cerner les conditions de faisabilité des changements. Dans les emplois de soin ou d'aide à la personne, l'introduction d'un robot peut complètement changer la nature du travail, ce qui nécessite un accompagnement fort du changement.

La robotisation appelle aussi une régulation éthique : il ne serait pas acceptable que les robots dégradent les conditions de travail, ou entraînent de véritables régressions, notamment en matière de droits humains ou de respect de la dignité de la personne humaine. L'automatisation ne doit pas servir à reproduire des biais comme les discriminations liées à l'âge, aux origines ou au genre. L'automatisation ne doit pas non plus être un outil de manipulation, ni constituer un nouvel esclavage : les hommes doivent toujours rester maîtres des machines et non l'inverse. Les lois d'Asimov écrites il y a près de 80 ans sont encore valables : un robot ne doit pas être sans maître. Il doit rester contrôlable et ne pas mettre l'homme en danger. Mais on doit affiner ces lois d'Asimov en prenant en compte des paramètres supplémentaires.

Notre rapport n'épuise pas le sujet. Il nous appelle à regarder le mouvement actuel de robotisation comme une opportunité pour améliorer les services rendus dans toute une série de secteurs : sécurité, transports, enseignement, soin et santé, commerce. Mais il faudra traiter en même temps les côtés négatifs : déqualification de nombreuses personnes, lutte contre la dégradation possible des conditions de travail, tentation de déshumanisation des processus de travail ou des services rendus par des automates. Il convient aussi de ne pas laisser des territoires entiers en dehors des infrastructures nécessaires au progrès technique, notamment sans réseau à haut débit. En robotisation, on est encore loin des multitâches. Au mieux, on est dans le polyautomate. Même la voiture autonome n'est pas encore une réalité. La robotisation peut améliorer les procédés et augmenter la productivité. Elle conduit surtout à transformer l'emploi, davantage que le détruire.

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