Intervention de Julien Denormandie

Réunion du 3 décembre 2019 à 14h30
Loi de finances pour 2020 — État b, amendements 723 593

Julien Denormandie :

L’exercice est effectivement un peu compliqué. Plusieurs sujets ont été abordés. J’essaierai de faire simple.

Le premier concerne les APL en temps réel. Modulo le point de sémantique soulevé par le rapporteur spécial Dallier, le principe de la réforme est extrêmement simple : actualiser le calcul de l’APL en fonction de la situation et du revenu de nos concitoyens au moment où cette aide leur sera accordée.

Concrètement, comment allons-nous procéder ? Tous les trois mois, les revenus des douze derniers mois seront pris en compte. C’est une nouveauté, puisque, aujourd’hui, ces aides sont calculées en fonction de la situation d’il y a deux ans.

Au-delà du principe, j’insiste sur ce que disait fort justement M. le rapporteur spécial Dallier : le mode de calcul des APL ne sera en rien modifié. Si votre situation et votre niveau de revenu sont identiques à ce qu’ils étaient deux ans auparavant, le montant de vos APL ne changera absolument pas. Si vous êtes étudiant, vos APL, qui reposent sur des forfaits, ne changeront d’aucune manière.

Actuellement, dans la mesure où le revenu pris en compte est celui d’il y a deux ans, cela engendre un nombre incalculable d’effets correcteurs – M. le rapporteur spécial Dallier en a mentionné un. Si, il y a deux ans, vous travailliez et que, aujourd’hui, vous êtes au chômage, on introduit dans le calcul un élément correcteur considérant que votre indemnité chômage est égale à 70 % de votre revenu salarié. Cela signifie que, si votre indemnité est inférieure à ces 70 %, vous ne percevez pas le montant d’APL auquel vous devriez avoir droit.

Je cite l’exemple des chômeurs, mais le même système s’applique à quelqu’un ayant pris sa retraite il y a moins de deux ans. Sa pension de retraite est considérée comme étant égale à 70 % de son dernier salaire, son APL est donc calculée sur cette base. Or, pour nombre de jeunes retraités, ce taux ne correspond pas à la réalité. En prenant en compte le niveau réel de pension, tous les jeunes retraités dont la pension est inférieure à 70 % du dernier salaire seront gagnants avec cette réforme.

D’aucuns disent qu’il s’agit d’une réforme d’économies. Ce n’est pas le cas, et j’y insiste. Cette réforme permettra des économies si le chômage diminue. S’il augmente, ce sera une réforme coûteuse. Le filet de sécurité qui a été évoqué est fonction de l’activité et des situations. J’irai même plus loin en disant qu’il s’agit de populations auxquelles il faut apporter un accompagnement très spécifique.

Pour les étudiants, cette réforme ne changera rien. Pour les retraités, soit elle ne changera rien, soit elle sera bénéfique. Pour les actifs et les chômeurs, les APL seront fonction de l’évolution de leur situation, par exemple s’ils ont ou non un emploi.

Pour en terminer sur ce point, j’évoquerai deux catégories de population : les indépendants et les jeunes actifs.

Songez que les indépendants, en raison de plafonds définis de manière totalement aléatoire, doivent attendre deux ans avant de pouvoir accéder aux APL. Pendant leurs deux premières années d’activité, leur revenu est évalué forfaitairement, ce qui les exclue des APL. C’est absolument scandaleux pour les personnes qui, aujourd’hui souvent très jeunes, se lancent dans l’entrepreneuriat en tant qu’autoentrepreneurs ou indépendants.

Les jeunes actifs ne bénéficient pas non plus des APL s’ils n’en percevaient pas auparavant. Dans le système actuel, si un jeune actif bénéficiait des APL en tant qu’étudiant, il continue de les percevoir jusqu’au moment où il déclare avoir un emploi ou que la CAF lui notifie que son APL va être adaptée. Le jeune actif peut aussi ne pas avoir bénéficié d’APL lorsqu’il était étudiant ; c’est plus souvent le cas des étudiants pauvres que des étudiants aisés. Ceux qui n’avaient pas les moyens de se payer un logement ont pu être hébergés par un proche, par exemple. Dans ce cas, pendant deux ans, en raison du même système de forfait évaluatif, ils n’ont pas accès aux APL. Le jeune actif qui n’a pas perçu d’APL en étant étudiant et qui devient primo-demandeur doit donc attendre deux ans avant d’en bénéficier.

Un tel système n’est pas conforme à la réalité ni à l’accompagnement recherché.

Le rapporteur spécial Dallier a raison de souligner que, en engageant des réformes de ce type, il faut veiller à limiter les effets de seuil et les effets de bord. À cet égard, je pense à la question de la mobilité. Cette mobilité, il faut l’accompagner. C’est la raison pour laquelle, dans le plan d’investissement volontaire, nous avons mis en place une prime à la mobilité pour les jeunes actifs. C’est un point très important.

En conséquence, l’avis du Gouvernement est défavorable sur les amendements n° II-723, II-593 rectifié bis, II-714 rectifié et II-594 rectifié bis.

Le deuxième sujet, qui a été très largement évoqué, a trait à l’Agence nationale de la cohésion des territoires. Comme je l’ai indiqué à la tribune, son budget est de l’ordre de 50 millions d’euros et l’objectif est surtout de ne pas nous en tenir là, mais d’aller chercher les forces vives de l’ANRU, de l’ANAH, de l’Épareca, de la mission France très haut débit, de la mission France mobile ou encore du programme Action cœur de ville pour accompagner cette ingénierie. Le fondement et la valeur ajoutée de cette agence – ça marchera ou ça ne marchera pas – reposent sur le volume d’ingénierie. L’ANCT accompagnera les élus locaux dans le montage de leurs projets. Je ne peux pas être plus clair.

Nous verrons si le budget d’accompagnement prévu sera suffisant. Nous évaluerons la situation en fin d’année. Telle est la réponse que je peux apporter au président Requier et au rapporteur spécial Delcros. J’émets donc un avis défavorable sur les amendements n° II-703 rectifié et II-704 rectifié, ainsi que sur les amendements identiques n° II-588 rectifié, II-705 rectifié et II-895.

Le troisième sujet, dont nous avons déjà eu l’occasion de débattre longuement, est celui de l’APL accession. Je me bornerai à souligner un point, auquel je sais Mme Lienemann extrêmement attachée. Dans cette loi de finances, comme je m’y étais engagé, le PSLA sera étendu au logement ancien et permettra désormais aux titulaires d’un bail réel solidaire de souscrire un prêt à l’accession sociale. Madame Lienemann, j’ai honoré mon engagement.

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