Mes chers collègues, nous allons pouvoir échanger aujourd'hui avec M. Philippe Léglise-Costa, représentant permanent de la France auprès de l'Union européenne. Retenu à Bruxelles par un entretien avec la présidente de la Commission européenne, il n'a finalement pas pu se déplacer au Sénat ce matin, comme prévu initialement, mais nous avons pu trouver une solution grâce à la visioconférence.
Monsieur l'ambassadeur, merci de vous rendre disponible pour cette audition depuis Bruxelles. Notre échange intervient à un moment important, à la veille de la prise de fonctions de la nouvelle Commission européenne et à l'heure où l'Union européenne est confrontée à des défis nombreux. Vous représentez la France au Conseil. S'il ne vient pas d'être renouvelé aussi profondément que la Commission européenne ou le Parlement européen, cet acteur institutionnel vit également des évolutions permanentes. Je souhaiterais donc vous interroger prioritairement à ce sujet.
Dorénavant, le Conseil se réunit à 27. Si le Royaume-Uni quitte vraiment l'Union européenne, il nous faudra construire une nouvelle relation avec ce pays et négocier plusieurs accords pour couvrir les nombreux domaines de coopération qui nous unissent. S'agissant de l'aspect commercial, pouvez-vous nous indiquer si le Conseil souhaitera que l'accord de libre-échange envisagé soit de nature mixte ou non ? Les parlements nationaux auront-ils à connaître de ce futur accord commercial ?
Inversement, le périmètre du Conseil pourrait être appelé à s'agrandir. Le Conseil européen a toutefois décidé, lors de sa dernière réunion, d'ajourner l'ouverture des négociations d'adhésion avec l'Albanie et la Macédoine du Nord. La France a été en pointe dans cette décision, en indiquant vouloir préalablement revoir le processus d'adhésion. Quel accueil a été réservé par nos partenaires à la proposition française de réforme du processus d'élargissement ?
Autre ferment d'évolution au sein du Conseil : le couple franco-allemand. Souvent présenté comme moteur de l'Union européenne, ce couple semble traverser une crise durable. La réaction de la Chancelière aux récents propos du président Macron sur l'OTAN constitue une nouvelle manifestation de la divergence de vues entre les deux rives du Rhin. Cette divergence nous inquiète. Nous serions intéressés de connaître votre appréciation et votre analyse sur cette question.
Autre sujet de fond : la transparence. En mai 2018, la Médiatrice européenne a fortement critiqué le manque de transparence des travaux du Conseil, notamment dans leur phase préparatoire, qui empêche les citoyens de véritablement contrôler les prises de décision au sein de cette instance. Le mois dernier, elle a réitéré ces critiques. De même, l'arrêt « De Capitani » a souligné le manque de transparence des trilogues. Quelle appréciation portez-vous sur cette question et, notamment, sur la transparence des travaux du Conseil vis-à-vis des Parlements nationaux ?
Par ailleurs, nous savons que le Conseil réfléchit actuellement sur ses méthodes de travail. Pouvez-vous nous présenter l'état des réflexions et votre position sur la modification des formations du Conseil, sur la place respective et le fonctionnement du Comité des représentants permanents (Coreper) et des groupes de travail, et sur la « stratégie » du Conseil dans le processus législatif ?
Enfin, pouvez-vous nous présenter l'accueil qui a été réservé, par les autres États membres et par la Commission européenne, au document franco-allemand sur la Conférence sur l'avenir de l'Europe ? Quel rôle devraient jouer, selon vous, les Parlements nationaux ? Pouvez-vous nous présenter les positions que la France envisage de défendre durant la phase qui serait consacrée notamment aux sujets des listes transnationales et des Spitzenkandidaten ?
Un dernier mot, si vous le permettez, au sujet du Parlement européen issu des élections de mai dernier. Après plusieurs décennies de majorité PPE-S&D, la nouvelle majorité repose maintenant sur trois, voire quatre groupes, qui n'ont d'ailleurs pas réussi à se mettre d'accord sur une plateforme commune cet été. Craignez-vous une forme d'instabilité particulière, qui ralentirait le travail législatif ? Comment voyez-vous l'influence des parlementaires français dans ce nouveau Parlement ?
Je vous remercie par avance pour les éléments de réponse que vous pourrez apporter à ces premières, et déjà nombreuses, questions. J'inviterai ensuite mes collègues à vous interroger également.