Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’agriculture rencontre de grandes difficultés. La crise est à la fois économique pour certaines filières, de compétitivité, mais aussi et surtout morale. En effet, les agriculteurs sont aujourd’hui dans le doute. Ils ne savent plus ce que la société et les pouvoirs publics attendent d’eux. Cette colère, ce mal-être, s’est une nouvelle fois exprimée la semaine dernière dans les rues de la capitale.
Les agriculteurs sont pourtant les garants de notre souveraineté alimentaire. Ils jouent un rôle essentiel pour la protection et la gestion de la ressource en eau. Ils concourent au maintien de la biodiversité. Ils contribuent aussi à la transition énergétique au travers des biocarburants. Enfin, ils participent au stockage du carbone, levier important quand on connaît les enjeux du réchauffement climatique. La liste pourrait être beaucoup plus longue. Pourtant, ils sont chaque jour la cible d’attaques directes ou indirectes communément dénommées « agri-bashing ».
Les États généraux de l’alimentation se sont tenus voilà un peu plus de deux ans. Ils ont suscité beaucoup d’espoirs. De cette concertation est née la loi Égalim, qui tarde à porter ses fruits. C’est dans ce contexte difficile que s’inscrit, monsieur le ministre, votre action et votre budget.
Le budget de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » que nous examinons aujourd’hui est en légère hausse par rapport à celui de l’année 2019, ce dont je ne peux que me réjouir, même s’il ne retrouve pas son niveau de 2018. Le budget pour 2020 maintient les équilibres et s’inscrit dans la lignée des années précédentes. Malheureusement, dans le contexte que je viens de décrire, il ne nous semble pas à la hauteur des enjeux et des attentes.
Dans un premier temps, je souhaite évoquer le budget de la forêt.
Monsieur le ministre, j’ai eu l’occasion de vous interpeller sur la crise sanitaire de la forêt française la semaine dernière. Je regrette que cette politique soit encore le parent pauvre du budget. Elle réunit un millième des dépenses totales du budget de l’État, pour 30 % du territoire. Les dotations allouées à la forêt représentent 8 % des 3 milliards d’euros alloués au budget de l’agriculture. En outre, elles baissent de 2, 5 %, n’atteignant que 268 millions d’euros.
Ce budget manque d’ambition. Pourtant, la forêt doit faire face à un niveau de risque jamais atteint : réchauffement climatique, sécheresses successives et multiplication des attaques pathogènes. Malgré un tel contexte, le CNPF, qui est chargé de la gestion des forêts privées, lesquelles représentent 75 % de la superficie forestière française, voit son budget amputé de 1 million d’euros. Le CNPF et ses antennes régionales que sont les CRPF jouent un rôle primordial dans l’accompagnement quotidien des forestiers. Une baisse de leurs moyens serait donc en totale contradiction avec les objectifs d’une politique en faveur de la forêt.
Concernant plus spécifiquement l’agriculture, pour la troisième année consécutive, la dotation pour aléas, réduite de 25 millions d’euros, poursuit sa baisse, qui est toutefois moins importante que les années antérieures, alors même que les agriculteurs n’ont jamais été autant exposés aux aléas et aux risques climatiques. Nous appelons de nos vœux une réforme en profondeur et un renforcement des outils assurantiels et du régime des calamités agricoles.
Je veux aussi revenir sur le budget des chambres d’agriculture.
Initialement, le projet de budget pour 2020 ambitionnait de revoir profondément leur fonctionnement. Il prévoyait, d’une part, une baisse de 45 millions d’euros de la TFPNB et, d’autre part, un versement de cette taxe aux chambres régionales. Cette régionalisation à marche forcée a été très mal accueillie, puisqu’elle revient à anéantir le financement des chambres départementales.
Je me réjouis que le Gouvernement soit revenu sur ce dispositif. Les chambres d’agriculture sont un partenaire essentiel pour l’accompagnement de notre agriculture. Il faut donc les mobiliser plutôt que les affaiblir.
Enfin, je me réjouis que vous ayez maintenu les crédits du Casdar, levier essentiel du développement et de l’innovation.
Pour terminer, je veux m’attarder quelques instants sur le défi du renouvellement des générations. Aujourd’hui, un agriculteur sur deux a plus de 50 ans. Par ailleurs, 800 000 hectares de terres agricoles ont disparu en dix ans, soit quatre exploitations par jour.
Il est absolument indispensable d’assurer la protection des terres agricoles. Il y va de l’avenir de nos territoires. Aujourd’hui, les outils de régulation sont affaiblis par le développement de nouveaux modes de portage du foncier. Une nouvelle loi foncière doit donc au plus vite voir le jour, afin d’enrayer ce phénomène et de faciliter l’accès des jeunes générations au foncier.
Dans un contexte budgétaire extrêmement contraint, le budget de l’agriculture est d’une relative stabilité, ce qui pourrait à première vue nous satisfaire. Néanmoins, au regard des enjeux agricoles en matière d’innovation et de recherche, ainsi que des nécessaires investissements pour la forêt, ce budget ne nous semble pas à la hauteur des besoins.
S’il est stable, il ne permet pas suffisamment de répondre au malaise des secteurs en crise ni de rassurer nos agriculteurs. Il n’investit pas suffisamment dans l’avenir. Toutefois, je sais combien l’exercice est complexe. Notre groupe votera donc les crédits du Casdar et s’abstiendra sur les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ».