Intervention de Annie Guillemot

Réunion du 3 décembre 2019 à 14h30
Loi de finances pour 2020 — Cohésion des territoires

Photo de Annie GuillemotAnnie Guillemot :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, après ma collègue Viviane Artigalas, je veux à mon tour revenir sur la situation du logement et des quartiers.

Monsieur le ministre, je crois pouvoir dire sans arrogance, mais avec une certaine sincérité, que les décisions que vous avez prises depuis trois ans sont révélatrices de votre vision du modèle français du logement social. Ce modèle a été durement attaqué depuis le début de ce quinquennat, comme l’atteste même un tout récent rapport publié par l’inspection générale des finances, qui dépend de Bercy, au sujet de l’ouverture au secteur privé du logement social, rapport réalisé à la demande du Gouvernement.

Vous ne pouvez pas dire que c’est la faute des autres ! Même si vous minimisez, monsieur le ministre, la signification de ce rapport, il n’en reste pas moins que d’autres pays, comme l’Allemagne, se sont essayés à la financiarisation du logement social ; or la ville de Berlin vient de voter l’encadrement des loyers pour cinq ans !

Écoutons Action Logement, et non pas seulement le secteur HLM : après la violente ponction de plus d’un milliard d’euros qu’il a subie en 2018 – ces ponctions s’élèveront tout de même à 6 milliards d’euros sur le quinquennat ! –, ce secteur ne s’en sort que parce que les taux d’intérêt sont bas. Or, si l’on écoute Action Logement, monsieur le ministre, il semble bien que ce soit Bercy qui décide de tout, même si vous vous en défendez !

Action Logement évoque une forme de mépris. Il faut dire que l’État continue de faire les poches, non seulement de l’Union sociale pour l’habitat (USH), mais aussi, en 2020, celles d’Action Logement, pour obtenir que ces associations financent à sa place, à hauteur de 800 millions d’euros, le Fonds national d’aide à la pierre (FNAP) et le Fonds national d’aide au logement (FNAL). Alors, pour qu’Action Logement parle ainsi, il faut tout de même qu’elle en ait assez !

Cette offensive de l’État à l’encontre d’Action Logement n’est-elle pas le signe avant-coureur d’une remise en cause du caractère autonome d’Action Logement ? Comment ne pas s’interroger sur les impacts de cette offensive sur la trésorerie de cette association et sur le plan d’investissement volontaire de 9 milliards d’euros qui a été signé en avril dernier ? Qu’en sera-t-il de l’aide à la rénovation énergétique, qui doit être cumulable avec les aides de l’ANAH, et du milliard d’euros prévu pour le financement de la mise aux normes des salles de bains ?

Ce n’est pas comme si le logement coûtait plus à l’État qu’il ne lui rapporte ! En 2018, les aides au logement s’élevaient à 39, 6 milliards d’euros, en baisse de 4, 5 % par rapport à l’année précédente, chiffre bien en deçà des 77, 5 milliards d’euros – soit une hausse de 3, 8 % – de recettes fiscales en provenance de ce secteur.

Le logement est un facteur de cohésion sociale, de développement économique des territoires et de création d’emplois. Alors, monsieur le ministre, assumez vos choix budgétaires ! Le logement est bien, hélas, la variable d’ajustement du budget de l’État. Nous voterons contre ces crédits, monsieur le ministre, parce que nous considérons que votre politique, purement budgétaire, ne répond pas aux nécessaires enjeux de cohésion et accentue les inégalités.

Les chiffres ne mentent pas : la production de logements neufs était déjà en repli en 2018 et cette tendance s’est confirmée en 2019. Les conséquences sur la précarité ne se sont pas fait attendre. En effet, selon les chiffres récents de la Fondation Abbé Pierre, notre pays compte 4 millions de personnes mal logées et plus de 12 millions de personnes qui connaissent une situation fragilisée du point de vue du logement.

Le Président de la République a reconnu, la semaine dernière, traîner « comme un boulet » la baisse de 5 euros des APL. « Passons, cela a été fait », a-t-il conclu. Eh bien, non ! Pour notre part, monsieur le ministre, nous ne passerons pas, parce que ce n’est pas le Président de la République qui traîne ce boulet, mais bien ceux qui, le 20 du mois, n’arrivent déjà plus à joindre les deux bouts…

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