Intervention de Hubert Carré

Commission des affaires européennes — Réunion du 27 novembre 2019 à 13h40
Agriculture et pêche — Audition sur la récente circulation de grands chalutiers étrangers dans les eaux françaises

Hubert Carré, directeur général du Comité national des pêches maritimes et des élevages marins :

Je vous remercie pour cette invitation sur un sujet qui suscite une polémique et des incompréhensions.

Permettez-moi de rappeler au préalable que le Comité national des pêches maritimes et des élevages marins est une organisation professionnelle qui représente et défend les intérêts des marins pêcheurs professionnels, du pêcheur à pied jusqu'à l'armateur de thoniers dans l'océan Indien. Il comprend dans son instance de gouvernance tous les comités régionaux, les organisations de producteurs, les syndicats et prend ses décisions de façon collégiale. J'attire également votre attention sur le fait que l'organisation professionnelle que je représente n'a pas pris position sur le sujet de cette audition.

Le Margiris a effectivement navigué au large des côtes normandes, hors des eaux territoriales françaises. Ce bateau navigue depuis une dizaine d'années, tout comme naviguent et pêchent d'autres très grands chalutiers depuis une trentaine d'années.

La polémique liée à la récente circulation du Margiris est le fait de la double coïncidence du Brexit et des négociations du FEAMP pour 2021-2027. Le positionnement du bateau a été signalé par des Britanniques favorables au Brexit et à une renationalisation de leurs eaux. Par ailleurs, le cadre juridique du FEAMP 2021-2027 pourrait rétablir des subventions européennes pour les navires d'une longueur jusqu'à 24 mètres. Certaines ONG - Bloom notamment - jugent qu'une telle évolution encouragerait une surexploitation de nos ressources.

Autrefois, chaque État membre disposait de ses eaux territoriales jusqu'à 12 milles marins puis d'éventuelles zones économiques exclusives (ZEE). Notre politique commune de la pêche (PCP), créée en 1983, est la suite logique de la mise en commun des eaux des États membres. La clef de répartition des quotas de pêche a été fixée cette année-là et n'a pas été révisée depuis. Ces droits historiques assurent à chaque État membre de disposer toujours de la même proportion de droits de pêche, quelle que soit l'évolution de sa flotte. La France est ainsi très avantagée, puisque sa flotte est passée de 11 000 navires de pêche en 1983 à 4 500 aujourd'hui.

La flotte française a l'avantage d'être pluridisciplinaire, polyvalente, équilibrée et variée - du bateau de 8,50 mètres au bateau de 85 mètres. Cette diversité se retrouve également dans l'éventail des métiers existants - fileyeur, caseyeur, senneur, etc. - et dans les types de bateaux tels que le chalut de fond ou le chalut pélagique. Ce dernier, très critiqué, déploie son filet dans la colonne d'eau, sans toucher le fond pour pêcher des espèces pélagiques, notamment le maquereau, le hareng et le chinchard. Mais ces bateaux qui pêchent dans les mers communautaires sont soumis à la Politique commune de la pêche : ils doivent donc respecter, tout à la fois, des normes (totaux admissibles de captures et quotas notamment), des mesures techniques encadrant les caractéristiques des engins utilisés, les obligations de géolocalisation et de déclaration des captures en temps réel par le journal de bord (logbook), ainsi que l'obligation de débarquement pour toutes les captures. D'une façon générale, les contrôles sur les activités des navires de pêche ont ainsi été renforcés.

Nous avons en France la chance d'avoir une diversité de bateaux qui répond aux différents types de pêches et de marchés. Cette cohabitation, qu'il faut veiller à préserver, est parfaitement encadrée par la Politique commune de la pêche, par la réglementation nationale et par la réglementation professionnelle.

Dans le contexte du Brexit, les Britanniques pourraient trouver un intérêt à voir l'Union européenne se diviser sur les questions de pêche. Ils ont d'ailleurs été étonnés de constater que les pêcheurs de neuf États membres s'étaient associés pour obtenir que la pêche, au niveau communautaire, ne soit pas traitée comme une variable d'ajustement.

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