Madame la présidente, madame le ministre, mes chers collègues, mon intervention portera essentiellement sur les relations de l’État avec les territoires ruraux.
Les subventions d’investissement aux collectivités territoriales sont reconduites en 2020, à hauteur de 2 milliards d’euros, avec notamment 1 milliard d’euros affectés à la dotation d’équipement aux territoires ruraux (DETR), chère à nos maires.
Par ailleurs, la dotation de solidarité rurale (DSR) augmente en 2020 de 90 millions d’euros, comme en 2019.
Les élus que je rencontre dans l’Eure – un territoire rural – se posent toutefois les questions suivantes.
Tout d’abord, la suppression de la taxe d’habitation sera-t-elle compensée à l’euro près ?
Ensuite, la hausse des dotations de péréquation verticale impliquera-t-elle la diminution d’autres dotations ?
Enfin, cette péréquation, qui bénéficie aux territoires ruraux, sera-t-elle bouleversée dans les années à venir ? Les maires attendent en effet avec appréhension la réforme de la fiscalité locale prévue en 2021.
S’agissant du premier motif d’inquiétude, le projet de loi Engagement et proximité prévoit que la fraction de la taxe d’habitation perçue par le département soit versée en compensation de celle que perdent les communes. Ce système semble judicieux et nous espérons qu’il fonctionnera dès l’an prochain.
Sur le deuxième motif d’inquiétude, je rappelle que la hausse de 190 millions d’euros de la péréquation verticale est financée par les collectivités locales elles-mêmes, au travers d’écrêtements qui entraînent des baisses de dotation forfaitaire pour de nombreuses communes rurales. À cela s’ajoute une minoration des variables d’ajustement à hauteur de 122 millions d’euros.
Pour respecter les plafonds fixés par l’article 16 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, l’État doit en effet compenser toute hausse en diminuant d’autres dotations.
Or l’assiette des variables d’ajustement s’est élargie à de nouvelles dotations ces dernières années : en 2017, d’abord, à la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP) des départements et régions, puis aux fonds départementaux de péréquation de cette même taxe, et enfin à la totalité de la dotation compensant les transferts des compensations d’exonération de fiscalité directe locale. En 2018, l’assiette a intégré la DCRTP du bloc communal et, en 2020, elle sera étendue au prélèvement sur recettes (PSR) qui compense les exonérations relatives au versement transport.
Toutefois, certaines mesures techniques ont été prises en sens inverse.
Ainsi, la dotation sera réduite à 75 millions d’euros en 2020, dont 10 millions d’euros en moins pour le bloc communal, ce qui constitue un sujet d’inquiétude pour les élus.
Le relèvement du seuil de neuf à onze salariés pour les entreprises a diminué de moitié la compensation du versement transport. Cela ne va pas encourager le développement du transport collectif, indispensable dans nos territoires ruraux.
Par ailleurs, les élus de nos territoires ruraux s’interrogent sur l’impact que pourrait avoir la réforme de la fiscalité locale sur les montants de péréquation.
La suppression des bases de salaires de la taxe professionnelle (TP) en 2005, la disparition définitive de la TP en 2012 ou encore les fusions opérées par la loi NOTRe en 2018 ont entraîné des modifications fiscales profondes.
La péréquation horizontale, mais aussi verticale, sera impactée en 2020 : le critère du potentiel fiscal par habitant est utilisé dans six mécanismes et constitue l’une des composantes du potentiel financier par habitant utilisé, lui, dans treize autres mécanismes. Il s’avère que c’est dans les territoires ruraux que l’impact de cette évolution pourrait être le plus négatif, car le nombre de propriétaires y est plus important qu’en zone urbaine.
En effet, ces territoires vont voir leur potentiel financier augmenter par rapport à la moyenne nationale, et donc percevoir moins de péréquation.
Madame la ministre, si l’on peut se satisfaire de certaines décisions prises en faveur des collectivités territoriales, il serait souhaitable que des simulations soient portées à la connaissance des parlementaires pour éclairer leur jugement et rassurer les élus de nos territoires.
Madame la ministre, il faut écouter le Sénat !