Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vais évoquer deux programmes.
Le programme 112, « Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire », progresse en autorisations d’engagement pour 2020 de 4, 9 %. Il comporte deux nouveautés pour la prochaine année.
La première nouveauté du programme 112 est la création de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) au 1er janvier prochain, agence qui sera dotée de près de 50 millions d’euros, dont 10 millions fléchés sur l’ingénierie territoriale. Nous soutenons cette inscription, même si elle nous paraît insuffisante, j’y reviendrai.
Il s’agit, à travers cette agence qui rassemblera plusieurs structures existantes, de mieux coordonner l’action de l’État auprès des collectivités. Les préfets de chaque département feront office de délégués territoriaux.
Monsieur le ministre, cette agence fait naître une forte attente dans les territoires, car les besoins sont réels. Dans le même temps, elle suscite également beaucoup d’interrogations et de doutes par rapport à son efficacité réelle. Voilà l’état d’esprit actuel des élus dans les territoires.
Pour ma part, je tiens à insister particulièrement sur le besoin d’ingénierie dans les territoires ruraux : les écarts en matière de capacité d’ingénierie sont source d’inégalités territoriales. C’est pourquoi je proposerai, au nom de la commission des finances, d’augmenter les crédits destinés à l’ingénierie territoriale. Nous devrons veiller à la manière dont ils seront concrètement fléchés, au plus près des territoires, car c’est là que se situent les besoins d’ingénierie. L’enjeu, nous semble-t-il, est important.
Nous serons donc attentifs à la mise en place de cette agence, dont il conviendra ultérieurement de mesurer et d’évaluer le niveau d’efficacité sur le terrain. En tout état de cause, nous sommes disposés à lui donner toutes les chances de réussite.
La deuxième nouveauté pour 2020 du programme 112 est la mise en place des maisons France services. Il s’agira, dans beaucoup de cas, de maisons de services au public (MSAP) labellisées en maisons France services : 2 millions d’euros de crédits y sont consacrés. Nous sommes évidemment favorables à l’amélioration de l’offre de services dans les territoires et les maisons France services peuvent contribuer à apporter des réponses. Mais nous veillerons également à la question du financement. Si de nouvelles missions, notamment pour le compte de l’État, par exemple à travers la réforme des trésoreries, doivent être confiées à ces maisons France services, le soutien financier de l’État devra être au rendez-vous.
Nous suivrons donc attentivement la manière dont ces structures se mettent en place. Il faudra aussi évaluer concrètement leur valeur ajoutée en termes d’offre de services dans les territoires et leurs besoins exacts de financement, notamment dans le cas où des charges leur seraient transférées.
Je voudrais évoquer trois autres sujets qui concernent le programme 112.
Premièrement, la quasi-disparition de la prime à l’aménagement du territoire (PAT) qui est une aide directe versée aux entreprises pour soutenir l’emploi dans les territoires ruraux.
Le Gouvernement propose une nouvelle baisse de 4 millions d’euros que je trouve parfaitement inopportune. Tout d’abord, il n’y a pas réellement d’enjeu financier, puisque nous parlons de 4 millions d’euros à l’échelle nationale ! Surtout, l’effet de levier de cette prime a été démontré, notamment dans le cadre de l’évaluation qui a été réalisée en 2017 et qui concluait qu’elle constitue un outil solide et pertinent pour soutenir le développement économique des territoires fragiles. Dans ce contexte, je vous le dis, la baisse proposée est incompréhensible et nous avons déposé un amendement pour revenir au niveau de 2019.
Deuxièmement, l’avenir des zones de revitalisation rurale (ZRR), dont les dispositifs fiscaux relèvent du programme 112. Les ZRR ont fait leurs preuves dans les territoires ruraux. Frédérique Espagnac, Rémy Pointereau et moi-même avons présenté un rapport et proposé de nouveaux dispositifs plus ciblés qui prennent mieux en compte les niveaux de fragilité des territoires. Dans l’attente de la mise en place de ces nouveaux dispositifs, nous avons déposé un amendement visant à proroger le droit existant jusqu’en 2021.
Troisièmement, l’avenir des outils de contractualisation entre l’État et les collectivités locales qui devraient faire l’objet d’une remise à plat au cours de l’année 2020. Ainsi, les contrats de plan État-région (CPER) qui sont dotés de 123 millions d’euros devraient être renégociés.
Nous considérons que la nouvelle génération des CPER devrait systématiquement intégrer trois volets : l’offre de soins, qui est devenue un enjeu majeur dans la quasi-totalité des territoires ; l’agriculture et la forêt – les CPER doivent être adaptés pour intégrer le nouveau contexte climatique – ; une meilleure coordination entre l’État et les régions pour renforcer la solidarité infrarégionale.
En ce qui concerne les contrats de ruralité, je me réjouis que la principale proposition que j’avais faite dans le rapport que j’ai présenté en juillet dernier ait été retenue et qu’une deuxième génération de contrats soit envisagée. En effet, leur dilution dans un contrat unique de cohésion territoriale, comme cela était prévu initialement, faisait peser un risque sur la prise en compte réelle des enjeux ruraux dans la politique contractuelle de l’État.
S’agissant des pactes de développement territorial qui ont été mis en place en 2019 dans onze territoires, ils sont dotés de 11 millions d’euros pour 2020 et devront trouver une déclinaison et une cohérence sur l’ensemble du territoire national.
Concernant le programme 162, « Interventions territoriales de l’État », quatre actions déjà inscrites en 2019 sont reconduites : celle en faveur de la Corse ; le plan littoral 21 qui sera dans sa deuxième année ; le plan gouvernemental en faveur du marais poitevin qui est uniquement doté de crédits de paiement, puisqu’il est destiné à se terminer ; enfin, le plan Chlordécone pour la Martinique et la Guadeloupe. Sur cette dernière action, nous proposerons une légère augmentation des crédits de manière à répondre aux très importants enjeux sanitaires de ces territoires.
Deux nouvelles actions sont ouvertes en 2020 sur ce programme : l’action n° 10, Fonds interministériel de transformation de la Guyane, et l’action n° 11, Reconquête de la qualité des cours d’eau en Pays de la Loire.
En conclusion, je voudrais rappeler une fois de plus que la politique d’aménagement du territoire menée par l’État me semble trop peu lisible – ainsi, elle est dispersée sur 12 missions et 29 programmes… Je pense que tout le monde – élus, acteurs locaux et territoires eux-mêmes – aurait à gagner à une clarification. La politique nationale de développement territorial doit être plus cohérente, plus stable, plus durable, plus lisible et mieux articulée. Monsieur le ministre, nous pourrions peut-être confier cette mission à l’Agence nationale de la cohésion des territoires ; c’est une proposition que je vous soumets.
Mes chers collègues, la commission des finances et moi-même vous proposons de voter les crédits de la mission « Cohésion des territoires » pour ce qui concerne les programmes 112 et 162.