Il faut distinguer plusieurs niveaux. Au niveau opérationnel des administrations, la collaboration est très fluide et les éventuels décalages politiques ne se ressentent pas dans le travail quotidien. Il y a un réflexe franco-allemand, une coordination dans les travaux législatifs. Au niveau politique, les approches sont traditionnellement différentes. L'Allemagne est souvent plus prudente, attentive à procéder par étapes, en définissant des critères, tandis que la France cherche à accélérer le rythme, préfère donner des impulsions. Cette différence classique des cultures politiques s'exprime de manière plus ou moins forte en fonction des personnalités, des cycles politiques, de l'état de l'Union européenne. Ce n'est pas un motif d'inquiétude spécifique.
La question est de savoir si la France et l'Allemagne sauront faire face aux défis qui sont devant nous et qui sont considérables : la lutte contre le réchauffement climatique, la révolution numérique, les possibilités d'action dans un monde déstabilisé, la révision de la gouvernance démocratique de l'Union européenne, etc. L'Union des marchés des capitaux est un cas exemplaire où l'on doit trouver des solutions ambitieuses pour assurer le financement de l'économie européenne, sa souveraineté et son indépendance.
En dépit des différences d'approches, et même si les cycles ne sont pas synchronisés, nous continuons de faire des propositions et de lancer des initiatives mutuelles. Vous avez mentionné le document franco-allemand sur l'avenir de l'Europe, mais nous avons aussi demandé à M. Fabrice Demarigny, président de l'European Capital Markets Institute (ECMI), de faire des propositions sur l'Union des marchés des capitaux. De même, le ministre allemand des finances, M. Olaf Scholz, a fait des propositions innovantes sur l'Union bancaire, sujet complexe en raison des différences de structures entre la France et l'Allemagne. Il propose une forme de garantie des dépôts au niveau européen et un marché plus intégré permettant des consolidations bancaires. On note une dynamique. Il faudra la vérifier. En général, plus les défis sont importants, plus la France et l'Allemagne se retrouvent. L'Allemagne assurera la présidence de l'Union européenne au deuxième semestre 2020, suivie du Portugal, de la Slovénie et de la France, au premier semestre 2022. Cela permettra assurément de renforcer nos positions communes et nous travaillons à nous coordonner sur les sujets importants, comme la conférence sur l'avenir de l'Europe ou le futur sommet entre l'Europe et l'Afrique, qui sera l'une des priorités de la Présidence française.