Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, deux ans après l’adoption de la RLS, un an après la promulgation de la loi ÉLAN, la réforme du logement social que vous avez souhaitée est en cours, dont acte. Cela vous permet, une fois de plus, de réaliser 1, 4 milliard d’euros d’économies sur les crédits du logement. Est-ce bien ? Est-ce une question qu’il faut maintenant se poser ? Il me semble que l’on peut répondre : oui !
Pour autant, le secteur du logement social présente un modèle économique régulé dont les évolutions structurelles ont modifié l’équilibre. L’équation budgétaire imposée par la RLS complique l’atteinte des objectifs assignés au secteur, qu’il s’agisse de l’engagement de poursuivre la construction neuve, à hauteur de 110 000 logements sociaux sur la période 2020-2022, ou de l’accroissement de 25 % du nombre de rénovations.
C’est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, vous avez reconnu la nécessité d’une « clause de revoyure ». C’est ce qui a abouti, en avril dernier, à la signature d’un pacte productif avec les partenaires du logement social, mais aussi à l’élaboration du plan d’investissement volontaire (PIV) d’Action Logement.
Concernant le pacte productif, afin de répondre aux engagements de l’État, l’article 8 du présent projet de loi de finances prévoyait une baisse de TVA sur certains logements sociaux. Toutefois, lors de l’examen de la première partie de ce projet de loi de finances, le Sénat, à la suite de l’adoption d’amendements issus de plusieurs groupes et défendus en particulier par notre rapporteur spécial Philippe Dallier, a rétabli le taux réduit de TVA de 5, 5 % pour la rénovation et de la construction de logement social sur l’ensemble du territoire.
J’avais d’ailleurs appelé à plusieurs reprises votre attention sur la situation du bassin minier et ses besoins en la matière. Devons-nous, à ce titre, rappeler que le logement social est un bien commun de la Nation, notamment par son objet et son mode de financement, et qu’il est porteur d’une dynamique positive de réductions des inégalités et de création d’emplois et de croissance ?
Il faut donner à ce secteur, qui s’interroge sur ce qui adviendra après 2022, de la lisibilité et les moyens d’atteindre ses objectifs. La RLS sera-t-elle pérennisée, alors que la trajectoire d’endettement des bailleurs sociaux risque de progresser très rapidement dans les prochaines années ?
Par ailleurs, si l’APL en temps réel est nécessaire, la rapidité de la méthode retenue et le faible développement des études d’impact requièrent d’être très vigilants quant à ses effets. De même, de nombreuses inquiétudes se font jour concernant le futur revenu universel d’activité (RUA) ; Dominique Estrosi Sassone nous l’a rappelé. À ce propos, l’intégration de l’APL pourrait porter une atteinte significative au monde du logement social, mais aussi au public éligible.
Permettez-moi à présent, monsieur le ministre, de m’interroger sur le PIV d’Action Logement, qui a été rendu public en avril dernier. Au travers de ce plan, 9 milliards d’euros sont mobilisés par Action Logement. Pour autant, je n’en vois pas de concrétisation pour l’heure, notamment en matière de logement indigne, alors que le drame de la rue d’Aubagne à Marseille a eu lieu il y a déjà plus d’un an.
Action Logement a besoin de déployer ses moyens financiers et humains. Or tous les décrets attendus, notamment pour l’application de la loi ÉLAN, ainsi que certaines ordonnances pour lesquelles le Parlement vous a donné son habilitation, n’ont toujours pas été publiés. Le comité des partenaires d’Action Logement, auquel je suis particulièrement attachée, n’est toujours pas installé, et certaines mesures nécessaires au bon fonctionnement de la gouvernance n’ont pas été prises. Pourquoi un tel retard, monsieur le ministre ?
Il me semble urgent de mettre en œuvre le PIV et la convention quinquennale avec Action Logement, mais les moyens financiers semblent figés et non dépensés. Aussi, je pense que le Sénat, dans le cadre de sa mission de contrôle et d’évaluation de la loi, serait fondé à évaluer précisément la mise en œuvre de la réforme d’Action Logement.
Je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous nous donniez des éléments, non seulement sur l’état d’avancement des textes réglementaires, mais aussi sur le prélèvement de 500 millions d’euros prévu à l’article 75 du projet de loi de finances. Ce prélèvement est présenté comme une contribution temporaire d’Action Logement au FNAL. Quelle sera la pérennité de cette mesure ? Il ne faudrait pas qu’elle soit vue, au-delà de 2020, comme une opportune substitution aux financements de l’État. Monsieur Dallier, nous pourrons vous soutenir sur ce point un peu plus tard !
Je partage entièrement les inquiétudes qu’Annie Guillemot a exprimées dans son rapport pour avis sur la politique de la ville et sur l’ANRU. Je ne m’étendrai pas plus sur cet aspect du débat : disons simplement que je suis complètement en phase avec Mme Guillemot.
Concernant l’ANAH, en 2019, cette agence s’est montrée performante sur tous ses secteurs d’interventions : son action a connu une hausse de 20 % et on observe une vraie dynamique de rénovation sur l’habitat privé.
Confronté à ce succès, le budget de l’ANAH risque d’être déstabilisé dès la fin de 2020 et, a fortiori, en 2021, alors que de nouvelles missions lui seront confiées, notamment en faveur de la ruralité, en plus de son action en direction des copropriétés dégradées, du plan Chaudière et du programme Habiter mieux. Beaucoup de ces sujets vont monter en puissance, à moins, évidemment, que nous ne baissions les curseurs et les critères d’éligibilité et de financement afin de contenir les choses. Aujourd’hui – vous l’avez justement fait remarquer, monsieur le ministre –, il faut massifier toutes ces interventions.
On avait affecté à l’ANAH 550 millions d’euros issus des recettes des cessions de quotas carbone. L’année dernière, cette somme a été plafonnée à 420 millions d’euros, alors que la vente de ces quotas avait produit 840 millions d’euros de recettes : 420 autres millions d’euros partaient donc à la réduction du déficit de l’État. Ne croyez-vous pas, monsieur le ministre – je sais que vous partagez mon opinion –, que Bercy devrait plutôt vous laisser investir cet argent au service du développement de la rénovation thermique, de sa massification en tout point de notre territoire ?
Vous l’avez entendu, vous l’avez compris : les sujets ne manquent pas, qu’ils soient urbains ou ruraux, qu’ils touchent à la politique de la ville ou à la rénovation thermique des logements : il s’agit de sauver notre modèle du logement social tant qu’il est encore possible de le faire !
Mes chers collègues, nous ne voterons pas contre les crédits de cette mission…