Tout d'abord, je reste prudent : je ne vous communique que mes impressions à l'instant T, mais la situation peut évoluer d'un jour à l'autre.
S'agissant du problème géographique, la partie sud du Nes n'appartient pas au Rojava qui ne se limite pas à la partie occupée par les Turcs ; le territoire kurde syrien continue à exister, même amputé de 30 km de profondeur, et même si la volonté du président Erdogan est d'y installer les réfugiés syriens arabes, ce qui pose d'autres problèmes.
Vous m'avez interrogé sur l'OTAN. Même si la Turquie en est membre, ce n'est pas un sujet qui concerne directement l'Alliance.
En revanche, nous avons demandé la réunion de la coalition contre Daech, dont le principe a été adopté le lundi suivant par les 28. Aujourd'hui, tout le monde la demande, comme en témoignent les déclarations des Irakiens, des Saoudiens ou des Émiratis. Les États-Unis ont admis le principe d'une telle réunion. La France joue dans ce processus, un rôle de pilotage et d'incitation.
Il reste toutefois qu'un trouble s'est fait jour dans la relation transatlantique, Un sommet de l'OTAN prendra place à Bruxelles dans les semaines qui viennent, qui permettra d'évoquer l'état de cette relation en présence de M. Trump.
De ce point de vue, monsieur Yannick Vaugrenard, il me semble en effet que nous devons mobiliser l'Europe, et j'en discute avec le Président de la République. Ce trouble dans la relation transatlantique nous interroge tous et impose un sursaut de la solidarité.
Si nous ne nous prenons pas en main, quelle crédibilité nous restera-t-il ? Mes interlocuteurs me disent : « que voulez-vous que nous fassions ? Nous devons penser avant tout à notre sécurité. » C'est compréhensible. L'Irak a beaucoup donné ces dernières années.
C'est un moment majeur dans la relation entre les puissances, qui introduit une rupture de l'ordre international issu de 1945. L'Europe doit prendre conscience de ces enjeux et s'organiser, car la France seule ne le peut pas. Nous avons adopté une posture très ferme vis-à-vis des Turcs, mais nous devons conserver un moyen de leur parler et être attentifs à ce qu'ils veulent faire.
M. Joël Guerriau, je n'ai, quant à moi, jamais dit que Daech était mort. J'ai pu évoquer la défaite du califat territorial, après les dernières batailles du mois de mars, mais M. Baghdadi n'a pas été arrêté et Daech n'a pas disparu.
S'agissant des détenus, l'essentiel est pour l'instant resté sous contrôle. La sécurité des zones sensibles est assurée, sauf à Aïn Issa où un camp est séparé en deux, avec des femmes et des enfants de djihadistes d'un côté et des réfugiés de l'autre. Dans ce camp, des mouvements se sont produits il y a trois jours, des femmes sont parties, certaines sont ensuite revenues, je n'ai pas d'information plus complète. Avec l'Allemagne, la Grande-Bretagne, la Belgique, les Pays-Bas, le Danemark et la Suède, nous discutons de manière approfondie avec l'Irak du traitement des combattants. Nous sommes ainsi en contact avec les autorités politiques, judiciaires, pénitentiaires pour élaborer un dispositif de judiciarisation.
Cela ne se produira pas dans l'immédiat, mais nous avons l'expérience de mécanismes antérieurs et nous travaillons sur cette hypothèse. Les Irakiens sont compréhensifs et coopératifs, mais leur préoccupation majeure reste les milliers de djihadistes. Quoi qu'il en soit, du fait de l'histoire et de la confiance que nous avons construite, nous sommes en bonne position. Certains mouvements locaux ne sont toutefois pas favorables à ce processus, mais cela relève de questions internes au gouvernement irakien.
Les manifestations récentes, qui ont fait des morts, n'opposaient pas simplement les Chiites aux Sunnites. Il s'agissait plutôt d'un soulèvement populaire contre le Gouvernement en général, et la corruption.