Intervention de Marie-Christine Chauvin

Réunion du 3 décembre 2019 à 21h30

Photo de Marie-Christine ChauvinMarie-Christine Chauvin :

Monsieur le ministre, mercredi dernier, les agriculteurs sont venus à Paris crier leur mal-être, souvent leur grande détresse. Que faites-vous pour répondre à leur angoisse ?

Vous affirmez régulièrement dans cet hémicycle que vous soutenez nos agriculteurs. J’ai le regret de vous dire, monsieur le ministre, que le projet de budget que vous nous présentez aujourd’hui ne donne pas le signal tant attendu par la profession. Hélas, ce n’est que la suite logique de ce qui s’est passé, par exemple, avec la loi Égalim : beaucoup d’espoir et, malheureusement, à ce jour, pour grand nombre de nos agriculteurs, pas d’amélioration de revenu !

Vous parlez beaucoup de transition écologique. Là encore, la déception est grande : il n’y a rien dans le projet de loi de finances pour 2020 pour accompagner nos agriculteurs dans une mutation profonde des modes de production de leurs exploitations. Ce texte souffre d’un manque de vision. Aucune stratégie à long terme n’est envisagée pour protéger les agriculteurs contre les aléas climatiques et économiques. Les exploitations agricoles restent donc vulnérables face aux risques climatiques et sanitaires.

En effet, la recrudescence de la tuberculose bovine peut inquiéter. L’essentiel des cas, pour le moment, se concentre en Nouvelle-Aquitaine. Le nombre de foyers a augmenté de 30 % en 2018. Il y a urgence à traiter ce problème. La peste porcine africaine nous épargne, fort heureusement, pour le moment. Les élevages chinois, eux, sont décimés.

Le cours du porc a augmenté de 45 % depuis le début de l’année 2019. Après plusieurs années difficiles, les éleveurs de porcs soufflent. Cette embellie ne sera peut-être pas durable. Eu égard aux nombreux défis qu’ils doivent relever, le renforcement de leur compétitivité passe par des investissements. Comment l’État peut-il leur donner un signal fort pour qu’ils profitent de ce haut de cycle pour investir ? Je soutiens, à cet égard, la solution adoptée par le Sénat lors de l’examen de la première partie du projet de loi de finances, qui permettra aux éleveurs de suramortir leurs investissements et ainsi de renforcer leur résilience, de réduire l’usage d’intrants ou de veiller à la santé et au bien-être des animaux.

Comme d’autres l’ont souligné avant moi, l’installation, la transmission des exploitations et l’accès au foncier font partie des enjeux majeurs pour l’avenir.

Le Jura a vu, cette année, plus de soixante-dix agriculteurs s’installer, hors cadre familial ou pas, avec des choix de production divers, allant du lait AOP au lait conventionnel, en passant par les grandes cultures et d’autres productions. C’est un beau résultat.

La réforme de la dotation aux jeunes agriculteurs a porté ses fruits. Le nouveau dispositif doit être renforcé si l’on veut favoriser le renouvellement des générations et permettre à 100 % des jeunes qui souhaitent s’installer d’aller jusqu’au bout de leur projet. En 2020, toutes les installations des cinq dernières années doivent être financées, sans retard.

Reste le problème la déchéance de la dotation aux jeunes agriculteurs. Le nombre de cas, dans le Jura comme dans d’autres départements, est en augmentation. Pour l’année 2019, dans le Jura, on en compte vingt avec obligation de remboursement total ou partiel. On risque de pénaliser des jeunes qui travaillent bien. De telles contraintes peuvent les dissuader de s’engager dans le processus de l’installation. Pourtant, cette démarche permet d’avoir des projets sûrs, cohérents et durables. Monsieur le ministre, peut-on trouver une solution pour remédier à cette situation ? Les chambres d’agriculture ont fait des propositions en la matière. Peut-on envisager qu’elles soient examinées ?

Notre agriculture relève aujourd’hui d’un choix de société et votre politique ne me paraît pas à même de relever ce défi. Notre indépendance alimentaire est en jeu. C’est pourquoi, comme nombre de mes collègues, je ne voterai pas les crédits pour 2020 de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ».

Monsieur le ministre, les fermes brulent au sens figuré et, malheureusement, au sens propre. S’il vous plaît, ne regardez pas ailleurs !

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