Intervention de Jean-Yves Le Drian

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 22 octobre 2019 à 17h15
Projet de loi de finances pour 2020 — Audition de M. Jean-Yves Le drian ministre de l'europe et des affaires étrangères

Jean-Yves Le Drian, ministre :

Le budget de mon ministère pour 2020 passe pour la première fois le seuil des 5 milliards d'euros, en hausse de 138,5 millions d'euros, soit 3 %, par rapport à la loi de finances initiale de 2019. Il se décompose en deux parties : 2,87 milliards d'euros pour la mission « Action extérieure de l'État », dont les crédits augmentent de 2,3 millions d'euros, et 2,14 milliards d'euros pour le programme 209 « Aide publique au développement », en hausse de 136 millions d'euros.

Nous menons une réforme des réseaux de l'État à l'étranger dans le cadre du programme « Action publique 2022 » pour améliorer l'efficacité de notre action. Cette réorganisation place le Quai d'Orsay au centre du jeu, puisque la gestion des emplois de soutien et des crédits de fonctionnement de tous les réseaux internationaux de l'État est désormais unifiée sous sa seule responsabilité. Cela met un terme à une gestion en silo des ressources humaines. Très concrètement, nous mutualisons les chauffeurs, les secrétariats, etc. Cette réforme s'est traduite par le transfert sous le plafond d'emplois du ministère, au 1er janvier 2019, de 387 emplois et de leur masse salariale.

Nous unifions également la gestion des crédits de l'État à l'étranger. Mon ministère est affectataire depuis cette année de l'ensemble du parc immobilier de l'État à l'étranger, et gère également les parcs de véhicules. Les frais de fonctionnement correspondant sont d'environ 15 millions d'euros. Cette réorganisation renforce la cohérence de l'action interministérielle de nos ambassadrices et nos ambassadeurs, et nous aide à maîtriser l'évolution de notre budget. Mon ministère a travaillé avec sérieux et loyauté pour dégager les économies prévues dans le cadre de cette réforme. Son plafond d'emplois se trouve ainsi ramené à 13 524 emplois l'an prochain, soit une économie de 15 millions d'euros sur la masse salariale.

L'année dernière, j'avais été interpellé sur l'éventualité d'une cible initiale de 10 %. Grâce à votre détermination, nous avons pu réduire cette cible à 5,5 % de la masse salariale. Au total, les crédits de personnel s'élèveront à 977 millions d'euros en 2020, soit moins d'un cinquième du budget du ministère des affaires étrangères. Leur hausse de 1,6 % peut surprendre, alors que le nombre d'emplois diminue. Ce phénomène n'est pas propre à mon ministère, puisque le nombre d'emplois de l'État a diminué de plus de 10 % en dix ans quand la masse salariale a augmenté dans le même temps de 10 %. Or, sur la période 2008-2018, la masse salariale de mon ministère n'a progressé que de 8,7 %, en raison de diverses mesures catégorielles et du GVT.

Un autre élément doit être pris en compte : les trois quarts des agents du ministère sont en poste à l'étranger, où ils sont exposés aux effets d'une inflation supérieure à celle que nous connaissons en France : entre 2008 et 2018, l'inflation mondiale a dépassé 48 %, contre 15 % chez nous. La dépréciation de l'euro a également gonflé notre masse salariale. Il s'agit de facteurs exogènes sur lesquels nous n'avons guère prise.

Toutefois, nous avons intégré l'inflation dans les chiffres de la masse salariale qui vous seront présentés, et nous allons constituer une provision reflétant les sommes que nous estimons nécessaires pour préserver le pouvoir d'achat des agents du ministère compte tenu de l'inflation. J'aurais pu repousser la concertation à la fin de l'année, mais il me semble de bonne gestion d'inscrire ces sommes, que nous estimons à 15 millions d'euros, dans le budget initial que je vous présente aujourd'hui. Deuxième élément nouveau, confirmé par le Premier ministre dans sa lettre-plafond : le risque d'une perte de change en gestion sera couvert en fin d'année par la mobilisation de notre réserve de précaution. Nous avons passé un accord avec le ministère des comptes publics. S'il y a une perte, nous serons couverts ; un gain, nous rembourserons ! C'était une revendication que nous avions depuis très longtemps.

Les crédits du programme 105, consacré à l'action de la France en Europe et dans le monde, sont maintenus à 1,13 milliard d'euros. Ceux du programme 151, consacré aux Français à l'étranger et aux affaires consulaires, se maintiennent également, avec 136 millions d'euros hors dépenses de personnel. Ceux du programme 185, consacré à la diplomatie culturelle et d'influence, augmentent, hors dépenses de personnel, de 18 millions d'euros pour atteindre 643 millions d'euros. Si les moyens de notre réseau diplomatique et consulaire sont stabilisés, ceux de notre politique d'influence sont en hausse.

Les crédits de fonctionnement des services centraux et des postes dans le programme 105, de 354 millions d'euros, sont en légère hausse de 1,3 %. La réforme des réseaux de l'État nous permet de dégager une économie de 3 millions d'euros sur les moyens de fonctionnement, notamment grâce à la renégociation des contrats de prestation de service, désormais unifiée par nos ambassades, ce qui fait par exemple baisser le coût de nos factures de téléphone, ou grâce à la rationalisation du parc automobile. Nous avons aussi intégré dans ces crédits la compensation du différentiel d'inflation entre la France et le reste du monde, au bénéfice du fonctionnement des postes à l'étranger. Cette mesure a été établie très rigoureusement sur la base des anticipations d'inflation du FMI. Il s'agit d'une mesure complémentaire à la couverture des risques de change.

Comme vous me l'aviez demandé l'an dernier, j'ai veillé à augmenter les moyens de l'entretien de notre patrimoine exceptionnel à l'étranger. Le budget immobilier passe de 72 à 80 millions d'euros, soit une augmentation de 9 %. Cette mesure nous permettra d'agir face à la dégradation de nos biens immobiliers et au ralentissement des cessions immobilières à l'étranger qui réduit l'abondement de crédits au profit du programme 723 correspondant au compte d'affectation spéciale. Comme je m'y étais engagé, nous avons stoppé l'hémorragie de nos biens immobiliers à l'étranger, dont je considère qu'ils constituent des outils de travail majeurs, jouant un rôle indéniable en termes d'influence et d'attractivité. Le plan de sécurisation de nos ambassades et de nos lycées sera poursuivi en 2020. Pour mémoire, 100 millions d'euros ont été rendus disponible à cette fin en 2019 et 2020 sur des crédits non budgétaire du compte d'affectation spéciale 723 de la direction de l'immobilier de l'État. Nous avons dégagé des moyens pour achever la sécurisation de nos implantations à l'étranger qui devrait être achevée en 2020, 2021 au plus tard.

En 2020, nous prévoyons de vendre pour 30 millions de biens immobiliers à l'étranger, ce qui devrait nous permettre de poursuivre les investissements nécessaires par le biais de ce compte d'affectation spéciale. Cela dit, nous devons réfléchir au financement de notre politique immobilière après 2021 : nous ne pouvons pas vendre indéfiniment nos emprises majeures à l'étranger. La sécurisation sera financée, mais il faudra bien entretenir ce patrimoine à l'étranger, sans plus vendre. Si le Sénat a des suggestions.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion