Intervention de Philippe Dallier

Réunion du 3 décembre 2019 à 14h30
Loi de finances pour 2020 — Cohésion des territoires

Photo de Philippe DallierPhilippe Dallier :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette année, la mission « Cohésion des territoires » est dotée de 15, 2 milliards d’euros en crédits de paiement, de nouveau en baisse de 1, 2 milliard ou, à périmètre constant, de 1, 5 milliard. Les dépenses fiscales atteignent un montant équivalent.

Je vais vous présenter les crédits des programmes 177, 109, 135 et 147 couvrant les champs du logement, de l’hébergement d’urgence et de la politique de la ville, et Bernard Delcros présentera les autres programmes.

S’agissant du programme 177, les crédits du logement adapté comme de l’hébergement d’urgence sont en hausse de 100 millions d’euros, mais rappelons que nous venons d’ouvrir 180 millions en loi de finances rectificative au titre de 2019. Les crédits proposés pour 2020 sont donc, une nouvelle fois, inférieurs à ceux effectivement ouverts pour l’année en cours.

Gageons, dès maintenant, monsieur le ministre, qu’il nous faudra y revenir en cours d’année, puisque la demande d’asile explose, que les centres d’accueil de demandeurs d’asile (CADA) sont toujours saturés et que l’hébergement d’urgence sert, malheureusement, de palliatif à cette situation.

Or, dans le même temps, on constate que le logement adapté, malgré la volonté affichée du Gouvernement, peine à prendre le relais de l’hébergement d’urgence pour sortir les personnes sans abri de la précarité. Quant à ceux qui accèdent à un logement autonome, leur nombre ne progresse pas non plus.

Le manque de solutions pérennes conduit donc à une augmentation apparemment inéluctable de l’hébergement en hôtel ; nous avons battu un nouveau record en 2019. Or il s’agit d’une solution dont le coût est très élevé malgré une absence ou un faible accompagnement des personnes ainsi hébergées.

Je dirai un mot également du projet pluriannuel de convergence tarifaire des centres d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) dont j’ai soutenu le principe depuis plusieurs années. Cette convergence tarifaire, telle qu’elle est appliquée sur le terrain, monsieur le ministre, est mal ressentie, car elle ne prend pas en compte la totalité des facteurs objectifs de coût, notamment celui du foncier qui varie énormément d’une région à l’autre. Cette réforme manque de lisibilité et apparaît donc à beaucoup d’acteurs comme une simple recherche d’économies budgétaires. Or tel n’était pas l’objectif à l’origine.

Les crédits du programme 109 consacrés aux aides personnelles au logement expliquent quasiment à eux seuls la diminution des moyens de la mission.

Alors que ces crédits étaient de 15, 5 milliards d’euros en 2017, ils ne seront plus que de 12 milliards d’euros en 2020, soit 3, 5 milliards d’euros d’économies. La mission « Cohésion des territoires » et le logement, en particulier, sont donc toujours vos principales sources d’économies budgétaires.

Cette année, la diminution des crédits du programme 109 est de 1, 4 milliard d’euros. Cette baisse affectera d’abord, pour 1, 2 milliard d’euros, les bénéficiaires des aides personnelles au logement puisque l’article 67 vise à prévoir une revalorisation limitée à 0, 3 %, bien inférieure à l’inflation. Ces bénéficiaires également seront également impactés par la « contemporanéisation » des revenus pris en compte pour le calcul des aides.

Si cette réforme est justifiée dans son principe pour ceux qui seront très au-dessus du plafond de ressource, sa mise en œuvre risque de susciter de très nombreuses incompréhensions chez ceux dont les revenus varient dans l’année et se situent à la marge du seuil de sortie du dispositif. D’un trimestre à l’autre, ils pourraient perdre l’aide personnalisée au logement (APL) pour en retrouver le bénéfice le trimestre suivant. Nous risquons de créer là une nouvelle trappe à inactivité. Monsieur le ministre, cette mesure de rendement budgétaire fragilisera à coup sûr les plus précaires.

Pour une entrée en vigueur au 1er janvier prochain, il n’est certainement plus possible, eu égard à la complexité technique de la réforme, de modifier les règles que vous avez choisies. Mais je suis certain que vous serez obligés d’y revenir afin d’en corriger les effets pour ces populations les plus précaires.

La réduction de loyer de solidarité (RLS) passe, quant à elle, de 900 millions à 1, 3 milliard d’euros et s’accompagne donc d’une diminution des aides versées aux locataires.

Toutefois, en conséquence de l’accord intervenu le 25 avril 2019 avec le Gouvernement, la fameuse clause de revoyure, les bailleurs sociaux bénéficient en 2020 de mesures de compensation : l’article 73 prévoit en effet qu’Action Logement prendra en charge, l’an prochain, le financement des aides à la pierre, pour un montant de 300 millions d’euros.

Je dirai un mot justement d’Action Logement qui est très mal récompensée des efforts fournit pour compenser la RLS, puisqu’un prélèvement de 500 millions d’euros, tombé sans aucune concertation, dont la seule finalité est de réduire à due concurrence la subvention d’équilibre versée par l’État au Fonds national d’aide au logement (FNAL) est prévu à l’article 75.

Cette disposition, que le Gouvernement justifie par la bonne santé de l’organisme, pourrait en effet remettre en cause, si elle était pérennisée, les équilibres issus de la convention quinquennale signée en 2018. Le Gouvernement semble ignorer les engagements pris par Action Logement pour financer des investissements massifs, à hauteur de 9 milliards d’euros, dans le logement social et intermédiaire, mais aussi pour l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU). La commission des finances vous proposera de supprimer ce prélèvement.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion