À l’inégalité sociale s’ajoute une égalité territoriale, car supprimer la taxe d’habitation avant d’engager la révision des valeurs locatives, repoussée aux calendes grecques, revient à fossiliser les différences de situation.
Les communes qui avaient un produit inférieur à la moyenne, en raison d’une assiette réduite souvent liée à une population modeste, recevront une compensation inférieure à la moyenne, sans espoir de rattrapage. Les communes pauvres seront donc perdantes.
Ainsi, annoncer la suppression d’un impôt injuste ne revient pas à œuvrer pour la justice fiscale !
Tous seront perdants, également, quant au montant de la compensation.
Pour 2020, le Gouvernement annonce que celle-ci se fera à l’euro près, je dirais plutôt à « l’euro presque ». En effet, le bloc communal enregistre une perte de 250 millions d’euros, d’une part parce que la compensation se fera sur la base des taux de 2017, gommant les augmentations de ces deux dernières années démocratiquement décidées par des municipalités souvent contraintes par des difficultés financières. Cela représente une perte de recettes supérieure à 100 millions d’euros, que le Gouvernement n’hésitera d’ailleurs pas à empocher.
D’autre part, après avoir envisagé de déroger à la revalorisation forfaitaire obligatoire des valeurs locatives, qui aurait provoqué un manque à gagner de 250 millions d’euros, le Gouvernement s’est rangé à la position de l’Assemblée nationale qui a corrigé le tir en se limitant toutefois à une augmentation de 0, 9 %, inférieure au chiffre de 1, 2 % de l’indice des prix à la consommation harmonisé. La perte de recettes atteindra donc 140 millions d’euros.
Tous seront perdants, toujours, sur les dotations.
Cette réforme aura des conséquences considérables sur le potentiel financier, lequel pourrait varier dans des proportions d’un tiers, à la baisse ou à la hausse, par rapport à la moyenne nationale.
Personne aujourd’hui ne dispose de simulation des conséquences possibles sur la vingtaine de dotations qui seront concernées. Des pauvres deviendraient subitement riches et seraient privés de soutien, quand des riches y deviendraient éligibles !
C’est la raison pour laquelle nous avons soutenu la proposition du rapporteur général de la commission des finances de reporter d’un an la mise en œuvre de la compensation et de maintenir le dégrèvement avant d’y voir plus clair.
Perdants, enfin, les départements, qui voient un impôt dynamique disparaître.
Le transfert de la part de foncier bâti compensé par l’attribution d’une fraction de TVA à compter de 2021 affaiblira l’évolution de leurs recettes fiscales, puisque, entre 2005 et 2017, le dynamisme de la TVA, de 2, 07 % par an, était inférieur à celui de l’évolution des bases de foncier bâti, lesquelles ont progressé dans la même période de 3, 13 %.
Si la réforme avait été appliquée depuis 2005, les départements auraient ainsi perdu 4 milliards d’euros de recettes.
Autrement dit, ils récupèrent une recette fiscale sur laquelle ils n’ont aucun pouvoir de taux et qui pourra baisser d’une année sur l’autre.
Madame la ministre, cette réforme bouscule et déstabilise la structure des recettes de nos collectivités territoriales ; elle rompt le lien entre le citoyen et le territoire et attaque le consentement à l’impôt ; elle supprime le dernier impôt local universel du bloc communal, gèle le pouvoir de taux de celui-ci et annule presque totalement l’autonomie fiscale des départements. Bref, elle est contraire à l’esprit de la décentralisation !