Intervention de Anne-Catherine Loisier

Réunion du 3 décembre 2019 à 21h30

Photo de Anne-Catherine LoisierAnne-Catherine Loisier :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je concentrerai mon propos sur la filière forêt-bois, plus vulnérable que jamais.

Plusieurs effets se conjuguent pour fragiliser nos forêts, qui meurent, si j’ose dire, « à petit feu » : sécheresses à répétition, fortes chaleurs, attaques parasitaires, dégâts de gibiers croissants… Plus aucun territoire, plus aucune essence ne sont épargnés.

À la catastrophe écologique s’ajoute la menace économique : des communes forestières privées de ressources, des marchés saturés, des prix qui chutent et des trous de production en perspective. Pour toutes ces raisons, notre production ne pourra pas répondre aux besoins de construction et en charpentes, ce qui nous obligera à importer toujours plus.

Face à ces réalités, il faut dès à présent aider nos forêts à devenir plus résilientes, en privilégiant des essences plus résistantes à la chaleur et plus frugales en eau, en diversifiant les peuplements, en faisant évoluer les méthodes sylvicoles, mais aussi en innovant et en adaptant l’outil de transformation.

De nombreux pays ont compris l’intérêt d’une forêt régénérée, productrice de bois d’œuvre et d’énergie renouvelable et puits de carbone : certains de nos voisins européens, mais aussi la Chine, la Russie ou l’Australie, investissent massivement dans leurs forêts.

La France, pourtant riche d’une forêt multifonctionnelle de 17 millions d’hectares, source de plus de 400 000 emplois, ne considère pas encore sa ressource forestière à la hauteur de ses bienfaits.

Cette négligence se traduit dans le PLF pour 2020 : le Gouvernement prévoit une baisse de 2, 5 % des crédits.

Si les crédits destinés à la forêt publique, via l’Office national des forêts (ONF), sont maintenus, il n’en est pas de même pour la forêt privée, qui représente pourtant les deux tiers des surfaces forestières.

Le Centre national de la propriété forestière perd 1 million d’euros, soit 7 % de son budget. Comment, dès lors, assurer sa présence et la disponibilité des 451 équivalents temps plein actuellement en service, qui ne sont pas de trop sur le terrain, aux côtés des 3 millions de propriétaires ?

Avec mes collègues du groupe d’études « forêt et filière bois », nous proposerons des amendements visant à maintenir les crédits alloués au CNPF et à revaloriser les dispositifs d’encouragement fiscal à l’investissement (DEFI) travaux et acquisition, afin d’inciter les propriétaires à s’engager dans la nécessaire restructuration des massifs forestiers.

Une enveloppe de 18, 5 millions d’euros est affectée au fonds stratégique de la forêt et du bois. C’est moins qu’à sa création, en 2014. Il était alors doté de 25 millions d’euros, et devait atteindre les 100 millions d’euros !

Aujourd’hui, les sylviculteurs craignent de devenir à leur tour les victimes d’un « sylvi-bashing » condamnant sans discernement les méthodes d’une profession pourtant exemplaire, qui pratique la multifonctionnalité, le mélange des essences, le respect des cycles et des sols, plus que dans tout autre pays au monde !

C’est la même menace qui pèse sur l’agriculture et la sylviculture françaises : à force d’imposer des contraintes nouvelles, de les fragiliser commercialement, nous prenons le risque de voir exploser nos importations ; comme nous avons besoin d’agriculture pour nous nourrir, nous avons besoin de bois pour construire…

L’abondement de ce fonds stratégique est donc essentiel pour reboiser les forêts en voie de dépérissement, mais aussi pour accompagner les entreprises de transformation dans les investissements qu’elles devront engager afin d’adapter leurs outils aux nouvelles essences, aux nouveaux produits.

Cette année encore, le fonds stratégique de la forêt et du bois est amputé des 4 millions d’euros de la taxe affectée plafonnée de défrichement. Monsieur le ministre, si vous ne pouvez pas faire plus pour la forêt, laissez au moins le produit de la fiscalité de la forêt lui revenir !

Les récents débats sur le PLF ont donné à entendre que les filières disposant d’un contrat d’objectifs et de performance (COP) – c’est le cas de la filière bois – feraient l’objet d’un déplafonnement. Nous comptons sur votre soutien, car la filière mise notamment sur les prochains jeux Olympiques, qui seront l’occasion de promouvoir les usages de matériaux biosourcés dans la construction.

Il est également indispensable que le Gouvernement encourage les initiatives privées dans nos forêts. J’ai proposé la création de « certificats de captation carbone », sur le modèle des certificats d’économie d’énergie. Ces certificats pourraient efficacement concourir à la réalisation de l’objectif de neutralité carbone en 2050. Jusqu’à présent, le Gouvernement préfère se contenter des démarches volontaires de quelques grandes entreprises ou associations, certes louables, mais tenant plus d’opérations de communication que d’un véritable plan de sauvegarde et de relance de la forêt !

L’enjeu est en effet, monsieur le ministre – je sais que vous-même l’avez compris –, de faire face au rouleau compresseur climatique qui décime petit à petit nos forêts : sans ressource, pas d’activité ! Les pays forestiers voisins l’ont compris ; le Gouvernement n’a-t-il pas d’ambition pour la forêt française ?

Vous comprendrez, monsieur le ministre, que nous ne votions pas les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », à l’exception de ceux du Casdar.

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